POLITIQUEMENT INCORRECT (ATTAL X BARDELLA)

6. Pardon

I Wanna Be Yours - Arctic Monkeys

Point de vue Gabriel...

Quelques semaines plus tard, les tensions politiques avaient atteint leur paroxysme. Les élections approchaient à grands pas, et le Président avait organisé un grand dîner à l'Élysée, réunissant tous les acteurs politiques majeurs pour une soirée d'unité nationale. L'atmosphère dans le salon principal était tendue, chaque sourire échangé dissimulant des calculs politiques et des ressentiments personnels.

Je savais que Jordan Bardella serait présent, et je m'étais préparé mentalement à cette rencontre inévitable. Nos interactions récentes avaient été limitées aux débats et aux échanges publics, toujours empreints d'une froideur calculée. Pourtant, le souvenir de notre dernière confrontation en coulisses continuait de me hanter.

La soirée avançait lentement, chaque discours et chaque toast semblant durer une éternité. Je pouvais sentir le regard de Jordan sur moi de temps en temps, mais je m'efforçais de l'ignorer, me concentrant sur les conversations politiques et les sourires de façade. Cependant, le poids de ses mots et de ses sentiments non résolus pesait lourdement sur mes épaules.

À un moment donné, sentant le besoin de prendre une pause, je m'excusai poliment et quittai la salle principale pour m'éclipser aux toilettes. Je traversai les couloirs ornés de l'Élysée, les échos des conversations mondaines s'estompant peu à peu. Une fois arrivé dans la salle de bain, je pris une profonde inspiration, essayant de calmer mes nerfs.

Mais à peine avais-je fermé la porte derrière moi que j'entendis des pas approcher rapidement. La porte s'ouvrit brusquement, et Jordan apparut, son regard déterminé et son expression grave. La tension dans l'air était palpable, comme une corde tendue prête à se rompre.

- Gabriel, dit-il, sa voix basse mais chargée d'émotion. On doit parler.

Je me raidis, essayant de garder mon calme.

- Jordan, ce n'est ni le lieu ni le moment.

Il secoua la tête, avançant vers moi avec une détermination qui me fit reculer instinctivement.

- Non, c'est justement le moment. Je ne peux plus continuer comme ça.

- Continuer comme quoi ? demandai-je, ma voix tremblant légèrement malgré moi. À jouer à ce jeu cruel ? À semer la confusion et la douleur partout où tu passes ?

Jordan s'arrêta, ses yeux brillant d'une intensité que je n'avais jamais vue chez lui.

- Tu ne comprends pas. Ce n'est pas un jeu pour moi. Je suis désolé pour ce que j'ai dit et fait. Je suis désolé pour tout ça. Mais je ne sais pas comment gérer ce que je ressens.

Je sentais mon cœur battre à tout rompre, mes émotions se mêlant dans un tourbillon de confusion et de colère.

- Tu penses que tes excuses peuvent effacer tout ce que tu as fait ? Tu m'as humilié, tu as menti sur moi, et tu t'attends à ce que je te pardonne simplement parce que tu es confus ?

Il avança encore, réduisant la distance entre nous à quelques centimètres. Je pouvais sentir sa respiration, la chaleur de son corps si proche du mien.

- Je sais que je t'ai blessé. Mais tu me rends fou, Gabriel. Je n'ai jamais ressenti ça pour qui que ce soit, et ça me terrifie.

Je fermai les yeux un instant, essayant de trouver la force de résister à l'intensité de ce moment.

- Tu penses que tu es le seul à avoir peur ? Tu penses que c'est facile pour moi ?

Jordan tendit la main, effleurant mon bras, et je sentis une décharge électrique parcourir mon corps.

- Je ne veux pas te faire du mal. Mais je ne sais pas comment aimer quelqu'un comme toi, quelqu'un qui est tout ce que je ne suis pas.

Je dégageai mon bras de son emprise, mon cœur battant à tout rompre.

- Alors apprends, Jordan. Apprends à ne pas blesser ceux que tu aimes. Apprends à être honnête, avec toi-même et avec les autres.

Il baissa les yeux, ses épaules se relâchant légèrement.

- Je suis désolé. Pour tout. Mais je ne peux pas ignorer ce que je ressens pour toi.

Le silence s'installa entre nous, lourd de non-dits et de tensions accumulées. Je pris une profonde inspiration, essayant de calmer les battements frénétiques de mon cœur.

- Je ne sais pas si je peux te pardonner, Jordan. Pas après tout ça.

Il releva la tête, son regard suppliant.

- Je ne te demande pas de me pardonner tout de suite. Juste de me donner une chance de te montrer que je peux changer.

Je le regardai, voyant la sincérité dans ses yeux, mais aussi la peur et l'incertitude. La même peur et incertitude que je ressentais moi-même.

- Tu sais, Jordan, aimer quelqu'un, ce n'est pas facile. C'est effrayant et compliqué. Mais si tu veux vraiment essayer, alors fais-le pour de bon. Ne joue pas avec mes sentiments.

Il hocha la tête, son expression grave.

- Je te promets que je ferai tout pour être à la hauteur.

Un bruit de pas dans le couloir nous fit sursauter, rappelant la réalité de notre situation. Je me redressai, reprenant une posture plus formelle.

- On devrait retourner au dîner. Les gens vont se poser des questions.

Jordan acquiesça, mais avant que je puisse ouvrir la porte, il posa une main sur mon épaule.

- Merci, Gabriel. Pour m'avoir écouté.

Je le regardai une dernière fois, essayant de voir au-delà de la façade de l'homme politique pour entrevoir l'homme derrière.

- On verra, Jordan. On verra.

Nous quittâmes les toilettes ensemble, reprenant nos rôles sous les regards curieux des invités. Mais cette fois, quelque chose avait changé. Une petite lueur d'espoir, peut-être, ou simplement la promesse d'un futur différent. Mais je savais que le chemin serait long et semé d'embûches, et que chaque pas nécessiterait un effort immense de part et d'autre.

La soirée se poursuivit, les sourires de façade et les conversations mondaines reprenant leur cours. Mais dans un coin de mon esprit, les mots de Jordan résonnaient encore, comme une promesse silencieuse d'un avenir incertain mais potentiellement réconcilié.

Alors que nous quittions finalement l'Élysée, je ne pouvais m'empêcher de penser à la complexité des sentiments humains, à la manière dont l'amour et la haine pouvaient se mêler si étroitement. Et peut-être, juste peut-être, qu'au milieu de tout cela, il y avait une chance de trouver une véritable compréhension et une réconciliation authentique.