J'enlève mon tablier et celui-ci rejoint l'intérieur de mon casier. Je prends ensuite mon sac et vais au bar où Jérémy finit de ranger.
– N'oublie pas que je rentre chez moi ce soir.
Mince, j'avais complètement oublié.
– Je t'en ai parlé hier, il me réprimande.
– Ça m'est sorti de la tête.
– Je vois ça. On se voit demain ici, de toute façon.
– Oui. J'y vais du coup.
– T'es pressée ?
– Ma famille vient ce soir. Je t'en ai parlé aussi.
– Ça m'est sorti de la tête aussi, il répond en haussant les épaules et reprenant mes paroles.
Je l'embrasse chastement au dessus du bar et m'en vais.
Ce soir, Mino, Giulia, Nathan et Sarah viennent. J'avais pensé qu'ils pourraient rencontré Jérémy mais visiblement cela sera pour une prochaine fois. Je sais que Sarah aurait été contente de le rencontrer officiellement en temps que petit-ami et non collègue.
Quand je suis chez moi, je me mets tout de suite à la cuisine. Je prends tout le reste de la soirée pour faire pleins choses pour le repas. J'ai demandé à Sarah et Nathan tous les plats qu'ils aiment pour leur faire plaisir. Je veux vraiment que notre première soirée tous ensemble se passe bien. Je veux qu'on passe un bon moment tous ensemble sans que cela soit catastrophique. La première fois que l'on s'est vus tous ensemble, ce n'était pas top et la deuxième fois, c'était à l'hôpital. Je veux alors que cette fois il n'y ait pas d'incident.
Quand ils sonnent chez moi à vingt-heures, je les accueille et découvre que Nathan n'est pas venu seul, il a amené sa copine. Elle paraît un peu troublée au début, sûrement à cause de la ressemblance que nous avons avec Sarah, mais finit par s'y habitué. Je les fais tous entrer et nous prenons place sur la grande table.
Tout le reste de la soirée se passe bien. Mes parents me racontent leur enfance en Italie, leur rencontre alors qu'ils n'était alors qu'au lycée, le moment où ils ont déménager en France. Ils parlent vaguement de la naissance de Sarah, ne voulant pas se remémorer les choix difficiles qu'ils ont fait. Nathan et Sarah eux racontent leur enfance ici, toutes les bêtises plus farfelus les unes que les autres qu'ils ont pu faire lorsqu'ils était gosses. Nathan et Élise me racontent leur rencontre au lycée, comment Nathan n'a fait qu'insister pour lui parler. Ils me racontent également le week-end qu'ils ont passé il y a un an dans le sud de la France.
Quand c'est mon tour, je raconte également mon enfance. Le bonheur que j'ai eu avec mes parents adoptifs et ma petite sœur. Je raconte aussi les conneries que j'ai faite avec mes amis, que ce soit dans le nouveau lycée où j'étais ou celui à Paris.
C'est à ce moment la que j'ai l'impression que l'on ressemble à une vrai famille.
*
Je sers le client de la table neuf puis rejoins le bar. Je range quelques verres qui traînent puis encaisse une femme. Une collègue vient me rejoindre puis je rejoins les vestiaires. J'enlève mon tee-shirt lorsque Jérémy arrive.
– C'est pas bien de mater les filles dans les vestiaires, je ris quand il arrive.
Cependant, il ne rit pas avec moi. Je lui demande ce qu'il se passe. Il a l'air énervé.
– Devine qui est là ?
– Gabriel ? je demande même si je connais déjà la réponse.
Qui d'autre pourrait être là ?
Il hoche doucement la tête.
Cela fait une semaine que c'est notre source de dispute. Jérémy ne comprend pas pourquoi je ne veux pas le bloquer. Je trouve que cela fait gamin de le bloquer. Gabriel ne fait que m'appeler et m'envoyer des messages depuis que j'ai crié haut et fort la vérité. J'ignore tout ce que je reçois de lui. Dans tous les cas, je l'ignore, alors que je le bloque ou non, c'est la même chose : je ne lui parle pas. Je ne comprends alors pas pourquoi il m'en veux à propose de ça.
