Toujours Là

By Casti3lle

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(Toujours Là - Tome 1) - Jude. « Tu vas t'faire aplatir si tu veux test ma famille » À la différence de cette... More

Avant-propos
Prologue. « Bienvenüe »
Petit récapitulatif des familles
Chapitre 1. « J'pète les plombs, putain j'pète les plombs »
Chapitre 2. « J'dis souvent déso, mais j'suis pas désolé »
Chapitre 4. « Il était une fois deux frères, deux fauves »
Chapitre 5. « Il vaut mieux contrôler ta rage de jeune »
« No sleep until I'm done with finding the answer »
Chapitre 6. « J'suis comme au bord d'une falaise quand j'dois m'confier »
Chapitre 7. « But there were things I could not say »
Chapitre 8. « Toujours l'même schéma chez moi »
Chapitre 9. « Wish we could turn back time »
Chapitre 10. « T'es par terre, finis mon gars »
« Life is what happens to you while you're busy making other plans »
Chapitre 11. « If I fall I'll take it all , it's so easy after all »
Chapitre 12. « Je l'allume pour qu'mes démons s'calment »
Chapitre 13. « Don't you know that the kids aren't all, kids aren't alright »
Chapitre 14. « Les contraires, ça tire »
Chapitre 15. « Ma grenade est dégoupillée »
« La vérité s'trouve dans le son d'une voix quand elle ment »
Chapitre 16. « Mauvais, j'crois qu'j'suis mauvais »
Chapitre 17. « Just need you to tell me we're alright, tell me we're okay »
Chapitre 18. « J'ai toujours l'cerveau qui fume »
Chapitre 19. « On fait la guerre en étant en accord »
Chapitre 20. « Préviens tes zins et tes zines »
« You held it all and I was by your side, powerless »
Chapitre 21. « T'as qu'un ennemi, c'est toi »
Chapitre 22. « Chez nous, rien n'est plus important que la famille »
Chapitre 23. « J'vois tout c'qu'il s'passe, j'suis pas Daredevil »
Chapitre 24. « Faut pas qu'on oublie la magie qu'y'a dans nos iris »
Chapitre 25. « Ain't it fun, living in the real world ? »
« I want to let go of the pain I felt so long »
Chapitre 26. « J'aime bien quand j'suis high, j'aime pas quand ça r'descend »
Chapitre 27. « Because of you the day looks brighter »
Chapitre 28. « Ma patience a d'jà quitté depuis belle lurette »
Chapitre 29. « I'm twisted up, inside my mind »
Chapitre 30. « Peu de confiance en moi j'doutais de tout mais pas de nous deux »
« Elle était compliquée mais j'l'aimais »
Chapitre 31. « Have no fear, release your pain »
Chapitre 32. « Quand tu m'regardes c'est trop grave, obligé de rétrograder »
Chapitre 33. « If everything could ever feel this real forever »
Chapitre 34. « I'll bomb down on 'em, I'm comin' through »
Chapitre 35. « J'ai mal à mon âme, ouais, ouais »
« J'agirai comme un parrain si tu touches à ma filleule »
Chapitre 36. «There's nothing more cruel than to be loved by everybody but you»
Chapitre 37. « Maybe you're my last love, maybe you're my first »
Chapitre 38. « You knew she couldn't stay »
Chapitre 39. « A mistake on the painting of my family »
Chapitre 40. « Sometimes to stay alive you gotta kill your mind »
« J'me sens déjà très mal car mon fils me manque »
Chapitre 41. « J'me rappelle que tout va mieux quand j'me rappelle de rien »
Chapitre 42. « One up, one down, je dois trouver une issue au labyrinthe »
Chapitre 43. « Vu que je prends du recul, j'vois l'décor s'éloigner »
Chapitre 44. « Personne voit l'futur en avance »
Chapitre 45. « He was feeling incomplete, about to take his final fall »
« J'ai la force h24, sous adrénaline »
Chapitre 46. « Nothing kills a man faster than his own head »
Chapitre 47. « La colombe est restée sous les décombres »
Chapitre 48. « I dug this grave I call my home »
Chapitre 49. « N'oublie pas qu'on nous dit pas tout »
Chapitre 50. « There's still time to change the road you're on »
« I'm sorry I can't help you. Somebody should've had your back »
Chapitre 51. « I try desperately to run through the sand »
Chapitre 52. « Things aren't always what they seem to be »
Chapitre 53. « All we do is think about the feelings that we hide »
Chapitre 54. « My shoulders weigh more than I can take »
Chapitre 55. « Lay your weary head to rest »
« Keep on dreaming, don't stop breathing, fight those demons »
Chapitre 56. « Just like an 'I love you' that isn't words »
Chapitre 57. « Hey Jude, refrain. Don't carry the world upon your shoulders »
Chapitre 58. « Show me how to be whole again »
Chapitre 59. « Today's a good day »
Chapitre 60. « Mes pensées noires j'les ai teintes en rose »
« There's a knock at your front door »
Message auto-déstructible (on sait tous que je vais jamais l'enlever)

