Le ciel était bleu

By plume-fauve

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L'année de première s'est finalement terminée et de l'eau a coulé sous les ponts au lycée Jeanne d'Arc. Si c... More

Prologue : Lili
Chapitre 1 : Thylane
Chapitre 2 : Sam
Chapitre 3 : Olenka
Chapitre 4 : Farah
Chapitre 5 : Lili
Chapitre 6 : Léo
Chapitre 7 : Thylane
Chapitre 8 : Farah
Chapitre 9 : Olenka
Chapitre 10 : Sam
Chapitre 11 : Lili
Chapitre 12 : Thylane
Chapitre 13 : Léo
Chapitre 14 : Olenka
Chapitre 15 : Farah
Chapitre 16 : Sam
Chapitre 17 : Lili
Chapitre 18 : Thylane
Chapitre 19 : Olenka
Chapitre 20 : Léo et Farah
Chapitre 21 : Sam
Chapitre 22 : Lili
Chapitre 23 : Léo
Chapitre 24 : Lili
Chapitre 25 : Olenka
Chapitre 26 : Sam
Chapitre 28 : Farah
Chapitre 29 : Quand tout s'effondre
Chapitre 30 : Quand la tempête passe
Chapitre 31 : Quand le printemps arrive
Épilogue
La fin
Tome 3 - La vie est belle

Chapitre 27 : Thylane

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By plume-fauve

Thylane rentrait de son footing, complètement essoufflée. Ces derniers temps, elle avait ressenti le besoin de retourner courir, se dépenser, se vider la tête. C'était sans doute grâce, ou plutôt à cause, de sa relation avec Sam.

Thylane avait peur. Elle avait peur car elle sentait qu'elle s'attachait dangereusement à Sam. Or, depuis ce qu'il lui était arrivé, elle refusait de faire à nouveau confiance aux Hommes. L'humain était mauvais. Pas naturellement, évidemment, personne ne naissait mauvais. La vie faisait que des drames arrivaient, des choses s'enchaînaient et les Hommes faisaient des conneries. Tout le monde pouvait devenir un criminel du jour au lendemain, Thylane en était persuadée. Il n'y avait pas les gentils et les méchants. Dans ce contexte, comment pouvait-elle faire confiance à quelqu'un ? Pire encore, aimer ? Confier son coeur, alors qu'il avait déjà tant souffert ? Thylane avait peur.

Elle refusait d'aimer, elle ne se sentait pas prête. Il y avait des nuits où ses démons revenaient, où son désespoir qui avait menacé de la tuer refaisait surface. Thylane sentait bien qu'elle n'était pas encore guérie. La plaie avait un pansement mais ne se refermerait sans doute jamais. Peut-être qu'elle devait apprendre à vivre avec. Ou peut-être qu'elle guérirait. Et qu'un jour, elle arrêterait de se fuir.

Et ce jour arriverait peut-être plus tôt que prévu.

Elle rentra chez elle et monta directement dans sa chambre pour esquiver ses parents. La sensibilité de Thylane faisait que leurs rapports étaient de plus en plus conflictuels. J'ai tellement hâte de me barrer de cette maison toxique. Ses parents n'avaient pas été là pour elle quand ils auraient dû et elle n'était pas sûre qu'elle parviendrait à passer au-dessus de ça un jour. Elle retira ses écouteurs et ouvrit la porte de sa chambre. Thylane sursauta en voyant que Sam était dans sa chambre, posé sur son lit.

"Sam ?! Qu'est-ce que tu fous là ?!"

Sam était assis sur son lit. Son teint était plus pâle que jamais et ses yeux verts étaient écarquillés comme s'il contemplait la Mort. Il n'avait pas l'air normal. Perdue, Thylane ouvrit la bouche avant de la refermer. Sam avait son journal à côté de lui.

Il avait lu son journal.

Un peu sous le choc de toutes ces informations qui se bousculaient en elle, Thylane se laissa submerger par la colère.

"T'as fouillé dans mes affaires ! Que... Pour qui tu te prends ? Sam, merde !"