– Je vais lui dire de dégager. On se voit chez moi ?
– OK.
Il m'embrasse sur la joue et nous quittons les vestiaires. Mon copain rejoint le bar tandis que j'amène Gabriel à l'extérieur du restaurant en l'empoignant par le bras.
– Tu n'as pas compris que je ne voulais plus te voir, je lance sèchement.
– Il fallait que je te parle.
– De quoi ?
– De nous.
Je pense qu'il n'a pas bien saisi. Le « nous » s'est détruit lorsque j'ai su qu'il jouait de moi depuis le début. Le « nous » était également qu'un mensonge, il était faux et ça depuis que je suis arrivée dans ce lycée.
– Écoute, je suis vraiment désolé. Vraiment.
Il avance d'un pas mais je recule.
– Je t'en veux même pas que t'ai dit à tout le monde que tu n'étais qu'un pari au début. Même si ça me fait un peu chier. Mais je suis vraiment sincère.
– Gabriel... je commence. Même si tu es sincère, entre nous, c'est fini. Tu m'as quand même menti depuis le début.
– Donne-moi une deuxième chance, il me supplie presque.
Je souffle un bon coup et finis par dire :
– Je déménage dans quelques semaines à Toulouse pour mes études. Je reviendrais pas souvent ici. Je suis avec Jérémy maintenant, j'ai tourné la page.
Il se décompose. Tous les deux nous n'avons jamais parlé de nos études, seulement dans quel domaine nous allons étudier. Il n'a jamais su que je voulais partir pour Toulouse depuis le début.
– Hélo... Je t'aime. Tu peux pas me faire ça...
– Je suis désolée, c'est fini Gabriel.
Sur ces dernières paroles, je me retourne et rejoins ma voiture.
Il a vraiment l'air triste, il devait peut-être sincère. Sauf que je ne peux pas lui pardonner ce qu'il m'a fait. Même s'il est sincère, il est venu vers moi sans forcément d'attirance, son but premier n'était pas d'apprendre à me connaître mais de me sauter, comme il sait si bien le dire.
Maintenant je sors avec Jérémy. Je suis mieux avec lui. Comme il habite presque chez moi, j'ai l'impression que c'est plus concret, qu'on est vraiment ensemble. Je ressens quelque chose avec lui que je n'avais pas avec Gabriel. Je sens qu'entre Jérémy et moi c'est différent, j'ai vraiment l'impression que l'on est un couple. Avec Jérémy on peut passer des heures et des heures à parler de tout et de rien, chose que je ne pouvais pas faire avec lui. Je suis moi-même avec Jérémy. Je crois même que je suis amoureuse.
Quand j'arrive chez moi, je prends enfin la décision de chercher un appartement sur Toulouse. Jusqu'à maintenant je n'avais pas commencé mes recherches même si je savais depuis un moment que j'étais acceptée. Après quelques moments à chercher je trouve quelques appartements qui sont pas mal.
– Salut toi, dit Jérémy en arrivant.
Je lui souris et après mettre levée, je l'embrasse.
– Alors ?
– Je pense qu'il a compris, je réponds.
– J'espère bien, sinon j'irai le voir.
– Tu feras rien du tout, je roule des yeux en exprimant un léger sourire.
Il s'assoit à la place où j'étais puis jette un coup d'œil à mon ordinateur toujours allumé sur la page de recherche d'appartements.
– Tu veux déménager ? il m'interroge en levant un sourcil.
Il fallait bien un moment où je lui dise que je dois déménager. Il est arrivé.
Je lui prends la main et je nous assois sur le canapé. Ses sourcils sont froncés, signe qu'il ne comprend pas la situation.
