Longue vie au roi - T2 [BxB]

By Li_mona_de

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Après des décennies de conflits sans fin, les peuples meurtris de Loajess et de Déalym caressent enfin l'espo... More

Avant-propos
Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 9
Chapitre 10
Chapitre 11
Chapitre 12
Chapitre 13
Chapitre 14
Chapitre 15
Chapitre 16
Chapitre 18
Chapitre 19
Chapitre 20
Chapitre 21
Chapitre 22
Chapitre 23
Chapitre 24
Chapitre 25
Chapitre 26
Chapitre 27
Chapitre 28
Chapitre 29
Chapitre 30
Chapitre 31
Chapitre 32
Chapitre 33
Chapitre 34
Chapitre 35
Chapitre 36
Chapitre 37
Chapitre 38
Chapitre 39
Chapitre 40
Chapitre 41
Chapitre 42
Chapitre 43
Chapitre 44
Chapitre 45
Chapitre 46
Chapitre 47
Chapitre 48
Chapitre 49
Chapitre 50
Le mot de l'auteure

Chapitre 17

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By Li_mona_de

[À nouveau un dessin de Nausicaa, dont je ne suis pas très satisfaite puisqu'elle ne correspond pas à l'idée que je me fais d'elle.]


Lyssandre avait longé un bois, à quelques dizaines de kilomètres d'Halev. Il avait d'abord songé à s'y rendre, mais l'un des soldats qui l'accompagnait, lui et le haut-conseiller qui ne demandait qu'à regagner le confort du palais, l'en avait dissuadé.

— Il vaudrait mieux privilégier un lieu moins fréquenté. Il en va de votre sûreté.

Lyssandre n'avait pas relevé le sens de ces paroles, mais le ton employé. Un ton cruellement impersonnel qui, en un sens, n'était pas si différent de celui emprunté par Cassien. Ces soldat banal, dévoué, ne ressemblait en rien au chevalier et n'avait de cesse de lui rappeler son absence. Il était trop petit, trop robuste, avec un air un peu simplet plaqué sur ses traits quelconques. Un leurre, car Cassien avait pris soin de choisir les plus fines lames pour escorter le roi.

Lyssandre n'avait pas rechigné. De toute manière, la décision avait été prise et, avec ou sans son accord, ils séjourneraient à l'écart de l'agitation de la capitale. En un sens, le roi en était soulagé. Halev serait à jamais associée aux drames qui s'y étaient déroulées.

Ils avaient chevauché jusqu'au coucher du soleil, jusqu'à ce que les muscles de Lyssandre demandent grâce et jusqu'à ce que les rênes coulent entre ses doigts. Le haut-conseiller s'était risqué à réclamer un arrêt jusqu'au lendemain, avant de négocier une heure de retour contre du repos jusqu'à l'aube, mais sans succès. La réponse demeurait la même :

— Navré, monsieur, mais nous avons des ordres et nous sommes attendus dans un endroit où ces hommes ne retrouveront pas notre trace.

— Allons, vous êtes chargés de la sécurité du roi, mes braves. Votre roi est aussi perclus de douleurs que je le suis. Si son bien-être vous est si cher, pourquoi ne pas reprendre notre route demain. Nous n'atteindrons pas le château ce soir.

— Ce n'est pas de son bien-être dont il est question, mais de sa vie.

— Qui vous a donné ces ordres ? demanda Lyssandre, sans se confondre en geignements et en supplications.

— Le chevalier, Majesté.

Une fois de plus, l'opinion du roi n'était pas requise.

Lyssandre déglutit. Il était encore faible et le médecin aurait sans doute refusé qu'il se déplace dans un tel état si Cassien n'avait pas fait part de ses doutes au sujet de la sécurité du campement. Un lieu quasi officiel et isolé était idéal pour tendre une embuscade. Il ne restait plus qu'à implorer les cieux pour qu'Amaury les ait sous-estimés, comme Lyssandre l'avait supposé. Ainsi, il n'aurait pas eu à fuir Arkal en vain.

— Et à qui obéissez-vous ? À votre roi ou à cet homme ?

Lyssandre ne leur laissa pas le loisir de poursuivre. Une migraine persistante frappait à la surface de sa conscience et il n'était pas question que des bavardages aussi futiles ne rendent cette fuite plus pénible encore.

