Journal d'Howard Motch

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Mardi 24 février 1942

         J'avais atterri en parachute pendant la nuit du 23 février 1942 sur une île du Pacifique à cause de mon Corsaire qui avait été gravement endommagé par un Zéro. C'était lors d'une patrouille aérienne, nous avions été pris par surprise par un escadron composé d'une dizaine d'appareils. Durant l'escarmouche, j'eus la désagréable vision de voir mes compagnons Echo 5 et Echo 9 abattus par les mitraillettes nippones. Mon aile droite était en train de se faire perforer quand Echo Leader ordonna la retraite. Dans le chaos, je ne pus rejoindre mes camarades. Fort heureusement, la brume se mit à couvrir la lune. Mon appareil ne générant plus d'albédo, je réussis à m'enfuir mais au bout de quelques kilomètres, je vis ma jauge carburant chuter aussi rapidement qu'un balancier qui aurait reçu un lourd poids lancé depuis plusieurs mètres de hauteurs. J'allais m'écraser. Je décrochai mon dé porte-bonheur et j'actionnai la siège éjectable.

J'ignorais si je me trouvais en territoire ennemi, mais ma seule chance de survie sur cette île était de trouver des signes de civilisation. Ma chance semblait me sourire, car je trouvai rapidement des traces de pas qui semblaient dater de quelques jours. Je les suivis pendant une bonne heure. Les traces menaient vers une grotte, à l'intérieur, je vis un spectacle qu'aucune personne saine d'esprit ne pourrait croire.

Il y avait une fontaine immense dont la chaleur de l'eau engendrait un arc-en-ciel. Dans son bassin se trouvaient des pommes, bien rondes, bien rouges, elles avaient l'air succulentes. Élément perturbant, le contour de la construction était entouré de poussière. De plus, aucun être vivant n'était présent. Pourtant le chemin de pas était unidirectionnel et aucune autre issue n'était visible. Ignorant combien de temps j'allais rester sur ce caillou au milieu de l'océan, je pris quelques pommes dans le bassin.

La chance fut avec moi car en sortant de cette caverne, je vis au loin les lumières d'un navire. Était-il américain, australien, japonais, chinois ou d'une de ces innombrables nations engagées dans ce conflit ? Il fallait prendre le risque. Je sortis mon pistolet de détresse. Peu de temps après je fus secouru. Il s'agissait d'un destroyer de l'oncle Sam.

De retour à la base, je partageai mes pommes avec mes compagnons de chambres tout en racontant ce que j'avais vu dans la grotte. Ces imbéciles manquaient tellement de délicatesse qu'ils ne m'en gardèrent même pas une pour ma personne. Fort heureusement, j'en avais gardé une dans ma cantine. Du moins c'est ce que je me disais à ce moment-là.

Cependant, le geste égoïste de mes compagnons me sauva la vie, car quelques heures après, ils se sentirent faibles. Au bout de cinq heures, ils se contorsionnèrent dans des positions impensables, hurlèrent à la mort, prièrent Dieu de toutes leur larme. Leur peau se dessécha, leurs dents pourrirent, leur esprit rentra dans une psychose angoissante. Les infirmières étaient incapables de les calmer et de stabiliser leur état. La morphine ainsi que divers opiacés et anesthésiants leur furent inhalés et injectés en vain.

Ce brouhaha indescriptible dura toute la nuit. On les entendait dans toutes la base. Ce n'est qu'après d'interminables heures que j'arrivais à fermer l'œil.

Le lendemain, leurs lits étaient vides, si ce n'est la présence de poussière. Nous ne serons probablement jamais ce qu'il s'est passé. Le colonel souhaite me voir dans l'après-midi au sujet de cette histoire. Je suis persuadé que ce sont ces pommes qui ont rendu ces soldats fous.


Le journal s'arrêta sur ces mots. L'écriture fut probablement interrompue par le bombardement de la base où mon paternel était affecté qui l'emporta de l'autre côté. Nous ne serons probablement jamais la nature de ce phénomène des plus singuliers et épouvantables, les scientifiques et autres chercheurs étant trop occupés à soutenir l'effort de guerre. J'espère que ce témoignage ne tombera pas dans l'oubli et qu'un jour, quand la guerre sera finie quelqu'un posera ses yeux sur ce papier.

À l'heure où vous lisez ces lignes, moi, Howard Motch Junior, je l'ai déjà rejoint. Que Dieu ait mon âme.

Howard Motch Jr.

Jeudi 9 avril 1942.

De la poussière dans le sableOù les histoires vivent. Découvrez maintenant