Chapitre 3. « I don't like my mind right now »

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By Casti3lle

– Tu m'as manqué Papa, fait joyeusement Lou, le visage enfoui dans le cou de notre daron.

Ça fait à peine dix minutes que les derniers squatteurs sont partis, et Louise lâche pas mon père. Mais je sais que ça le dérange pas, parce qu'elle a beau avoir dix ans, Lou c'est son bébé. Y'a qu'à voir le sourire qu'il a sur le visage tandis qu'il joue avec ses cheveux en la serrant contre lui. Je peux même pas m'empêcher d'être attendri devant cette scène.

– Toi aussi Puce. 

Il dira pas ça demain quand il aura envie de pioncer et que Lou voudra faire mille trucs dehors.

– Vous m'avez tous manqué, complète-t-il.

C'est ouf comme ils arrivent à tous exprimer leurs sentiments dans ma mif. 

– À table ! s'exclame subitement la voix d'Oscar dans la cuisine.

Comme elle sait rien faire lentement, Louise bondit sur ses pieds et court jusqu'à la cuisine pour aider à mettre la table dans le salon :

– Doucement, souffle mon père d'un air blasé.

Je ne peux pas m'empêcher de ricaner : on l'aime tous, mais qu'est-ce qu'elle nous fatigue !

– Papa tu vas être trop content ! s'exclame Lou en revenant, sautillant avec un verre dans chaque main. C'est de la blanquette façon Mamé !

Les yeux de mon père s'écarquillent de contentement, et mon ventre gargouille.

– Lou ! raisonne la voix pleine de réprimande de ma mère. C'était censé être une surprise.

La bouche de ma petite sœur s'arrondit puis elle nous fait sa grimace spéciale « oups », l'air désolée.

Comment voulez-vous ne pas être fan d'elle ?

Une fois tout le monde installé, mon père commence à servir tout le monde :

– Bon ! Débrieff ! Qu'est-ce qui s'est passé pendant deux semaines ?

– Je peux commencer ? demande joyeusement Lou. Ok, fait-elle avant même qu'on lui donne l'autorisation. Alors lundi j'ai eu foot, mardi à l'école y'avait roller, mercredi je suis allée à la piscine avec Maman et après j'ai eu foot, jeudi j'ai eu hand...

– Dans les grandes lignes Lou, l'interrompt mon frère.

Louise hausse un sourcil d'incompréhension.

– Dis à Papa le plus important, lui explique ma mère, pas un résumé de toutes tes journées.

Ma petite sœur a toujours l'air de rien piger :

– Mais tout est important.

Ma mère soupire d'un air blasé tandis que mon père se marre, et Lou reprend :

– Alors, jeudi j'ai eu hand, vendredi j'ai rien eu, samedi j'ai eu match de hand et on a gagné, dimanche je suis allée chez Tonton Ken avec Louaï pour jouer avec Maëlys mais comme ils sont au collège ils parlent de trucs que je comprends pas tout le temps. Ensuite lundi après...

– Ouais bon c'est bien, l'interrompt mon père. Je crois que j'ai capté l'essentiel. T'as fait comme toutes les semaines quoi ?

Lou fronce rapidement les sourcils pour réfléchir, puis un sourire rayonnant illumine son visage tandis qu'elle hoche rapidement la tête à plusieurs reprises.

– Et l'école ? 

Je vois à son léger sourire en coin que mon père connaît déjà la réponse à sa propre question. De toute façon ma mère et lui s'appellent tous les jours quand l'un d'eux est en déplacement.