– Tu te souviens que je t'avais dit que je voulais aller à Toulouse pour mes études ? (il hoche la tête). J'ai été prise à Paul Sabatier.
Ses deux yeux s'agrandissent et il me prend dans ses bras.
– Bravo, c'est celle que tu voulais. Je savais que tu pouvait y aller, il me dit content pour moi.
Je vois qu'il veut me prendre dans ses bras pour me félicité mais je l'arrête.
– Sauf, que je dois déménager. Je suis aussi prise à Paris, mais je veux vraiment aller à Toulouse.
– Donc tu dois quitter Paris, il finit par dire.
Il se lève et fait les cent pas pour réfléchir.
Il n'a pas l'air de le prendre très bien. Je comprends que cela soit difficile pour lui. Cela fait des semaines que je le sais, que je compte quitter cette ville et que je ne lui ai pas dit.
– T'as qu'à venir avec moi, je dis sans vraiment réfléchir.
Il relève la tête vers moi, surpris que je propose cette solution.
– Tu habites presque avec moi depuis des semaines. Tu trouves rien pour travailler, là-bas tu vas forcément trouver quelque chose. On reviendra pour voir notre famille souvent.
Il ne répond toujours pas. Ses yeux sont rivés vers le sol, il semble réfléchir. Il doit sûrement se dire que cette idée est complètement folle. Et il raison. On est ensemble depuis seulement quelques semaines. Déménager ensemble, dans une nouvelle ville, loin de nos repères, sans connaître personne. Je n'ai même pas encore dix-huit ans et lui en a vingt-quatre. On a tous les deux un travaille de serveur à mis-temps. Même si tous les deux on a des économies, ça va être compliqué.
– Laisse... C'est débile... je dis doucement.
– Débile ? il dit en revenant vers moi. Non.
– Quoi ? Tu penses qu'on peut y arriver ?
– Bien sûr que oui.
Il fait le tour du canapé et se pose à côté de moi. Il pose un bras sur mes épaules et après m'avoir embrassé la tempe, il reprend enjoué :
– On va faire une liste de pour et de contre. Pour : (de son poing, il lève son pouce), on habite ensemble depuis quoi ? Un mois, on va dire. Tout se passe bien. 2) (il lève un deuxième doigt) Je trouve pas de travail ici. 3) C'est ton rêve d'aller dans cette université. 4) Plus de Gabriel, il rit et je fais de même. 5) C'est beau Toulouse.
– Et les contre ?
– 1) Nos familles vont être loin mais FaceTime ça existe. On reviendra souvent aussi. 2) Il faut qu'on trouve de l'argent pour payer tout mais j'ai des économies, je vais trouver un travail et ma mère pourront nous aider si on a besoin – elle nous donnerai un million pour que je quitte la maison. Du coup, ça compte pas.
Il se retourne vers moi de sorte à être face à moi.
– On a cinq pour et un contre. Donc c'est bon, on part pour Toulouse.
– Quoi ? Vraiment ? je demande. Tu serais près à tout quitter juste parce que je déménage à Toulouse pour mes études.
– Oui, sa main vient sur ma joue et il me donne un baiser. Un nouveau départ, que tous les deux, c'est tout ce que je veux.
Je le prends directement dans mes bras, tellement contente qu'on déménage tous les deux. Je crois même que je le serre un peu trop fort.
En déménageant ici, je ne pensais pas que tout ça arriverait. En arrivant dans ce nouveau lycée, je voulais simplement passer les derniers mois avant le bac tranquillement. Je ne penserais pas que je serais au cœur d'un pari débile, que je me serai fait deux amies géniales, que j'aurais retrouvé ma famille biologique et que je m'entendrai bien avec elle, que je me serais réconcilier avec Camille et Vincent.
En bref, même si ces trois mois ont été durs, j'ai rencontré Jérémy et maintenant on s'apprête à emménager ensemble à Toulouse pour un nouveau départ.