Thylane s'agitait dans tous les sens mais elle remarqua vite que Sam semblait absent. Il la regardait avec des yeux vides. Un vide qui la frappa directement au coeur. Face à ces yeux écarquillés et plein d'horreur, Thylane eut un sentiment de déjà-vu qui lui donna un haut-le-coeur. Elle se força à se reprendre en main avant qu'elle n'explose.

Son journal. Son histoire. Entre les mains de quelqu'un.

"Qu'est-ce que t'as lu ? demanda t-elle avec agressivité."

Thylane s'assit à côté de Sam en tentant de contrôler sa colère. Ce n'était pas le moment, merde. Il fallait qu'elle se calme. Peut-être qu'il n'avait rien lu...

Sam lui prit les mains. Il la regardait désormais avec un regard empli de culpabilité. Thylane eut un mouvement de recul. Elle sentait l'orage arriver.

"Je suis tellement désolé, Thylane. Je suis tellement désolé.
- Quoi ? commença t-elle à paniquer. Parle, Sam !
- C'était moi."

Thylane fronça les sourcils. Il y eut un long silence. Elle le regarda, elle tenta de se persuader que ce n'était pas ce à quoi elle pensait. Elle avait confiance en Sam. Elle avait confiance.

"De quoi, c'était moi ? s'impatienta t-elle, en plein déni. Parle, merde !
- Ce... C'était moi. Le 31 Octobre... Thylane, putain... J'ai vu ce qui allait se passer et je me suis enfui."

Tous les muscles du corps de Thylane se relâchèrent. Elle resta littéralement stoïque face à ces mots. Qu'est-ce qu'il racontait ? Pourquoi il disait ça ? Non, ça n'allait pas, les mots n'allaient pas avec les actes, les actes n'allaient pas avec Sam. Il y avait un problème.

"Je suis tellement désolé, Thylane, répéta Sam, la voix tremblante de larmes. C'est de ma faute. J'aurais pu agir mais j'ai rien fait. Je suis tellement, tellement désolé. Je vais aller à la police, tout de suite, porter plainte, me dénoncer, retrouver ces connards. Je suis tellement désolé, Thylane. Tellement désolé."

Il s'était mis à ses genoux et avait enfoui sa tête contre Thylane, le corps secoué de sanglots. Thylane cligna des yeux. La situation était complètement irréaliste, le monde ne tournait pas rond. Et soudain, le contact physique qu'elle avait avec Sam lui sembla trop insupportable. Elle ressentit le besoin de s'éloigner et elle le repoussa violemment.

"Thylane... murmura Sam. Je...
- Ne parle pas. Ne parle pas, l'arrêta Thylane, le souffle court."

Qu'est-ce qu'il se passait ? Le monde tanguait autour d'elle, l'air commençait à lui manquer. Elle se força à inspirer mais tout son corps fut parcouru de tremblements. Dans un état second, elle commença à s'étouffer.

"Thylane ! Thylane, ça va aller. Sam la prit dans ses bras. Inspire, expire. Je suis là, Thylane. Je suis là pour toi."

Thylane le dégagea et se précipita à se fenêtre pour inspirer de grandes goulées d'air. L'air frais l'apaisa et elle sentit qu'elle revenait peu à peu à elle-même. Son cerveau emmagasinait les informations, faisait les liens.

Elle savait, maintenant. Elle comprenait. Ce regard chez Sam, qui lui avait toujours paru désagréablement familier. Comment avait-elle pu passer à côté de cela ? La mémoire sélective, disait-on. Son cerveau avait délibérément refusé d'accepter l'évidence. Pourquoi ? Pourquoi, si c'était pour souffrir autant ?

Thylane ne savait plus trop ce qu'elle se ressentait. Trop d'émotions contradictoires se bousculaient elle, tout ce qu'elle savait, c'est qu'elle avait mal. Son coeur se serrait, son corps se tendait et son cerveau lui remémorait les images qui avaient détruit sa vie.

"Thylane..."

Sam lui attrapa la main.

Thylane tressaillit. Un terrible dégoût s'empara d'elle et elle articula :

"Ne me touche pas.
- Thylane... Je...
- Ne m'approche pas, Sam."