Louise baisse un peu les yeux d'un air coupable puis, incapable de mentir :

– J'ai eu deux sur dix à mon contrôle de calcul...

– Et comment ça se fait ? demande mon père, faignant une réprimande.

Louise hausse les épaules en fixant tristement son assiette en silence.

Moi je sais comme ça se fait : c'est parce qu'elle est incapable de se concentrer plus de deux secondes. Et mes darons le savent, apparemment elle a hérité du tempérament de ma mère, donc au fond c'est pas de sa faute. Ils lui en veulent même pas, ils sont toujours là à l'encourager, ce qui les fait surtout rager c'est que les enseignants de Lou veulent la faire retaper tous les ans. En plus de mes profs qui veulent faire la même chose avec moi depuis le collège.

– Et t'as eu combien à ton contrôle d'Anglais ? demande ensuite mon père, réprimant un sourire.

Ma mère a un petit sourire attendri. Il est vraiment fort.

Le visage de Louise s'illumine soudainement, et c'est pleine de fierté qu'elle lui répond :

– 10 sur 10 !

Un sourire satisfait se dessine sur les lèvres de mon père, content de son petit effet, puis il tend son poing à Lou :

– C'est bien, je suis fier de toi ma fille !

Louise tend son poing à son tour pour le faire s'entrechoquer avec celui du daron, et leurs mains repart en mimant une explosion. Ma petite sœur a un éclat de rire puis le daron se tourne vers mon frère et moi :

– Et vous les gars ? Quoi de neuf ?

– Les notes ça va, commence Oscar. Le hand, ça va, les potes ça va.

Je me retiens de lever les yeux au ciel face à son humilité ; de toute façon tout me saoule chez lui, il se serait vanté que j'aurais eu la même réaction.

– Comment ça, « ça va » ? se moque mon père. D'après Maman t'as eu dix-huit en physique, dix-sept en maths et dix-neuf en SVT. J'appelle pas ça juste « ça va » moi.

Oscar retient un sourire fier, mais je vois bien qu'il est content de la réaction du daron. C'est ce qui le pousse surement à continuer :

– Je vais êtes surclassé au hand. Je passe chez les moins de dix-huit. 

Et oui, à mon plus grand damne, je vais devoir jouer avec mon casse-burnes de petit frère.

– T'es sûr que tu veux être surclassé ? demande mon père dans une grimace. Je suis ultra fier de toi, je dis pas, mais... Ils sont quand même beaucoup plus baraques que les moins de seize ces gars-là... 

Vrai. Je dois mesurer un mètre soixante-quinze pour quatre-vingt kilos, et je suis un des plus petits de l'équipe. Oscar mesure un mètre soixante-dix et doit peser soixante-cinq kilos tout mouillé. Alors, même si les ailiers sont pas les plus baraques, il va douiller avec nous.

– Oui, je suis sûr. Regarde Anquetil, il était beaucoup plus petit que les autres, mais à l'aile c'était suffisant. Pareil pour Maman, sa carrure l'a jamais empêchée de devenir une des meilleures joueuses de tous les temps.

Notre daronne passe rapidement sa main dans les cheveux d'Oscar et, comme souvent lorsqu'on complimente notre mère, le daron a une esquisse de sourire fier :

– Ok, mais en tout cas évite de te faire casser. De toute façon Ju sera là pour couvrir tes arrières !

– C'est pas le rôle du pivot de faire attention à ses ailiers, je marmonne en coupant un morceau de veau.

– Ouais mais c'est le rôle de l'aîné de faire attention à son petit frère.

– Mika... commence ma mère.

Elle sait que le daron essaye de me provoquer et que ça va partir en couilles. De toute façon il aura pas le dessus ; parce que même quand les embrouilles la concernent pas, c'est toujours ma daronne qui a le dernier mot.

- J'ai plus quatre ans Papa, proteste Oscar.

Même si on est pas d'accord sur grand chose, il déteste autant que moi le fait qu'on compte sur moi pour le protéger. On veut rien avoir à faire ensemble, et de toute façon il se débrouille très bien tout seul.

– Quatre ans ou pas, on prend soin de sa famille, reprend mon père en me fixant. Que ce soit ses frères et sœurs ou ses cousins.

