Oh non, dit-elle, une ado en colère. Il ne faut pas l'écouter, elle ne sait pas ce qu'elle dit, elle ne dort pas la nuit, elle est trop jeune, elle est addicte à son téléphone, elle ne sait pas apprécier le lieu, c'est les hormones, elle est mal élevée, elle cherche une excuse pour ne pas aider.
Primo, va te faire foutre. Pour moi, c'est toi qui cherche constamment une excuse pour que je ne soie pas écoutable. Soit tu ne m'entends pas, soit je suis une ado malpolie, je te coupe la parole. Je ne suis pas valable, je dois te laisser, même quand je parle dans un silence j'interromps ta conversation, il ne faudrait surtout pas voyons.
"Tu ne m'écoutes pas quand je parle, "
J'ai des projets, c'est logique, je commence à vivre puisque les gens commencent à se dire que j'en ai l'âge. Et j'ai le droit à ma putain de vie sans que tu aie besoin d'en savoir le moindre détail. Donc pourquoi, quand je te demande quoi que ce soit, tu me demandera forcément ce que je vais en faire, et que je réponde ou non tu vas le dire que j'ai trop de secrets et revenir à ta conversation en me plantant là? Si je te demandais où sont les couteaux, tu aurais peur que j'en fasse autre chose qu'éplucher une betterave? Si je te demandais comment on ouvre les fenêtres, tu aurais peur que ce soit pour y fumer?
Tu n'as même pas de peur quand tu me demandes cela. Tu n'as même pas de curiosité. Tu demandes juste par habitude, réflexe, et si tu foutais un seul neurone dans l'histoire tu te rendrais compte que ça emmerde ton interlocuteur.
Je viens demander et c'est moi qu'on interroge.
Et ben va te faire foutre. Parce que je sais que même si je t'expliquais, même si je te montrais ce texte, "oh mais tu ne te rends pas compte", "tu utilises les même mots que des victimes de racisme ou de viol, tu ne peux pas dire ça enfin, il y a des gens qui souffrent bien plus que toi"
Parce que tu utiliserais mes combats auquels tu ne crois pas juste pour me remballer, pour que je sois invalide à nouveau.
Encore une fois, tu ne m'aura pas entendue, parce que je suis "aveuglée par la colère".
Cette colère elle est réelle. Fais l'expérience si tu veux : aujourd'hui j'ai dormi dix heures, à des horaires sains, mes hormones n'ont rien à dire, j'ai seize ans, je fais ma part du travail de la maison sans broncher et j'ai de longues heures de réflexion. Le verdict est le même.
La colère part de quelque part. Quand bien même j'aurai l'influence de ces facteurs, ce ne serait qu'une influence.