- Serre un peu plus ta baguette quand tu fais le mouvement Neville. Voilà, c'est bien comme ça. N'oubliez pas, plus votre souvenir vous a procuré un bonheur intense, plus votre patronus sera puissant.
Harry marchait entre les 8es années qui tentaient de produire un patronus. Ils avaient encore beaucoup de mal, même si cela faisait déjà presque un mois que les cours avaient repris et que Harry, responsable de la défense contre les forces du mal, s'était donné corps et âme pour apprendre ce sortilège complexe à ses amis. Il avait été tellement occupé ces derniers temps par le travail que, comme il l'avait espéré, il ne pensait presque plus à autre chose durant ses journées, et le soir, épuisé comme il l'était, il arrivait mieux à dormir, même si les cauchemars n'avaient pas arrêté de le réveiller en pleine nuit. Il voyait peu Ron en dehors des cours, car son ami passait ses week-ends au Pré-au-Lard à travailler, et que le reste du temps ils étaient souvent tous les 11 à travailler ensemble dans la salle commune. Harry était sûr que la plupart se réfugiaient dans le travail pour oublier, et que c'était la principale raison de leur présence à tous les 11 à l'école cette année. Dans d'aussi exceptionnelles circonstances, personne ne leur aurait exigé de posséder ses ASPICs pour pouvoir travailler, et Hermione avait reçu un hibou des jumelles Patil qui lui expliquaient qu'elles avaient pu trouver une place facilement à Sainte Mangouste, où elles étaient actuellement en formation pour devenir toutes les deux guérisseuses. Toujours est-il que l'ambiance dans la maison Dumbledore était, depuis un mois, au travail et toujours sérieux. Le silence de la salle commune était celui que tous attendaient le soir pour travailler, mais il était aussi rassurant. Harry appréciait vraiment la présence de ses amis, même s'ils ne se parlaient pas forcément. Ils avaient vécu des choses si profondes ensemble qu'ils avaient passé le stade de devoir parler pour se comprendre et se réconforter, et Harry comptait sur leur présence, mais aussi sur leur silence, et c'est ce qui lui permettait de lentement se relever. En plus de tout ça, il y avait Ginny, bien qu'ils se voyaient bien moins qu'Harry l'aurait voulu. Il était souvent en train de travailler, et elle, qui était la capitaine de l'équipe de Quidditch de Gryffondor, avait très souvent des entraînements avec son équipe. Ils ne se voyaient ni à table ni dans la salle commune vu qu'Harry n'était plus à Gryffondor et était tenu de respecter la neutralité de sa maison, et il voyait avec douleur la rousse s'éloigner petit à petit de lui. Il ne savait pas quoi faire mais il la sentait devenir presque une étrangère pour lui, indépendante et forte, mais Harry ne l'était pas. Il avait besoin d'elle pour avancer. Il avait besoin de l'avoir à ses côtés, avec son énergie, son enthousiasme, ses sourires, pour réapprendre à vivre. Elle possédait une force qu'il avait perdu, elle avait gardé cette étincelle de vie qu'Harry avait vu s'éteindre sous le souffle de la guerre. Il devait la voir ce soir-là au bord du lac, et il n'arrivait pas à en être heureux. Il sentait que ça ne se passait plus si bien entre eux, il sentait Ginny se détacher, et il avait peur. Peur de perdre ce qui le rattachait à la vie. Peur de perdre celle qui lui donnait envie de se lever le matin, et d'avancer.
Il secoua la tête pour sortir de ses pensées et revenir au cours sur les patronus. Il s'approcha de Drago, à l'écart du groupe, pour observer son patronus. Mais le serpentard ne lança rien avec sa baguette. Il regardait dans le vide, ses yeux rouges et humides fixés sur un point qu'Harry ne pouvait voir. Drago, autrefois si fier, n'était plus qu'un pâle fantôme de lui-même. Il avait passé tout le mois à l'écart de tous, Harry essayant de faire des efforts pour l'intégrer, mais les autres 8es années étaient trop rancuniers, alors le blond avait arrêté d'essayer de leur parler, et s'était mis de lui même encore plus à l'écart. Il n'avait bien évidemment pas arrêté de faire des remarques désagréables, mais c'était dans sa nature, pensa Harry, même s'il manquait vraiment de conviction quand il les disait. Drago ne bougeait toujours pas, ses doigts serrant si fort sa baguette que ses veines ressortaient.