Franchement, ça fait bien longtemps que ce genre de provocation marche plus avec moi. 

Je reste concentré sur mon assiette, m'appliquant à la finir vite pour pouvoir retourner dans ma chambre. Parce que visiblement, on s'en branle de ce que moi j'ai pu faire ces deux dernières semaines à part oublier d'accompagner les sales mômes de Max au collège.

– Ouais, bah je suis pas la mère de tous ces gosses, je réplique. Ely et Isma ont le même âge que moi, c'est pas pour autant qu'ils doivent gérer toute la marmaille.

– On peut manger sans avoir un combat de coq ? souffle ma mère. S'il vous plait.

Je sens qu'elle va pas tarder à péter un câble et possiblement nous faire la gueule à tous les deux toute la soirée.

Mais ça a beau être le boss dans cette maison, à cet instant ni mon père ni moi n'avons envie de l'écouter. J'ai un peu envie de le faire sortir de ses gonds.

En face de moi, Oscar soupire et éteint ses appareils auditifs d'un air saoulé.

– Un service Jude, c'était juste un service. Je pensais que mon frère pouvait compter sur son neveu de dix-sept piges pour emmener ses mômes au collège. Collège qui se trouve juste à côté de ton lycée d'ailleurs.

– Je l'ai fait tous les putains de jours, j'étais juste en retard ce matin, c'est bon. Pourtant c'est tout ce que tu retiens.

– Toi et moi on sait très bien qu'il s'agit pas que de ça.

Ça y'est, on y est. Un petit résumé de toutes les conneries que j'ai fait volontairement ou pas durant ces deux semaines. Et puis pourquoi pas ressortir les vieux dossiers de toutes les conneries que j'ai fait dans ma vie ? Y'en a à l'appel, il a l'embarras du choix.

Putain, quitte à ce qu'on se mêle de mes affaires, je préfère encore l'approche de Tarek.

Prends sur toi Ju, je m'intime. Lui réponds pas, il va se lasser tout seul, et tu pourras retourner dans ta chambre.

Il me faut un bédo.

– J'aime pas quand vous vous battez, boude Louise en tournant la tête entre mon père et moi d'un air triste.

Et voilà, situation désamorcée, le petit ton suppliant de ma sœur a toujours raison des tensions chez nous.

– On en reparlera plus tard, souffle mon père.

Puis il se tourne tout sourire vers Lou et commence à la taquiner.

Bon, bah visiblement j'ai plus grand chose à faire ici. Je me lève finalement en emportant mes couverts et mon verre pour aller les déposer dans la cuisine.

– On t'a pas autorisé à sortir de table, proteste mon père.

Putain mais il a vraiment décidé de m'embrouiller dès son retour en fait. Je m'en passe bien de son autorisation.

– Mika ça suffit, me défend ma mère. Laisse-le.

J'ai pas besoin qu'elle me défende, je suis déjà en train de monter dans ma chambre, mais je suis quand même content qu'elle le fasse.

– T'es vraiment con quand tu t'y mets, fait-elle à mon père avant que je ferme la porte de ma chambre.

Putain de merde. Ça finit toujours comme ça. 

Louise la petite puce pleine de vie, Oscar le petit génie de la famille et Jude... Bah Jude quoi. On est là.

En arrivant dans ma chambre, le premier truc que j'ai envie de faire, c'est casser un truc ou enfoncer mon poing dans un mur. Mais je fais ni l'un ni l'autre parce que j'ai pas envie qu'on me renvoie chez la psy. C'est bon, j'ai donné. Au pire je démarrerai des types demain pour casser des gueules si je suis pas redescendu.

Lutant pour pas m'allumer un joint tout de suite parce que je sais que ma mère va surement débarquer pour apaiser les tensions, je mets mes écouteurs et lance un anime sur mon ordi.

Mais j'arrive même pas à me concentrer, et il faut que je remette la même séquence plusieurs fois de suite tellement je suis sur les nerfs.

Il est vingt-et-une heure. Fait chier. Je peux même pas sortir parce que vu comme mon daron a décidé d'être con, il m'autorisera jamais à aller chez Ely.

Bordel j'ai vraiment besoin de ce bédo.

J'ai envie de casser un truc putain.