Thylane inspira un grand coup. Elle se força à se retourner et elle croisa le regard de Sam. Elle se retint de rire. C'était lui qui pleurait, tiens. Bien sûr, c'était lui le plus à plaindre.

"Sam, ne m'approche plus jamais. Je... Comment... Juste, sors d'ici. Vite avant que je pète un plomb."

Une nuance d'hésitation traversa le visage de Sam mais il eut le bon sens de s'en aller avant que Thylane ne défoule sa haine sur lui. Alors qu'elle le pensait parti, il souffla ses derniers mots :

"Je serais là pour toi, Thylane. Je te demande pardon."

Thylane ressentit l'envie irrépressible de frapper quelque chose. Dès que Sam s'en fut allé, elle attrapa un verre qui traînait sur sa table et le balança violemment contre le mur. Bizarrement, le bruit, l'idée que quelque chose se fracassait plus qu'elle-même l'apaisa. Alors qu'elle allait se laisser emporter par sa colère, quelqu'un lui saisit les poignets pour l'immobiliser. C'était sa mère.

"Thylane, Thylane... Je suis là, ma fille, je suis là."

Stoïque, Thylane se laissa guider. Elle en avait besoin. Elle avait besoin qu'on la guide. Elle avait besoin d'une maman, une maman qu'elle jugeait ne pas avoir eu. Elle avait besoin d'une voix apaisante, elle avait besoin que quelqu'un soit là pour elle. Elle laissait tomber les armes.

"Maman, sanglota t-elle.
- Chh, ma chérie, chuchota sa mère en la câlinant."

Thylane renifla. Jamais elle n'avait été aussi proche de sa mère. En réalité, il n'y avait jamais eu ce lien mère-fille si puissant entre sa mère et elle. Cela avait manqué à Thylane. Mais là, maintenant, tout de suite, elle était prête à faire une croix sur ce dont elle avait manqué pour avoir ce dont elle avait besoin.

"Sam est un connard, murmura Thylane.
- Qu'est-ce qu'il a fait ? demanda sa mère d'une voix plus dure."

Thylane hésita. Elle se força à se calmer un peu avant de commencer à parler. Mais là, elle ressentait trop le besoin d'extérioriser ses émotions.

"Il m'a vu quand je me suis faite violée. Il a vu ce qu'il se passait et il s'est enfui."

Thylane sentit sa mère se tendre. Et elle ne dit rien. Thylane soupira. Elle aurait dû prévoir cette réaction. Quand elle avait avoué à ses parents ce qu'il s'était passé, quelques semaines après, sa mère avait eu la même réaction. Un long silence. Thylane n'avait jamais pu compter sur le soutien de ses parents.

"Je suis désolée, murmura soudainement sa mère en brisant le silence. Je suis désolée de ne pas avoir été là. On avait tellement de problèmes, j'ai préféré fermer les yeux sur ce qu'il t'est arrivé. Je me suis dit que si on en parlait pas, tu finirais par oublier. Je suis désolée de ne pas avoir été là."

Thylane resta muette de surprise. Jamais elle n'aurait cru avoir cette discussion avec sa mère, l'entendre s'excuser pour ses actes. Elle eut un frisson et sentit son coeur s'apaiser. Le sentiment d'avoir sa mère à ses côtés, là, suffisait à lui mettre du baume au coeur tant ce sentiment lui avait manqué.

"Je vous en ai tellement voulus. C'était... C'était déjà tellement dur pour moi de m'avouer ce qu'il s'était passé, je pensais qu'en vous en parlant, vous m'auriez soutenu et on aurait pu, je sais pas, porter plainte. Ça m'a tellement blessée de me retrouver seule. J'ai dû tout prendre sur moi, j'ai jamais pu extérioriser..."

Thylane se tut et sa mère la serra un peu plus fort dans ses bras. Elle se sentait si bas qu'elle avait besoin de pardonner à sa mère, peu importe ce qu'il s'était passé. Elle sentait qu'elle était à deux doigts d'exploser. Mais elle avait déjà trop vrillé.

