Le miel amer - 6

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  Le coffret est lourd dans ses mains.

Il était lourd quand il l'a posé sur son bureau. Il était lourd quand il l'a caché dans un tiroir. Il était lourd quand il l'a jeté dans la cheminée et il est toujours lourd maintenant qu'il se tient dans le couloir, appuyé au mur, à attendre.

— Vous pouvez entrer, dit un jeune Auror alors qu'il jette un coup d'œil par la porte.

Drago se redresse et s'éloigne du mur. Il a un sourire suffisant en direction de l'Auror, juste pour lui montrer à quel point il a eu tort quand il a dit que Potter était trop occupé – et trop important, avait sous-entendu sa voix – pour voir Drago maintenant.

— C'est la veille de Noël, a-t-il proclamé, comme s'il pense que les crimes doivent respecter ça et laisser un peu de répit à leur Département.

L'Auror désigne un bureau :

— Voilà.

Et se hâte de partir. Il abandonne Drago pour s'affaler dans sa chaise d'où il jette méthodiquement des boules de papier froissé dans la poubelle, peut-être avide de se prouver qu'il n'est pas un garçon de courses et que les visiteurs de Potter n'ont pas besoin de lui pour ouvrir les portes.

La grande pièce est à moitié vide et peu décorée. Quelqu'un a mis la radio et un air allègre arrive aux oreilles de Drago. Il se dépêche d'arriver au bureau de Potter, désireux d'échapper à cette atmosphère.

Potter est assis à son bureau, une plume à la main, et il relève la tête quand la porte se referme derrière Drago. Il lui accorde un demi signe de tête et dit :

— Malefoy.

Et puis il revient au parchemin devant lui sur lequel il gribouille quelque chose. Ça a l'air mis en scène, pense Drago. Potter se conduit exactement comme à la Glas Inn. Il avait fait semblant de ne pas être intéressé alors ; il fait semblant de ne pas être intéressé maintenant.

Drago s'avance et pose le coffret en bois sur le bureau de Potter. Il aimerait qu'il n'ait pas l'air si amoché avec les coins brûlés, mais c'est trop tard pour arranger ça maintenant.

Potter ne relève pas la tête mais regarde le coffret par-dessus ses lunettes.

— C'est pour Noël ? Je suis désolé... je ne t'ai rien acheté.

Drago ne répond rien ; il n'est pas venu ici pour blaguer avec Potter.

Potter soupire, pose sa plume et s'enfonce dans son fauteuil. Visiblement, il n'a plus envie de faire semblant d'avoir du travail.

— Très bien, Malefoy, qu'est-ce que tu veux ? Tu as rempli les flacons avec du jus de citrouille et tu es venu me dire que tu voulais juste vendre des boissons de qualité aux pauvres ?

— Je n'ai touché à rien. Je suis venu ici pour me livrer.

Les sourcils de Potter remontent si haut que ses lunettes glissent sur son nez. Il les replace d'un mouvement brusque et observe Drago un instant.

— Est-ce que tu sous-entends que tu étais impliqué dans l'affaire du réseau d'Edimbourg ? J'ai peur que ce dossier soit classé.

Drago serre les dents.

— J'en ai fait partie pendant un an. J'ai préparé des tonnes de potions pour eux. Quelques unes étaient plutôt dangereuses. J'ai gagné une petite fortune.

Il se crispe encore un peu plus.

— Mon père serait fier.

Potter a l'air affecté et Drago continue.

— Donc, à la lumière de preuves nouvellement mises à jour, peut-être qu'il faudrait rouvrir le dossier.

Il est certain que Potter va se mettre à hurler d'une seconde à l'autre, lui dire qu'il a été incroyablement irresponsable et que son comportement est horriblement décevant. Mais Potter détourne le regard et hausse les épaules.

— C'est Noël. Je n'ai pas très envie qu'on mette à jour de nouvelles preuves. Ça fait trop de paperasse.

— Je repasserai dans une semaine si ça te convient mieux.

— Pas la peine, dit Potter plus durement cette fois. Comme je disais, ce dossier est classé, tu peux partir.

Une veine bat à la tempe de Drago. Il ouvre la bouche pour dire qu'il va trouver un autre Auror, alors, un qui écoutera ce qu'il a à dire, mais la porte du bureau s'ouvre d'un coup, le dispensant de se donner ce mal. Ron Weasley se précipite à l'intérieur, si vivement qu'il manque renverser Drago. La porte claque derrière lui.

— Harry, tu as fini ? Il faut qu'on y aille. Hermione va avoir des soupçons si je... Drago Malefoy se trouve dans ton bureau, tu as vu ?

Ron Weasley s'arrête au milieu de la pièce et regarde Drago de haut en bas.
Weasley est toujours plus grand que lui, remarque Drago avec ressentiment, mais il se force à ignorer ce genre de pensées et attrape le coffret sur le bureau de Potter. Il le colle dans les mains de Weasley et appuie bien trop fort contre ses côtes.
Weasley pousse un « Ouf ! » de surprise et ne peut pas faire grand-chose d'autre qu'accepter le coffret avec une grimace.

— Euh, dit-il, je ne t'ai rien acheté.

Drago rirait de l'absurdité d'entendre deux fois de suite la même blague ridicule, mais il ne veut pas perdre sa concentration.

— Tu trouveras à l'intérieur des potions illégales qui portent ma signature, dit-il. Je faisais partie du réseau d'Edimbourg mais Potter n'a pas réussi à m'arrêter.

Weasley cligne des yeux et puis regarde vers Potter. Du coin de l'œil, Drago le voit secouer la tête.

— Je suis en train de confesser un crime, Weasley. Sois attentif, dit Drago d'une voix cassante.

— D'accord.

Weasley passe de Potter à Drago encore une fois, et puis fait un pas hésitant vers le bureau de Potter.

— J'aurais terminé dans une minute, Ron. Laisse juste le coffret ici, dit Potter en fixant Weasley avec intensité.

Drago serre les poings en voyant Weasley reposer le coffret sur le bureau, l'air de ne pas trop savoir quoi faire mais de ne pas vouloir contredire Potter.

— Plus tard, articule Potter silencieusement, comme si Drago ne pouvait pas le voir.

Weasley se gratte le crâne et grimace, mais prend le chemin de la porte.

— J'ai toujours su que tu serais un Auror merdique, grogne Drago. Tu es censé arrêté les criminels, pas les ignorer pour faire de la lèche à Potter.

Le visage de Weasley se durcit et Drago attend avec jubilation qu'il explose d'indignation. Mais au lieu de ça, Weasley répond calmement :

— Bien sûr, je vais t'arrêter. Je vais juste...

Il tourne la poignée de porte et l'ouvre.

— Je vais chercher mes menottes. Ne bouge pas d'ici.

Weasley agite un doigt en direction de Drago et puis quitte la pièce après un dernier regard en direction de Potter.  

Miel amer, et autres DrarrysOù les histoires vivent. Découvrez maintenant