— Je me plie aux recommandations de mon chevalier et de celles des soldats de la Couronne.

Le haut-conseiller se mura dans un silence digne et Lyssandre put se perdre dans ses pensées. Il s'efforça surtout de ne pas songer aux vertiges qui le saisissaient, au soleil qui brûlait sa peau, à sa langue qui collait à son palais, autant à cause de la chaleur de plus en plus rude qu'en raison du poison qui avait laissé quelques traces. Sa vision se brouillait aussi, bien que ses sclérotiques eussent retrouvé leur apparence originale. Plus d'une fois, il faillit demander aux soldats de s'arrêter, d'adhérer à la demande du haut-conseiller, et qu'importait que son motif tienne de l'égoïsme.

Lorsqu'une résidence se dessina, à l'orée d'une forêt, Lyssandre ne put ravaler le soupir de soulagement qui jaillit de ses lèvres. Une rivière coulait en contre-bas et du mince filet d'eau que le roi aperçut au loin, elle se mua en un cours nettement moins négligeable. Il consulta le regard d'un des soldats, celui qui menait le petit groupe, décontenancé de redécouvrir un visage étranger. Une part de lui se trouvait réticente et refusait presque de lui confier sa vie. Seul Cassien devrait en avoir le droit.

Cassien qui avait confié son fardeau à d'autres.

Lyssandre en venait à se demander si ses excès de la réception organisée en l'honneur des deux Royaumes n'étaient pas la raison de cette décision. Pour la première fois, le chevalier avait refusé de se trouver à ses côtés, prétextant préférer s'assurer que l'ennemi soit mis hors d'état de nuire. Lyssandre n'avait pas envie d'y croire.

L'autre soldat acquiesça après un instant de réflexion.

— Suivez-moi, Majesté.

Le haut-conseiller pinça les lèvres tandis que le roi calquait les foulées de sa monture sur celles de l'homme. Le cheval baissa la tête, huma l'eau avec méfiance, avant de s'y enfoncer jusqu'aux genoux. Au plus profond, la rivière atteignait le poitrail de l'animal qui soufflait, s'immobilisait parfois, avant d'enfin regagner la terre ferme.

Derrière eux, le haut-conseiller, moins habile et moins bon cavalier, perdait patience. Il dut s'y reprendre à plusieurs fois avant que sa jument n'accepte de suivre l'exemple. Elle sentait la peur de celui qui la guidait et faillit le désarçonner. Un poisson avait effleuré les boulets de la monture et l'écart, même amorti par la profondeur de la rivière, poussa la jument à rejoindre les autres, sans songer à son cavalier, agrippé à sa crinière.

Lorsqu'enfin, ils rejoignirent leur logement, une luxueuse auberge au charme rustique, le haut-conseiller n'eut de cesse de maugréer. Sa mésaventure lui avait laissé un goût amer en bouche. Lyssandre se désintéressa immédiatement de la conversation, admira quelques instants les épaisses poutres qui soutenaient le plafond, ainsi que les meubles en bois et se délecta de la chaleur douillette qu'émanait les lieux. La gérante, une solide jeune femme, accueillit ses invités avec autant de simplicité que son établissement le laissait supposer. Il n'y avait personne, pour une raison de discrétion, avait précisé l'un des soldats. Lyssandre gravissait les marches d'un pas lourd, avec la ferme intention de se cloîtrer dans ses quartiers jusqu'au lendemain et de profiter du confort d'un véritable lit, lorsque la propriétaire de l'auberge le retint :

— Attendez un instant, votre Majesté.

Lyssandre songea que ce titre, prononcé par ceux qui n'étaient pas habitués à lui adresser la parole, sonnait étrangement faux. La jeune femme, vêtue d'une robe crème et d'un tablier blanc, monta les escaliers à son tour et, arrivée au sommet, ouvrit la voie au roi :

— Si vous voulez bien me suivre.

