1: Un fait divers franco-suédois

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Tout le monde sait que la Russie a envahi l'Ukraine le 24 février 2022. Très peu savent le rôle joué par les services français lors de l'opération Azélma pour convaincre les pays européens de faire bloc derrière l'Ukraine. Et seule une poignée est au fait de l'opération Éponine qui, si menée à bien, aurait pu prévenir la guerre. Derrière les opérations Azélma et Éponine se trouve naturellement Grand Manitou, Directeur du renseignement à la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) et n-1 du Directeur général. On y trouve surtout George Chevalier, agent au service géopolitique chargé des pays nordiques et baltes et n-3 de Grand Manitou.

Comment un agent de second rang est-il brièvement devenu une carte essentielle du dispositif de renseignement français ? Et cela à l'insu même du Président de la République ? L'histoire mérite d'être racontée, quitte à trahir un peu le secret défense.

À l'origine de ces opérations audacieuses se trouve un fait divers franco-suédois, dont l'exploitation par les services franco-français permit de débusquer une source russo-néerlandaise au potentiel redoutable.

Le fait divers en question est une affaire trop banale et honteuse pour avoir fait l'objet de la moindre notice dans la presse ou les médias. Une affaire de garde d'enfant et de conflit familial selon les tribunaux suédois et français. Une affaire d'aliénation parentale et de soustraction de mineur à l'étranger, selon le père suédois, récemment arrivé en France afin de ramener son fils de 6 ans. Une affaire d'inceste, de maltraitance infantile et de violences post-séparation selon la mère française de l'enfant. Elle a fui la Suède six mois plus tôt afin, dit-elle, de protéger son fils de la violence du père et de l'incurie des services sociaux suédois.

Le père peut se targuer du soutien des services sociaux suédois, de la police suédoise et d'une procureure française soucieuse de clore au plus vite un encombrant dossier de retour d'enfant. La version de la mère, elle, est appuyée par l'expertise de médecins suédois, de la brigade de protection des mineurs de Paris et d'une pédopsychiatre française.

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Quand deux parents s'affrontent dans une affaire de garde et opposent des thèses antinomiques aux conséquences dramatiques, écouter l'enfant malgré son jeune âge peut ne pas être inutile. Dans le cas de Lancelot, c'est le nom de ce petit franco-suédois de six ans et demi, sa version des faits fut superbement ignorée. Que le lecteur de ces lignes soit rassuré : nous continuerons à ignorer les paroles de l'enfant afin de nous conformer aux normes en vigueur dans ce monde pensé par des adultes. Cependant, afin de ne pas faire preuve de trop de malhonnêteté intellectuelle, nous prenons ici la liberté de fuiter des informations contenues dans divers mains-courantes, journaux médicaux et enquêtes émanant aussi bien des services sociaux suédois, que des polices suédoises et françaises.

La première enquête des services sociaux suédois remonte à fin 2017, lorsque l'enfant d'à peine deux ans et demi raconte à sa maitresse au jardin d'enfants que son papa l'a tapé. Rougeurs constatées, mais le père assure que cela ne s'est produit qu'une fois et que c'est la faute de la mère, car celle-ci l'a énervé. Les services sociaux suédois sont formels : en améliorant la communication du couple, on éliminera les risques de violence domestique.

En octobre 2018, la police suédoise est appelée au domicile du couple, dans un quatre-pièces du quartier d'Odenplan, quartier aisé de Stockholm. C'est Marie-Claire, la mère, qui a composé le 112, réfugiée dans sa chambre avec Lancelot. Sa version : alors qu'elle cuisinait, elle voulait confronter Per Gunnar, c'est le nom du père, à propos d'une chose que Lancelot lui aurait dite sur un zizi qui fait mal. Per Gunnar l'a alors attrapée par les bras, soulevée hors de la cuisine, portée à travers le salon et jusque dans la chambre d'enfant avant de la plaquer contre le mur. Alors qu'elle se sentait perdre connaissance, elle a réussi à se débattre malgré sa petite taille (elle ne souvient pas comment), s'échapper, puis a couru prendre le petit Lancelot avant de se barricader dans sa chambre. La police suédoise constate les bleus sur les bras de Marie-Claire, ainsi que le désordre dans l'appartement.

L'espion à la fille désenfantéeWhere stories live. Discover now