L'apprenti-maitre

By OrianeQuillqueen

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Léo mène une vie ennuyeuse, sans amis, traquée régulièrement par des voyous du quartier. Ne l'appelez surtout... More

Chapitre 1 : Myst-air (2)
Chapitre 1 : Myst-air (3)
Chapitre 1 : Myst-air (fin)
Chapitre 2 : Volont-air (1)
Chapitre 2 : Volont-air (2)
Chapitre 2 : Volont-air (fin)
Chapitre 3 : Bon vent ! (1)
Chapitre 3 : bon vent ! (fin)
Chapitre 4 : Prim-air (1)
Chapitre 4 : Prim-air (fin)
Chapitre 5 : Second-air (1)
Chapitre 5 : Second-air (2)
Chapitre 5 : Second-air (3)
Chapitre 5 : Second-air (4)
Chapitre 5 : Second-air (fin)
Chapitre 6 : en coup de vent (1)
Chapitre 6 : En coup de vent (2)
Chapitre 6 "En coup de vent" (3)
Chapitre 6 "En coup de vent" (4)
Chapitre 6 "En coup de vent" (fin)
Chapitre 7 : spectacul-air ! (1)
Chapitre 7 : spectacul-air ! (2)
Chapitre 7 : spectacul-air ! (fin)
Chapitre 8 : débonn-air (1)
Chapitre 8 : débonn-air (2)
Chapitre 8 : débonn-air (3)
Chapitre 8 : débonn-air (fin)
Chapitre 9 : Tourne à tous les vents (1)
Chapitre 9 : Tourne à tous les vents (2)
Chapitre 9 : Tourne à tous les vents (fin)
Chapitre 10 : Intermédi-air (1)
Chapitre 10 : Intermédi-air (2)
Chapitre 10 : Intermédi-air (fin)
Chapitre 11 : Atmosph-air (1)
Chapitre 11 : Atmosph-air (2)
Chapitre 11 : Atmosph-air (fin)
Chapitre 12 : Vent debout (1)
Chapitre 12 : vent debout (2)
Chapitre 12 : Vent debout (3)
Chapitre 12 : Vent debout (fin)

Chapitre 1 : Myst-air(1)

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By OrianeQuillqueen


Dans ma vie, j'ai toujours couru. Petite, je courais en riant, jusqu'à ce que ma mère m'attrape et que je rie encore plus. Et j'ai encore couru enfant, dès que l'occasion y était : rattraper le bus scolaire, fendre la foule d'élèves comme si ma journée allait passer plus vite, vider mon esprit tourmenté par mes nombreuses questions sur la vie qui se noircit sans arrêt. Sans arrêt. Sans arrêt courir, pour ne pas risquer de se poser et de contempler le désastre autour de soi. Ma mère qui ne se remet pas de mon putain de géniteur lâche. Le manque d'amis. Les notes moyennes. Le désintérêt pour ce qui branche mes camarades. Les trois caïds du coin qui m'emmerdent à la moindre occasion. Je les fuis avec le professionnalisme d'une acharnée de la course. Car quand je cours, je suis moins seule. J'ai le vent qui m'offre ses caresses et me détend. J'aime le vent. J'aime courir. Et j'aime pas les choses qui s'arrêtent.

Aujourd'hui est un jour de merde comme un autre. Le repas de midi en solitaire, la course-poursuite dans les dernières rues avant d'être à la maison, mon sac sur le dos. La petite pluie qui ne convainc pas mes agresseurs routiniers de faire demi-tour. J'halète, j'aspire un max les bourrasques glacées que créent mon corps et la bise ensemble, sans me retourner, et c'est... c'est... un calvaire ! Mon souffle ! J'ai un capuchon capillaire blond qui vire châtain sous le début de pluie, j'entends toujours derrière moi ces ordures me crier qu'ils m'auront. Alors je cours plus vite encore et leurs voix se font étouffer par les rafales dans mes oreilles. Les ondes invisibles virevoltent le long de mes pavillons, je n'entends plus qu'un bruit sourd semblable à une bâche soulevée par une tempête. Ça me rassure. Je ne suis plus qu'à une rue de chez moi, mon dernier virage est pris serré et je sens que je commence à avoir une pression chaude dans les poumons qui m'étreint. Lorsque je m'arrête face à la porte de bois de mon foyer, un petit sifflement nait entre deux respirations fortes. Fait chier.

— Elle a gagné, cette fois-ci ! lance la voix de Jérémy.

-Bah, on la chope au moins une fois par semaine, ricane dans mon dos Lara, ça reste une bonne moyenne. Allez, les gars, on se casse !

Ouais c'est ça, cassez-vous. Je leur fais même pas le plaisir de pivoter vers eux. J'entre chez moi au plus vite pour me mettre à l'abri de la flotte qui tombe de plus en plus fort et aussitôt, j'ai la voix de ma mère qui résonne dans toute la maison comme une vieille chanson.

— Ah tu arrives à temps, ma puce ! Quelles rafales !

Je ne réponds pas et sors précipitamment de ma poche ma bombe pour briser l'asthme qui m'étreint. Je vide mes poumons, inspire un grand coup le soin volatile et bloque, tout en jetant mon sac au sol. Ma mère me découvre sur ma dernière grande prise d'air et n'est pas dupe.

— Tu as encore déclenché une crise ? Tu devrais faire attention.

— Je... j'ai senti la pluie arriver, je voulais rentrer avant qu'elle tombe.