- Tu ... Tu ne veux pas essayer de lancer un patronus ?
- Fais moi rire Potter. T'as dit qu'il fallait quoi pour lancer un patronus ?
- Un souvenir heureux.
- Et tu crois vraiment que j'en ai un seul ? J'ai essayé, mais apparemment rien ne m'a jamais rendu assez heureux pour que ça réussisse.
Harry resta silencieux quelques instants, et, voyant que Drago n'allait rien ajouter, il dit :
- Je suis sûr qu'il y a une chose qui t'a déjà rendu heureux Malefoy, mais sache que ce sort est complexe et qu'il demande vraiment ...
- Beaucoup d'entraînement, je sais, merci Potter pour cet éclairement.
- Dans ce cas-là entraîne toi et essaye de le lancer ! Et pour une fois mets ta fierté de côté et laisse moi t'aider !
- Ah oui j'avais oublié que Saint Potter avait comme devoir d'aider le pauvre et l'orphelin, ça tombe bien je ne suis aucun des deux.
Malgré cette ultime pique de Drago, ce dernier leva sa baguette, se concentra et essaya de lancer le sort. Au bout de quelques essais et grâce aux corrections apportées par Harry, il arriva à faire jaillir une sorte de brume argentée du bout de sa baguette.
- C'est bon Potter, t'es content ? T'as vu que j'étais incapable de produire un patronus, maintenant tu peux aller aider les autres ?
- Tu n'en es pas incapable, moi aussi j'ai commencé avec cette petite brume, mais faut continuer de s'entraîner !
Harry fit un grand sourire à son ennemi d'enfance avant de le laisser planté là et d'aller aider Neville, qui avait réussi à faire prendre feu le bout de sa table. Le cours continua ainsi, chacun s'entraînant à lancer ce sort, et peu avant la fin le professeur Mac Gonagall fit irruption dans la pièce.
- Monsieur Malefoy, je voudrais vous parlez, veuillez me suivre dans mon bureau je vous prie.
Quand elle attendait que Drago range ses affaires et la suive, Harry prit le temps de l'observer. Elle paraissait vieillie prématurément, comme immensément fatiguée par ce qu'elle devait affronter tous les jours. En plus de cet air préoccupé qu'elle affichait depuis la rentrée, il put remarquer ses yeux humides et ses mains tremblantes, et il craignait une mauvaise nouvelle supplémentaire. Il regarda Drago partir avec appréhension, n'étant pas sûr que ce qu'il allait entendre lui fasse vraiment du bien. La cloche sonna et tous partirent en direction de la salle de potion, où c'était justement Drago qui devait leur faire cours. Ils attendaient en discutant devant la salle qu'il revienne, et Harry entendit Ernie dire à Seamus :
- Malefoy je l'ai jamais aimé, et je comprends pas pourquoi ils l'ont accepté à Poudlard alors que c'était un mangemort. Il était du côté des méchants, pourquoi est-ce qu'il peut revenir comme ça, libre comme l'air, dans une école où il a fait venir les sorciers qui ont tué Dumbledore ?! Il devrait être envoyé à Azkaban.
- Dumbledore croyait aux secondes chances, et je crois en lui.
Dean et Ernie se tournèrent vers Harry, qui avait prononcé cette phrase calmement, mais fermement, et qui regardait ses deux amis avec une lueur de défi dans le regard. Ils n'étaient pas les seuls à s'être tus pour écouter la discussion, et ce fut Dean qui reprit :
- Harry, je sais que t'es quelqu'un de bien et que c'est normal que tu le défendes, je pense, mais ouvre les yeux ! C'est génétique ! C'est le sang de mangemorts de père en fils depuis Serpentard qui coule dans ses veines ! Une belle lignée de mages noirs, donc il est l'unique héritier, tu crois vraiment que ça peut disparaître comme ça ?
