Introduction

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« L'homme est un apprenti, la douleur est son maître. Et nul ne se connaît tant qu'il n'a pas souffert. »

Alfred de Musset / La nuit d'Octobre.


Alors que la pluie glacée s'abattait sur le sol et que la nuit tirait sa dernière révérence pour laisser place à l'aube tout timide encore, un homme était allongé sous cette averse dans les restes fumants d'un village dévasté.

Il fixait le ciel et les dernières étoiles qui commençaient à quitter la nuit. Des larmes coulèrent de ses yeux.

Ce n'était ni un grand guerrier, ni un puissant noble, il était lui-même, seulement lui. Un homme simple. Pourtant, il avait son univers, un monde sur lequel il s'appuyait pour essayer d'être heureux dans sa vie. C'était sa réalité, son quotidien.

Et ce monde venait d'être anéanti en un instant, sans aucune pitié.

C'est ainsi que se passaient les choses en ce monde, du jour au lendemain tout peut s'effacer, s'effriter ou bien s'écrouler. Les grands empires ne durent jamais, ils s'effondrent. De grandes personnes meurent sans laisser de trace. D'autres agressent et tue des familles. Tous seront oubliés.

De simple événements suffisent à bouleverser la vie d'une personne, de plusieurs personnes. Avant que l'on ne s'en rende compte, il se trouve qu'il peut être déjà bien trop tard. Car, l'inexorable destin avait frappé.

La veille, il se baladait dans les rues de ce même village, village qu'il n' a pas quitté depuis sa naissance. Il rêvait en grand, il s'imaginait en conquérant, explorant de nouvelles terres. Il rêvait, il avait des idées, des idées qui lui donnait envie de vivre sa vie avec une grande joie.

Pourtant, il n'avait jamais rien fait de particulier de sa vie, il se nourrissait seulement de pensées, de rêves. Avait-il la volonté nécessaire pour les réaliser ?

Il se rappelait de promesses sacrés, de projets tournés vers l'avenir. Mais ce n'était toujours qu'un jeune apprenti de la vie. Il lui restait tant de choses à faire, tant de choses à apprendre pour s'améliorer et devenir un jour peut être, la personne qu'il voulait tant être.

Rien n'était capable de lui faire oublier ces moments passés. Mais, il n'ignorait pas tous ceux déjà endormis dans leurs tombes.

Il se renferma dans son esprit abattu et meurtri par l'instant présent. Cependant, un fond d'espérance pour la vie survivait en lui. Ce n'était qu'une infime parcelle, un firmament dans cet espace infini.

Il se sentait comme un infirme, privé d'un membre. Comme une coquille vide que l'on balançait à la mer. C'est ainsi qu'il se demanda si ce n'était pas l'œuvre du chaos ou de divinités sombres qui ricanaient de lui.

L'homme remettait en question la foi qu'il avait envers les dieux. La vie peut devenir si insipide lorsque le dernier espoir s'évanouit. Dans son esprit il n'y croyait pas totalement, il se disait : 

« c'est un rêve, je vais me réveiller », en fermant les yeux et en les rouvrant il constatait que rien n'avait bougé. Il soupira. Il voulait respirer un peu, et s'éloigner de cela.

Tout était flou dans son esprit. La vieille, les événements se sont succédé si rapidement qu'il en perdait la tête. Près de lui, une jolie femme reposait sur le sol. Du sang perlait de son front.

Il l'a regarda. L'observait tout en réfléchissant. Il espérait tant fermer les yeux, les ouvrir de nouveau et la voir vivre, joyeuse, le sourire aux lèvres. Mais, il ne pouvait pas la faire revenir du monde d'en bas.

Tandis que la pluie tombait de plus en plus fort, son corps était mouillé et il se mit à claquer des dents. Mais, il continua de la regarder, il ne s'arrêta pas de la fixer.

Il l'a recouvrit ensuite d'une étoffe de tissu. Puis il se colla à elle, et l'a serra. Ses dents claquaient de plus belle, pourtant les sensations et l'engourdissement du froid était pour lui des choses lointaines en comparaison à la douleur qu'il ressentait dans son cœur.

Il avait tout perdu en un claquement de doigt, en des événements torrentueux. Le remords plongeait son âme. Il regrettait les derniers instants qu'il avait passé avec cette femme qui se trouve être la femme qu'il aimait.

Il avait en effet trouvé un sujet de dispute fort stupide à propos de jalousie, remettant ainsi en question l'amour qu'elle éprouvait pour lui. C'était un moment difficile, mais il essaya de s'en rappeler le moins possible.

Elle lui avait appris à profiter de la vie, à rester combattant et c'est dans cet état d'esprit qu'il pensa. Il se rappelait les bons moments du passé, il y en avait évidemment, bien plus que de malheureux. Les êtres humains ont souvent tendance à oublier facilement les bons moments. L'esprit de la mémoire garde principalement ce qui est néfaste et malsain. Encore une blague des dieux qui nous regardent en se sentant intouchables !

Alors, il se rappela des belles choses, des moments de partage, de complicité, des regards, des moments où ils étaient bien ensemble. Ils avaient partagé le bonheur à pleines dents sans vraiment se soucier du futur.

La douleur, la souffrance, le tourment, l'affliction. Toutes ces choses n'apprennent pas qu'une seule chose, mais une multitude d'éléments, et de leçons. Tant d'enseignements. Les leçons sont dures. Abandonner est la seule chose qui nous empêche d'accomplir nos rêves. Réfléchir est une chose, vivre peut en être une autre.

L'apprentissage est douloureux. Ils étaient ensemble, s'aimaient et c'était tout ce qui comptait. Et c'est ce qui compte à la fin. Apprécier et repenser à toutes ces petites choses qui nous ont, un jour, rendu si heureux. C'est dans l'action que la vie peut prendre un grand sens, c'est en faisant que l'on devient et que nous acquérons nos plus belles aventures.

Il se rappelait rapidement des événements formant sa vie, comme un flot de mémoire qui l'inondait. Comme si c'était hier. La fin de son monde confortable l'avait réveillé. Il avait enfin appris la leçon : Il est souvent trop tard pour faire marche arrière.

Une lame étincelait près de lui, la pluie continuait de perler sur son corps tout entier et il s'écria :

« Ah ! Dieux, que vous êtes farceurs, mais je vais être plus fort que vous, j'ai bien compris les leçons ! ».

Le sang se déversa abondamment de l'entaille qu'il venait d'ouvrir en se coupant la gorge et son corps tomba sur le sol, près de la femme. La pluie continuait de tomber.  

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⏰ Last updated: Mar 19, 2022 ⏰

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