Lyssandre obtempéra sans demander son reste. Il ne s'interrogea pas davantage lorsqu'il fut guidé, au fond du couloir, dans une pièce à part. Un bureau que la gérante lui présenta sans commentaire avant de le laisser à sa découverte. Comme s'il cherchait la solution d'une énigme, les yeux mi-clos tant la fatigue le tiraillait, Lyssandre détailla la pièce. La bibliothèque, de part et d'autre du mur, recelait de multiples ouvrages et la curiosité du roi l'invita à consulter les titres sans toutefois s'y attarder. Il fut tiré de sa contemplation par le bruit reconnaissable d'une porte qu'on ouvre sans ménagement. Une porte située entre la fenêtre et les étagères croulantes sous le poids des ouvrages laissa apparaître une silhouette replète, dynamique.

En un mot : reconnaissable entre tous.

— Ma tante, s'insurgea Lyssandre. Bonsoir, je... Que faites-vous ici ? Je ne m'attendais pas à...

— Faisons abstraction des règles de bienséance pour ce soir, je te prie. Je n'ai ni l'envie ni la patience pour m'y plier.

Les lèvres pincées, elle retenait d'autres propos plus amers encore. Une remarque vis-à-vis de la Cour, sa cible favorite. Elle n'était pas là, il était inutile de rivaliser d'hypocrisies.

Le sourire qui s'était dessiné sur la bouche de Lyssandre avec autant de naturel que Calypso venait de faire irruption dans la pièce fana. Sa tante ne semblait pas seulement empressée. Elle était furieuse.

— Qu'y a-t-il, ma tante ? Vous semblez...

— Hors de moi ? Oh, mais rassure-toi, je suis seulement déçue ! Déçue et affligée ! Peut-être préférais-tu de la colère, mais sache que rares sont ceux qui me déçoivent. Je ne les estime pas, ils ne peuvent pas me décevoir.

Lyssandre recula d'un pas. Les colères de Calypso étaient souvent brèves, mais violentes. Il avait le sentiment que celle-ci n'était pas faite pour s'apaiser et que s'il ne tempérait pas la rage de sa tante, celle-ci finirait par l'emporter. Il leva les deux mains en signe de reddition et dit :

— Expliquez-moi. J'aimerais comprendre en quoi je mérite votre mépris.

— Pas mon mépris, mais ma déception. Crois-moi, petit, c'est bien pire en ce qui me concerne.

Lyssandre inclina le visage et Calypso renifla avec dédain. Un dédain qu'elle n'avait jamais exprimé à l'égard de son neveu. Malgré sa colère, le calme du jeune homme lui imposa de reprendre ses esprits. Sa voix vibrait toujours de rancœur lorsqu'elle prit la parole, mais elle s'exprimait moins haut. En conséquence, l'émotion qui traversait ses mots s'atténuaient un peu. Le roi eut le sentiment qu'il n'entendait plus qu'elle.

— Je te pensais honnête, Lyssandre. Tout ce que je haïssais chez ton père, tu en étais dépourvu. Ton père était un homme franc, mais il savait mentir, et souvent afin de servir ses intérêts. Je ne te pensais pas capable de la même prouesse.

Lyssandre ne pipait pas mot. Il observait un silence angélique que Calypso aurait pu confondre avec de la provocation si elle ne connaissait pas si bien le prince d'autrefois.

— Amaury, lâcha-t-elle, du bout des lèvres.

Lyssandre se laissa choir sur le siège en face du bureau. Ses forces lui manquaient.

— Avais-tu l'intention de nous révéler l'identité du mystérieux mal qui ronge Loajess ou te complaire en lâche dans le mensonge encore longtemps ?

— Je n'ai jamais eu l'intention de vous le cacher. Du moins, pas de cette façon, avoua Lyssandre, à mi-voix.

— As-tu seulement conscience du fait que ton oncle profite du secret qui l'entoure ? Qu'il profite de tes erreurs pour se jouer de toi ?

— J'ai d'abord pensé à Priam, à son père. Vous ne l'avez pas vu, ma tante. Cet homme n'avait rien du prince qu'on m'a décrit. Je n'ai pas eu le courage...

Sa voix dérailla sur les dernières syllabes et il se reprit. Un vertige l'étreignit soudain. Il sentit, contre son épiderme, sa présence glacée, après qu'une chaleur insoutenable l'ait embrassé. Il ferma les yeux et prit une profonde inspiration. Calypso ne se laissa pas attendrir au point d'abandonner ses réprimandes, mais son ton se radoucit :

— Je connais mon frère mieux que personne, je sais exactement comment il agit et de quelle façon il profite des faiblesses de ses adversaires.