Je songe bien à appeler Kaïs, ma cousine, mais je sais que ce soir elle est à l'anniversaire d'une de ses potes, elle répondra pas.

Ma cousine c'est une des seules personnes qui arrive à m'apaiser. Elle le fait même pas exprès en fait ; généralement je lui dis pas que ça va pas, je prends juste des nouvelles d'elle et de ses petits problèmes d'ado de quinze ans et ça me suffit pour me calmer. Ça me décentre de mes propres problèmes.

Putain j'en ai marre d'avoir tout le temps tout envie de péter. C'est épuisant d'être en colère h24.

Si y'avait pas eu cette salope de Jasmine...

Alors que je vais commencer mon troisième épisode d'anime, des coups sont frappés à ma porte ; putain c'est pas trop tôt, qu'on en finisse vite que je puisse fumer mon spliff.

À ma grande surprise, c'est pas la tête de ma mère mais celle de mon père qui apparaît dans l'encadrement de la porte :

– Je peux entrer ?

J'acquiesce sans rien dire, le regardant simplement s'avancer vers mon lit. Je préfère vraiment quand c'est ma mère qui vient essayer d'apaiser les tensions, j'arrive jamais rien à lui refuser. 

Au début j'ai pas vraiment envie de lui parler, mais je suis un peu moins hostile en voyant le petit paquet bleu visiblement fait à la va-vite dans ses mains. 

Je crois que mon père sent que je suis prêt à l'entendre puisqu'il s'assoit sur le bord de mon lit en souriant légèrement :

– Bah ouvre, me fait-il.

Comme si j'en avais besoin pour savoir de quoi il s'agit.

C'est sans grande surprise qu'en le déballant, je tombe sur « Jeunes Entrepreneurs », le premier album de L'Entourage. 

Chez nous, ce truc a la même symbolique qu'un drapeau blanc. C'est moi qui lui avait offert en premier quand je devais avoir genre huit ans. Je m'étais fait engueuler pour une connerie de gosse et vu que mes darons s'énervaient quasiment jamais, j'avais culpabilisé de ouf. Du coup j'avais pris le premier truc que j'avais trouvé - l'album - je l'avais emballé dans une serviette en papier et je le lui avais offert. Depuis à chaque fois qu'on s'embrouillait on se l'échangeait.

– Je t'ai même pas demandé comment t'allais, fait-il avec hésitation.

– Ça va.

Je veux bien lui parler, mais je compte pas développer pour autant, il m'a gavé, mes muscles sont encore beaucoup trop tendus.

– T'as fait quoi ces deux semaines ?

J'ai un petit rire jaune :

– T'es déjà au courant de tout par Maman.

Mon père soupire d'un air fatigué : de toute façon je sais que j'y couperai pas, alors autant en finir maintenant.

– Qu'est-ce que t'as en ce moment ? fait-il finalement. Je sais que t'as jamais été très exemplaire à l'école et que t'es impulsif, mais là... Dix heures de colle en deux semaines et trois bastons, ça commence à faire beaucoup.

– Je sais.

– Je veux pas t'engueuler parce que je me doute que ta mère s'en est déjà occupée. Mais... Putain Ju, on s'inquiète nous. La dernière fois que t'as été comme ça...

– Je sais, je le coupe.

Je crois que Ken, Tarek et lui sont parvenus à la même conclusion - la mauvaise - et j'ai pas envie qu'il ressorte les vieux dossiers.

Surtout qu'il y a vraiment rien de mal à avoir un coup de mou putain ; je fais pas chier Ken à chaque fois qu'il sort un morceau déprimant en accusant le fait qu'il ai perdu beaucoup de frères au court de sa vie, ou que ses exs la lui ont mis à l'envers alors que ça fait seize piges qu'il est avec Alice.

Une des raisons de ma colère, c'est Jasmine. Mais j'ai aucune envie de lui parler d'elle, et je sens que si je trouve pas une vieille excuse mon daron va pas me lâcher, et ma mère non plus. En plus c'est deux des êtres humains les plus bornés de la planète.

– Ça doit être l'automne, je sais pas..., je fais. J'en ai juste ras le cul des cours, ça ira mieux quand on sera en vacances.

En vrai c'est un semi-mensonge ; j'en ai vraiment ma claque du lycée, et si y'avait pas Ely, je pense qu'on m'y verrait pas souvent.