Je n'aime pas parler à ma mère du trio de crétins qui me poursuit. Elle croit que je perds souvent des choses ou que je me vautre en pleine course capricieuse, elle ne se doute de rien. Et c'est mieux ainsi. Elle m'embrasse, puis me laisse aller me changer. Après le repas, en pyjama doudoune, je profite qu'elle soit devant la télé pour cueillir les derniers brins de soleil dehors. Un crépuscule, avec de l'air plein le visage, voilà ce qu'il me faut. C'est un des rares moments où la nature me donne une raison de penser que ce monde peut être magnifique.
Tandis que je glisse mes pantoufles sur la terrasse, je fixe le soleil qui rougit. Le vent a charrié des petits bois des arbres au fond du jardin jusque devant nos dalles. Et c'est l'une des brindilles qui me sort de ma contemplation, en se brisant net sous le poids de... quoi ? Qui ? Je me retourne dans un sursaut vers l'angle du mur et il me semble voir la silhouette d'un homme s'encourir au-delà de notre façade latérale.

— Eh ! Vous pouvez pas venir...

J'arrive sur le gazon entre ma maison et la haie du voisin, la tête face à une rue déserte. Dans un soupir perplexe, j'éteins ma voix sur le petit « ici » qui devait achever ma phrase. Ai-je rêvé ? Je ressonge à l'image fugace qui m'a traversé l'esprit. Un gars assez grand, basané, qui devait être à peine plus vieux que moi, avec une courte barbe, mais je n'ai pas plus de détails. Ça s'est passé si vite que j'hésite à me croire folle, surtout que sa tête comme ça ne me dit rien. Je décide de rentrer me coucher. Je dois être crevée ou manquer d'oxygène quelque part, après mes efforts du jour.

**********************************

Le lendemain, la routine reprend. Le vent est redevenu calme et le ciel à peine gris. La plupart de l'eau du ciel s'est déplacée ou est tombée, se muant en flaques tout le long de ma route. Comme toujours, dans mon école, je regarde le sol, j'écoute et je m'ennuie. Normalement, ayant dix-neuf ans, je ne devrais plus être ici, mais j'ai tout raté l'an dernier et les rares personnes avec qui je tenais des conversations de temps en temps sont toutes parties aux quatre coins du pays. J'aurai vingt ans dans quatre mois. On sera fin juin. Ca n'aide pas à se sentir à l'aise avec des plus jeunes que je ne côtoyais même pas en cours. Donc, je me retrouve là, en solitaire, à n'être abordée que pour expliquer un truc que j'ai déjà réussi l'an dernier ou donner des astuces sur les péchés mignons des profs. Vous savez, du genre « Eh Léo ! A ton avis, il vaut mieux miser sur quel sujet pour le contrôle d'Histoire ? » « Dis, Léo, tu pourrais me dire ce qu'on va regarder comme vidéo au cours d'anglais ? Comme ça j'irai la voir sur le net avec les sous-titrages, sinon je vais rien capter ! ».

Eh oui, j'insiste pour qu'on m'appelle « Léo ». Je ne réponds pas si on me nomme en entier. Mon prénom est vieillot, on dirait celui d'une grand-mère. Mon prénom, c'est une des rares choses que mon père m'ait donnée de toute ma vie. Ma mère aime me raconter à quel point il avait insisté pour pouvoir choisir le prénom. Elle croit peut-être ainsi le faire revenir ou donner une belle image de lui devant moi, mais moi, je n'ai aucune envie qu'il revienne. C'est lui qui est parti. C'est à cause de lui si je n'ai aucun souvenir de son visage et si ma mère ne sourit presque jamais. J'ai vu une photo d'eux deux, plus trois d'elle seule à l'époque de mon père, et ce sourire sur elle, il n'existe que dans ces souvenirs qu'elle n'ose pas jeter. J'ai horreur de mon prénom, parce qu'il porte la trace de celui qui fait pleurer ma mère certains soirs. Et parce qu'il est parti sans jamais oser s'expliquer, je le déteste de tout mon cœur.

C'est un mythe de dire qu'on a tous au moins un ami à notre âge. Moi, je n'en ai pas. Et je ne dois pas être la seule, mais je n'arrive pas à être moi-même à l'école, alors si je devais être amie en me montrant sous mon plus moche jour, ce ne serait pas une belle amitié, non ? Bref, je rentre et je rêve de ressortir. C'est sans doute pour ça que j'ai pas réussi mes tests l'an passé. La motivation reste un concept flou dans mon esprit. Je file et j'avance, parce qu'il faut avancer. Sans but réel. Comme ce doux vent.

Parfois, il y a quand même de bonnes choses. Par exemple, la prof' de mon dernier cours est malade, ce qui me fait rentrer une heure plus tôt que d'habitude et éviter les trois brutes. Je pourrais ne pas courir, du coup, mais... je le ferai quand même. A petites foulées. Il fait bon pour un début de mois de mars, je me sens légère dans mes baskets et j'entame ma démarche l'esprit serein. Rien ne viendra me perturber aujourd'hui.

-Eh ! Eh, dis ! Pourquoi tu cours ?

Je dévie le cou vers la voix, mécontente d'être cassée dans mon petit plaisir du jour, prête à lui lancer un « Non mais de quoi je me mêle, je vous connais pas ! », quand la tête du mec à côté de moi me fait freiner sec. Il s'était adapté à ma foulée et s'arrête face à moi. Son silence ne répond pas à ma stupeur, mais son allure, oui : il ressemble beaucoup à cette vision d'hier soir... Ma curiosité est bien trop grande ! Est-ce un signe ? Est-il consistant ?

-Vous êtes qui, vous ? 

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