Chapitre 3; Part 1

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     Le centre-ville est plutôt calme. Il est encore très tôt pour être bondé. Néanmoins je croise des hommes pressés, à la limite de courir. Certains passants m'examinent lorsque je passe près d'eux, sûrement terrifiés à l'idée que je puisse les voler. J'ai pris mon temps pour arriver, n'ayant aucun horaire sur la carte excepté mon nom et celui de l'entreprise... La tour est reconnaissable de chez nous, c'est la plus haute de la ville, mais une fois devant, l'incessant nombre d'étages me met mal à l'aise. Les façades sont vitrées, reflètent les nuages et le soleil. Elles sont très opaques, on ne voit rien de l'extérieur, mais je suis sûr que c'est l'inverse à l'intérieur. Le centre-ville est un endroit vraiment agréable dans la ville, les trottoirs sont pavés, les rues propres, de la végétation verdoyante dans des « parcs », des lampadaires en fer forgé pour illuminer la chaussée. Les habitants d'ici sont élégants, endimanchés pour la plupart. Bien différents de chez nous.

     Je marche au pas, inspectant chaque rue, chaque personne passant à mes côtés. Je suis aussi parano qu'eux en fait. J'ai surtout peur qu'un homme (ou plusieurs) sort d'une ruelle pour m'emmener je ne sais où, mais surtout pour faire des choses dont j'ignore tout. Cette société est extrêmement mystérieuse. On connaît juste la façade du bâtiment et où il se trouve dans la ville mais rien de plus. On sait ce que l'on a bien voulu nous dire à l'école. L'Orsath Enterprise a vu le jour grâce à Orianne Orsath, riche héritière qui a implanté son entreprise ici pour dynamiser la ville après la pénurie de pêche que connu le pays, depuis, l'économie est repartie et notre port fourni des villes moyennes. Mes parents ont connu un temps la pénurie mais pas assez pour s'en souvenir. L'entreprise est désormais dirigée par la fille d'Orianne, Quinn Orsath. Je n'ai jamais vu ni l'une ni l'autre, que ce soit sur une photo dans les manuels ou bien autre part.

     Les portes de l'Organisation sont devant moi. Je sors la carte de ma poche et la montre à des agents avant d'entrer et une fois à l'intérieur des lieux. On m'indique de prendre l'ascenseur et de passer ma carte devant le détecteur, l'ascenseur m'amènera. Le hall est immense, l'ascenseur me paraît bien loin dans un couloir adjacent. Mes semelles résonnent à chacun de mes pas sur le carrelage en marbre. Des agents me surveillent, quelques employés relèvent leurs têtes en me voyant passer et certains continuent leurs routes comme si de rien n'était.

     J'avais vu juste, de dehors on ne voit rien, mais ici, grâce aux immenses fenêtres, on peut voir la rue empruntée plus tôt et quelques bâtiments. Plus en hauteur la vue doit être bien plus dégagée. L'entrée de l'entreprise est sobre, gris nacré sur les murs, quelques plantes dans les coins, près de comptoir en métal et verre. Il y a plus de vigiles que de mètre carré. J'accélère le pas. En passant à hauteur d'un d'entre eux j'entends des personnes échanger des informations, leurs voix proviennent de l'oreillette cachée quelque part dans l'anatomie du vigile. Leurs voix grésillent, elles sont hachées et inaudibles.

     J'arrive devant les ascenseurs, un petit groupe s'est rassemblé devant, environ la même moyenne d'âge que la mienne. Je m'insère dedans et entre dans l'ascenseur lorsque les portes s'ouvrent. Nous passons tous notre carte devant un détecteur, les portes se referment et les câblages de l'appareil opèrent. A ma grande surprise nous ne montons pas, on nous amène en sous-sol. Les portes s'ouvrent sur une salle bien plus grande que le hall d'entrée. Bétonnée du sol au plafond, gris/noir avec des néons éclairant l'endroit. Des membres de l'entreprise sont présents pour nous accueillir, en hauteur sur un tatamis bien éclairé, plongeant le reste de la salle dans une pénombre, où seul quelques formes peuvent être vues.