Surement pour ça que mon père a l'air de me croire :

– Ok...

Puis un petit sourire en coin se dessine sur son visage, faisait apparaître les pattes d'oie au coin de ses yeux :

– Tu les as démonté au moins les mecs avec qui tu t'es battu ?

J'ai à mon tour un sourire amusé, repensant à Youssef et son nez en sang :

– Évidemment.

– Bien joué gamin !

On finit tous les deux par se marrer ; en vrai j'ai deux très mauvais exemples en tant que figures parentales, j'ai entendu beaucoup trop d'anecdotes de mes oncles ou de mon grand-père.

– Et puis cette histoire de meuf là, commence-t-il plus sérieusement. C'était vrai ?

Et merde. Aucun envie d'en parler, vraiment, j'ai envie de tout casser quand j'y repense, il vient de foutre en l'air tous ses efforts de me calmer en une phrase.

Je fais pourtant tout pour cacher ma colère et j'acquiesce simplement.

– Vous étiez ensemble depuis longtemps ?

Papa, c'est bon.

– Cinq mois.

Les yeux de mon daron s'écarquillent, et je sais qu'il est sûrement en train de se demander comment cette information a pu lui échapper.

– Avec ta belle gueule t'en retrouveras une bientôt, fait-il au bout de quelques secondes.

Pas sûr d'en avoir envie. Je crois que j'ai été vacciné à vie pour le coup, je laisserai plus jamais personne m'atteindre.

Avant Jasmine, j'avais réussi à me construire une bête de forteresse, je laissais rien me toucher sentimentalement parlant, j'avais même réussi à prendre du recul par rapport à ma mif et à m'éloigner un peu d'eux. Je m'étais promis que rien pourrait plus jamais me faire de mal.

Et puis... Jasmine.

– Et ben vivement que l'automne se termine et que tu sois en vacances, lance mon père en se levant, me faisant sortir de mes pensées. Parce que j'aime pas te voir bresson comme ça là. On dirait que tu vas sauter par la fenêtre.

Toujours plus. Ses racines de sudiste perdurent. 

– T'inquiètes, j'ai entraînement demain, ça me fera du bien.

Vraiment, je déteste avoir l'air vulnérable comme ça. 

« C'est l'automne et les cours ». Pff. Pathétique.

Mais c'est soit je continue avec cette excuse, soit je le laisse creuser et atteindre ce que je veux que personne atteigne.

– Ouais, je pense aussi. Bon, je te laisse regarder la propagande de ton oncle.

Les animes, la « propagande » de Ken.

Quelques minutes plus tard, parce que comme d'habitude, une vague de remords me prend en pensant à ma daronne, je fais semblant d'aller me chercher à graille dans la cuisine pour avoir l'occasion de repasser dans le salon où mes darons regardent une série.

– Bonne nuit, je lance.

– Bonne nuit, lancent-ils d'une même voix, ma mère dans les bras de mon père.

Je les vois se regarder avec suspicion, puis balançant ma fierté à quelques mètres histoire de pouvoir la récupérer plus tard, je contourne le canapé et me positionne devant eux, ultra mal à l'aise :

– Désolé d'avoir été con Mom.

Bon, ok, y'a pas que Lou que j'aime pas blesser. J'arrive aussi à m'excuser quand il s'agit de ma daronne. C'est les seules à pouvoir obtenir des excuses de ma part.

Ma mère se redresse et m'adresse un petit sourire :

– Viens-là.

J'aime pas les câlins, mais avec elle c'est spécial. Entre nous deux, ça a toujours été spécial. Alors je m'exécute, et ma daronne me sert contre elle :

– Je t'aime ma crevette, fait-elle.

Pareil, y'a qu'elle que je laisse m'appeler par des surnoms ridicules. Et jamais en public. Elyas me chambre souvent avec ça. Je crois qu'il y a que lui qui a oublié que son daron l'a appelé « Gnocchi » pendant giga longtemps.

Je lui adresse simplement un sourire timide en m'écartant d'elle. 

– Et t'en fais pas, c'est parce que tu tiens de ton père si tu te comportes comme un con, s'exclame-t-elle alors que je remonte les escaliers.

Je me marre en les entendant s'engueuler quelques secondes plus tard.

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