Souvenir

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La rue était d'une blancheur hivernal. A chacun de mes pas, la neige chantait tel un fier batracien. L'air semblait des plus froid. Chose rare durant un mois de juin. Heureusement, j'étais emmitouflé de tel manière à ne plus sentir le vent glacial qui venait frapper mon corps. Marchant sans but, je m'occupais en expulsant l'air chaud de mes poumons ou en observant les flocons. Un chat, un chant joyeux, un charmant sourire: la neige pouvait prendre bien des formes.

Assise par terre, mélancoliquement, grelotant, une petite fille. Dans cette masse de bonheur elle semblait triste. Son maigre corps criait une faim depuis longtemps insatisfaite. Je lui demandais alors:

"Que fais tu ici, toute seul dans la neige glacé?"

Pas de réponse. Juste un regard triste et surpris qui me fixait. Je retournais à l'assaut:

"Tu n'as pas froid? Là. Assise dans la boue."

Elle hochât la tête pour me signifier qu'elle était frigorifié. Je pris ce petit signe pour une grande victoire. J'avais réussi à entamer cette forteresse de silence. Une question me venait à l'esprit. Je la formulais donc à haute voix

"Où sont tes parents?

-J'en ais pas."

Ces quelques mots glacials donnaient sens à ce monument de tristesse. Elle était chez elle, là, dans la rue, au milieu des chats errants et des pigeons. Combien de colonies de poux avaient infesté son corps? Depuis combien de temps était-elle là? Qu'était-il arrivé à ses parents? Étaient-ils morts? L'avaient-ils abandonné? N'avait-elle donc aucune famille? Mais parmi ces centaines de question une était plus forte que les autres. Combien de temps allait-elle tenir avant de mourir, tué par ce froid sibérien? Peux.

"Tu veux manger quelque chose?" lui demandai-je.

Elle me regardât avec des yeux remplis d'une étincelle de joie.
Nous étions assis sur un banc, à l'abri du vent, avec une bretzel dans nos mains. Elles étaient encore chaudes du four. Tel un feu brulant de vie elles nous réchauffaient l'intérieur de nos corps. Toutes nos tristesses étaient brulées par leurs flammes. Je la regardais, manger timidement et doucement tel un petit rongeur cette brulante source de joie. Ma décision était prise. Elle ne vivrait plus dans la rue. Je m'occuperais d'elle. La nuit tombé je la bordais donc dans mon lit avant de m'endormir sur le canapé.

Je me réveillais dans mon lit. Je me levais et marchais jusqu'à la cuisine. Quelque chose manquait. Elle n'était plus là. Elle était donc un rêve. Une grande mélancolie m'envahissait alors. J'avais l'impression d'avoir vécu tant avec elle. De nombreuses aventures dont je ne me souvenais pas. Elle me manquait.

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⏰ Last updated: Jul 09, 2017 ⏰

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Enfant d'un rêveWhere stories live. Discover now