- Bonjour à tous. Approchez, venez. Vous avez étés choisis pour rejoindre l'Orsath Enterprise, quelque chose de bien plus grand que ce que vous ne pouvez imaginer. Nous allons vous offrir un avenir. Seule une poignée de sujets sont étudiés pour devenir des recrues. Vous entrez dans l'Organisation. L'Orsath Enterprise met à l'honneur les valeurs et l'esprit de la ville, elle reflète vos principes tout en garantissant votre intégrité. Vous n'êtes pas seulement choisis, vous représentez un investissement.

     La femme termine son discours en nous fixant un à un. La mention de « sujet » m'intrigue autant qu'elle me met mal à l'aise. Depuis combien de temps nous observent-ils ? Qu'ils sont-ils ? Son annonce est vraiment étonnante, peut-être même intrigante. Mon pouls s'accélère, je resserre la carte dans ma poche. J'observe les autres « recrues » pour comprendre ce qui nous rend particulier pour avoir étaient observés et étudiés mais rien d'évident ne vient. La plupart a l'air issue de la classe ouvrière, deux ou trois personnes se sont mises sur leurs trente et un mais peut-être juste pour aujourd'hui donc on ne peut pas être sûr de leur classe sociale. Rien n'a l'air de nous rendre plus méritant. Un homme s'avance pour prendre la place de la femme partie rejoindre ses collègues dans l'obscurité.

- Bien recrues, votre attention ! Vous allez me suivre, nous allons nous diriger vers les salles de combats où l'on vous expliquera votre entraînement.

     L'homme s'élance dans la pénombre, ses semelles en caoutchouc couinent sur le sol. Nous le suivons timidement. En passant à hauteur des autres membres de notre comité d'accueil, ceux-ci nous saluent de la tête, nous sourient fièrement, nous examinent aussi. Certains prennent des notes qu'ils répertorient sur des tablettes. Peut-être que cette organisation est une chose positive. Mais le terme « salles de combat » m'indique le contraire. En arrivant au fond, à l'écart des ascenseurs, trois personnes nous attendent. Je ne distingue pas leurs visages cachés par l'obscurité. L'homme qui nous escortait repart aussitôt avec ses collègues qui prennent la direction des ascenseurs nous laissant seuls avec ces trois personnes. Elles s'avancent pour mieux être vues. Une femme, deux hommes. La femme est noire, musclée, intimidante, les cheveux rasés mais une bonne masse à repoussée. Son débardeur moule sa musculature abdominale. Elle se tient droite, les bras croisés sous sa poitrine. Un des hommes, celui du milieu est tout aussi musclé, grand avec un piercing au-dessus de son sourcil droit et un tatouage dans le cou. Une des extrémités remonte jusqu'à une de ses oreilles. Il nous scrute un à un, fait des mimiques avec ses yeux, les plissent ou les écarquillent, en passant d'un visage à un autre. Lorsqu'il arrive à moi je maintiens son regard, je ne cherche pas à le détourner ça ne me servirait pas. Il m'examine plus attentivement. Ses sourcils se froncent c'est à ce moment que je fixe le sol. L'homme à sa gauche est dans la pénombre, je ne peux voir que son corps, comme les deux autres, en forme, sec et surentraîné. Je ne sais pas s'ils sont d'anciennes recrues et si c'est ce qui nous attend à l'issue de notre formation, qui apparemment durera plusieurs mois. L'homme sort de l'obscurité d'un pas, nous dévoile son visage, creux, les traits saillants, le regard vif. En plus d'avoir été « choisi » par l'Organisation, un autre problème me tombe dessus. Je détourne le regard, extrêmement gêné. Je déglutis doucement de peur que l'on puisse percevoir mon angoisse par ce simple bruit. J'expire doucement pour ne pas être entendu. Encore un problème. L'autre me connaît, et le pire c'est que je le connais aussi. Nous portons le même nom.

L'Organisation [ TERMINÉE ]Where stories live. Discover now