Les semaines qui avaient suivi le crime avaient été étranges. Le corps et l'esprit de Thylane refoulaient ce qu'il s'était passé et elle avait essayé de passer à autre chose, de se convaincre qu'il ne s'était rien passé. Mais en fuyant la blessure, elle avait fini par s'empoissonner ; elle faisait des cauchemars tout le temps et était incapable d'aller à l'école. Alors elle avait expliqué à ses parents ce qu'il s'était passé. Elle avait attendu tellement d'eux, elle avait espéré qu'ils prendraient les choses en main et qu'ils iraient à la police. Or, sa mère avait pleuré et son père avait gardé un visage figé. Puis ils avaient longuement parlé et étaient revenus vers leur fille. Ils avaient dit qu'elle était courageuse. Mais quand Thylane leur avait demandé ce qu'ils comptaient faire, ils avaient baissé la tête et avaient dit qu'il fallait qu'elle passe à autre chose, qu'elle se relève car ils ne pouvaient rien faire.

Il y avait plein de chose qu'ils auraient pu faire. L'accompagner, l'aimer, la soutenir, pas fermer les yeux sur ce qu'il s'était passé. Aller voir la police, un psychologue, ne pas forcer Thylane à enfouir en elle ce qu'il s'était passé. Mais ils avaient décidé de la laisser tomber.

Thylane avait aussi confié à ses amies Leila et Suzanne, à demi-mots, ce qu'il s'était passé. Leila connaissait le criminel, c'était un certain Antoine, elle disait que ce serait dangereux de l'attaquer car c'était un fils de riche du genre intouchable qui avait un passé plutôt lourd. Mais les filles avaient dit à Thylane qu'elles seraient là pour elles si elle en avait besoin. Au début, elles répondaient aux appels de Thylane quand elle se réveillait en pleine nuit d'un cauchemar ; et petit à petit, elles avaient disparu. Thylane s'était encore retrouvée seule.

"On va aller voir la police, déclara la mère de Thylane d'une voix sombre en la tirant de ses pensées.
- Quoi ?"

Thylane fronça les sourcils. Qu'est-ce qu'il se passait ?

"Écoute, Thylane... Avec ton père, on est des migrants, c'est compliqué pour nous de s'intégrer et d'avoir une situation financière stable. Il y a un an, tu as bien vu tous les problèmes qu'on a eus... Mais ça va mieux en ce moment. Alors on va aller voir la police et expliquer ce qu'il s'est passé. Je te jure qu'on te soutiendra, cette fois."

Thylane avait le coeur serré. Son cerveau menaçait d'imploser sous l'effet de tous les flashbacks qui traversaient son esprit mais elle se força à se focaliser sur la situation.

"C'est trop tard... lâcha t-elle d'une voix morne. C'était il y a plus d'un an. Je me rappelle à peine de faits. Et puis... J'ai même pas envie d'aller voir les flics. J'ai pas envie qu'on me demande si j'avais une jupe trop courte et si je l'avais cherché. J'ai pas envie de rendre la situation trop réelle, juridique, exposée. J'admire les filles qui vont confronter la police, vraiment. Mais j'en n'ai pas envie. Je sens que je peux m'en sortir autrement.
- Qu'est-ce que tu vas faire alors ? Thylane, je sais que ce retournement de situation doit te sembler incongru... Mais je suis prête à t'accompagner dans toutes tes démarches et à rattraper toutes mes erreurs. Elle soupira. Quand je t'ai vue tout à l'heure, ça m'a... Je pensais pas que ça t'avais autant... Je suis désolée de ne pas avoir été là.
- J'accepte tes excuses. Parce que j'en ai marre de me nourrir de haine."

La mère de Thylane l'a pris dans ses bras. Thylane savoura ce moment avant de lever la tête et de déclarer avec détermination :

"Je sais ce que je veux faire. Je vais faire justice moi-même."

Sa mère la regarda d'un air inquiet. Thylane s'apprêtait à lui expliquer quand soudain, son téléphone sonna. Qui l'appelait ? Un peu agacée, elle prit son téléphone et regarda l'écran. C'était Farah. Farah attendra... Elle devait se concentrer sur ses problèmes. Son cœur brûlait de haine et de vengeance.

Tic, tac. Tic, tac. Tic, tac.

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