Harry sentait la colère monter en lui. Il avait vu Pansy se tendre à sa gauche, ravalant l'insulte qui lui venait. Elle avait été finalement bien intégrée dans la maison Dumbledore, alors qu'elle venait elle aussi de Serpentard, alors pourquoi faire cette différence avec Drago ? Pourquoi elle avait le droit à une seconde chance et pas lui ? Parce que son père à lui était méchant, c'est ce qu'on allait lui répondre. Pourquoi tout le monde se contentait de regarder les familles pour juger et classer les autres ? Il n'y avait pas eu assez de contre-exemples pour montrer que ça ne marchait pas ? Il suffisait de regarder les Dursleys et lui-même, on pourrait difficilement croire qu'ils étaient de la même famille... Mais en parlant de mages noirs, il suffisait de regarder les Black, grande famille au passé plutôt sombre, fière de son sang pur depuis l'origine, qui avait donné naissance à deux fils s'étant retournés contre les mages noirs, ayant donné la vie pour le triomphe du bien ... Sirius s'était détaché très tôt de sa famille et de ses idées, mais Regulus avait lui aussi prouvé sa valeur en mourant pour détruire un des horcruxes de Voldemort, qu'il a trahi pour anéantir le mal. Harry s'apprêtait à répondre aux deux garçons quand Hermione prit la parole.
- Je ne crois pas que l'on puisse juger quelqu'un sur sa famille ... Le parrain d'Harry a été le meilleur exemple pour ça, pourtant c'était un Black, famille que vous connaissez sûrement ... Alors non vous n'avez pas le droit de dire que Drago est aussi mauvais que par sa famille ...
Harry savait qu'elle pouvait prendre aussi la défense de Drago, comme elle l'avait fait au chemin de Traverse, et il commençait à comprendre pourquoi elle avait fait ça, et même être d'accord avec elle. Après, il n'était pas encore prêt à le pardonner pour tout ce qu'il lui avait fait, mais pour l'instant ils étaient égaux, voire même Harry avait plus de chance que le blond. Tous les deux souffraient de jour comme de nuit. Harry, même s'il était vraiment bien entouré, se sentait quand même souvent seul et se surprit parfois à envier Drago qui ne devait répondre de rien vis-à-vis des autres, et qui bénéficiait d'un calme constant autour de lui. Ils éprouvaient une douleur commune, et c'était pour ça qu'Harry voulait le défendre. Il voulait pouvoir faire comprendre aux autres que, dans le fond, il était comme eux, et qu'il méritait la même attention que lui-même recevait. Ils discutèrent encore quelques minutes quand le professeur Stebbins arriva. Il les fit entrer rapidement, et une fois que tout le monde était assis à sa place, il prit la parole :
- En l'absence de Monsieur Malefoy, qui restera temporaire j'espère, je vous ferais cours. Quelqu'un peut me dire où vous en étiez resté avec votre camarade ?
Le cours avança mais Harry, qui s'était mis derrière avec Ron et Hermione, n'écoutait pas vraiment. Sa meilleure amie lui posait sans cesse des questions auxquelles il ne savait pas forcément répondre, mais il n'avait pas d'autre choix que d'essayer.
- Mais, Harry, pourquoi tu défends autant Drago, je comprends pas !? C'est toi qui lui a explosé le nez devant tout le monde au chemin de Traverse, qui m'a tenu tête parce que j'ai essayé de le défendre, et maintenant tu t'assois à côté de lui en cours et tu le défends quand il est pas là ! Il s'est passé quoi au juste ?
- Je sais pas Hermione ... C'est juste que c'est ce qu'ils attendent de nous, non ? Une maison unie, où on a réussi à mettre nos différents de côté ... Je sais que c'est ce que Dumbledore aurait voulu, et ... je crois que je veux lui rendre hommage en respectant ça ...
Hermione ne répondit pas, mais Harry eut le temps de la voir esquisser un sourire avant de commencer à prendre en notes ce que le professeur Stebbins disait. Le cours parut plus long que d'habitude à Harry, sans qu'il n'arrive à trouver pourquoi, et il s'apprêtait enfin à sortir de la salle quand la voix du professeur atteignit ses oreilles.
- Monsieur Potter ! J'aimerais vous parler.
Ron et Hermione laissèrent donc Harry seul avec leur professeur de potions, curieux de savoir pourquoi il l'avait fait rester avec lui. Harry n'en avait pas plus d'idée, et fut encore plus étonné quand Stebbins lui demanda d'aller voir Mac Gonagall dans son bureau sur le champ.