Lyssandre eut un pâle sourire. Ses faiblesses étaient d'une telle évidence qu'Amaury n'avait pas eu à se pencher bien longtemps sur son cas.

— Mon frère est, tout comme moi, un excellent joueur d'échecs.

Calypso avait prononcé ces mots d'un air rêveur. Elle se pencha sur des souvenirs enfouis il y a bien longtemps. Elle lutta ensuite contre l'envie d'évoquer la mémoire de celui qu'elle pensait avoir perdu. Combien il était douloureux pour elle de savoir son frère en vie et de le savoir ennemi juré de sa propre lignée. Combien il était douloureux pour elle de comprendre qu'on l'avait trahie. Soann d'abord, Amaury ensuite. Lorsqu'on lui avait confié Priam, Calypso avait acquis la certitude que son frère avait fini par mourir. Le roi l'avait laissé entendre avant de refuser d'évoquer jusqu'au nom de son cadet.

Lyssandre était le seul traître contre lequel elle pouvait décharger sa frustration. Le mensonge... À en croire son expérience, cela ressemblait à une habitude réservée aux hommes.

Aux hommes, ou aux rois.

— Tu dois dire la vérité à ton peuple, Lyssandre. En te conduisant ainsi, tu donnes raison à ceux qui te pensent indignes du trône. Pire encore, tu trahis tes convictions.

— Priam est...

— Priam finira par s'en remettre. Tu ne peux pas l'empêcher de souffrir alors ai suffisamment d'estime pour lui, et ne lui vole pas la vérité.

Lyssandre n'avait plus aucun contrôle sur ses pensées. Il en reconnaissait certaines, essayait de focaliser son attention sur d'autres. Sans succès. En face de lui, Calypso était à nouveau lucide. Ses cheveux roux étaient emmêlés à en faire pâlir d'effroi les bonnes dames de la Cour et elle respirait la vitalité, la force.

Elle avait tout de la femme qu'on admirait, du modèle incontesté.

Lyssandre lisait dans ses yeux une once d'inquiétude. Calypso avait craint pour son neveu et, lorsque cette conversation d'usage toucherait à sa fin, elle lui ordonnerait de s'enfermer dans ses quartiers et d'y prendre un peu de repos. Pour l'heure, loin de jouer son rôle de protectrice, de rempart contre la rudesse du monde, elle ne ménageait pas ses efforts pour obtenir de Lyssandre une concession. Elle était, à ce jeu-là, la plus avisée des conseillères.

Mille fois plus efficace que l'homme qui séjournait dans une pièce voisine, las de se plaindre, et qui occupait la fonction de haut-conseiller.

— J'avouerai à mes sujets la vérité, sans fioriture, sans enjolivement, mais je veux que vous m'accordiez un peu de temps.

Lyssandre déglutit. Calypso n'aurait pas pu tomber plus mal.

— Comment nous avez-vous trouvés ? demanda-t-il soudain.

— J'ai financé cet établissement comme une dizaine d'autres sur tout le territoire. Tu ne pensais tout de même pas que je laisserai le roi séjourner n'importe où !

Lyssandre avait formulé le souhait de n'avoir peu, sinon aucun contact avec le château avant son retour. Il en alla de la réussite de son idée, mais aussi de sa fuite. Il aurait dû se douter qu'aucune information, même strictement privée, n'échappait à la vigilance de Calypso. Celle-ci le rappela à l'ordre, les bras croisés sur sa poitrine :

— N'essaie pas d'esquiver le sujet. Pourquoi devrais-je t'accorder du temps ? De quoi as-tu besoin ?

Elle était méfiante, à juste titre. Lyssandre lissa les plis de son front du bout des doigts. Ses mains tremblaient lorsqu'il les contempla, hagard. Il sentit à peine murmurer, entre les bourdonnements de ses oreilles et le malaise grandissant qui habillait sa pensée :

— Il y a quelque chose que j'aimerais accomplir avant cela. Quelque chose qui pourrait nous permettre de nous débarrasser de cette menace. Un pari risqué, je le crains. 

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