Chapitre 5

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Comme je m'y attendais, je n'ai pas eu droit à beaucoup de repos supplémentaire. La seule amélioration que j'ai eu a été que je n'ai pas eu de nouveau client avant le soir. Ce n'est pas plus mal, au moins j'ai pu m'occuper correctement de ma fille. Avec mon emploi du temps, je suis obligée de la délaisser par moment afin de somnoler un minimum. J'ai l'impression de dormir autant qu'un étudiant en période d'examen. Sauf que cela dure depuis quelques années. Moi qui avais rejoint le clan Arkadia en partie pour éviter ça, me voilà servie.

Cette petite pause m'a fait du bien, nous n'avons jamais de jour de congé en temps normal alors ne pas être obligée de bouger pendant une douzaine d'heure est une véritable bénédiction.

J'allais sortir dans le but de retourner travail lorsque cette brune entêtante rentre. Etonnement, elle ne semble pas au bout du rouleau alors qu'elle vient d'enchainer une journée complète sans revenir ici. Maintenant, si elle a fait des études de médecine, elle doit être habituée aux courtes nuits.

En me croisant, elle fronce les sourcils.

- Je peux savoir ce que tu fais debout ?

- Ce que je fais tous les soirs : déposer mon bébé pour que personne ne pense à le voler.

- Pour la dernière fois, elle commence avant de se raviser. Bref, je pensais t'avoir mise au repos pour quelques temps. C'est à dire plus d'une journée.

Il n'y a pas à dire, cette fille m'énerve vraiment. Tout dans ses paroles me rappelle comment est le monde dehors. Et je déteste ça. Personne ici n'agit ainsi, elle est la seule.

- Ecoute-moi, je dis en me retenant d'être agressive. Hormis si un garde vient me prévenir, j'ai une certaine heure pour être dans un autre bâtiment si tu vois ce que je veux dire. Vu que ce n'est pas le cas, j'ai intérêt à me dépêcher si je ne veux pas être en retard. Rentre-toi une bonne fois pour toute dans la tête que ce que tu as connu avant n'existe plus. Et le plus tôt sera le mieux.

- Je sais que c'est différent mais...

- Non tu ne sais rien ! Ce n'est pas simplement différent, c'est un nouveau monde avec de nouvelles règles. Si tu veux y survivre, tu as intérêt à vite t'y faire. Ceux dans ton genre sont les premiers à craquer. Maintenant laisse-moi passer.

Avec un soupir, elle s'écarte finalement de la porte qu'elle m'empêchait jusque-là de passer en se plaçant devant.

- Essaye juste de ne pas trop en faire. Tu restes malade.

Je ricane, elle est soit complètement naïve soit complètement idiote. Dans les deux cas, elle ne fera pas long feu ici. Je lui donne un mois maximum avant de faire une tentative de fuite ou un burnout. Certainement les deux maladies les plus mortelles par ici. Bien plus encore que tout autre virus que l'on pourrait attraper.

- Je fais ce que je peux, pas ce que je veux, je crache presque en sortant.

Cette fille commence vraiment à m'énerver.

- Tout va bien, me demande Raven alors que je lui dépose Madi dans les bras. Tu es sûre d'être en état pour reprendre ?

- Tu ne vas pas recommencer, je grogne. Qu'est-ce que vous avez tous à la fin à vouloir me faire dormir ? Je n'ai pas le choix.

- Du calme Clarke. Je disais juste ça parce que tu es clairement sur les nerfs. Et nous savons toutes les deux que ça risque de se retourner contre toi.

Je souffle en tentant de faire redescendre la pression. Je ne suis toujours pas vraiment remise et cette petite altercation ne m'aide pas à avoir les idées claires.

- C'est rien. Juste la nouvelle de médecine qui se croit toujours à l'extérieur. On dirait qu'elle espère que quelqu'un viendra nous sortir de ce merdier sauf que ça n'arrivera jamais et ça me rend dingue parce que...

- Okay, je vois le problème, elle me coupe dans ma tirade.

- Ah oui ? Et je peux le savoir peut-être ?

- Ce n'est pas vraiment elle le problème. C'est celui auquel elle te fait penser.

- Je t'interdis de continuer, je la menace.

- A un moment, il va falloir que tu passes au-dessus, elle continue sans en tenir compte.

- J'en ai déjà fini avec ça.

- Tu peux mentir a beaucoup de monde mais pas à moi, elle crie tandis que je m'éloigne.

Je ne veux pas y penser. Plus depuis qu'il a disparu. Plus depuis qu'il est parti. C'est impossible. Parce que simplement m'imaginer son visage, son sourire, me rappelle tous ces moments partagés à nous trois.

Il a choisi de laisser tomber, de nous laisser tomber. Et l'espoir qu'il m'avait apporté est parti en même temps que lui.

Je suis à peine arrivée sur les lieux qu'un garde m'intercepte.

- Numéro 319, bureau du directeur. Tout de suite.

Je sens mon sang se figer dans mes veines. Une convocation, surtout alors que je suis censée avoir des clients, n'est jamais bon signe.

Je toque, emplie d'effroi. Je doute que tout se passe bien.

- Je t'attendais il y a cinq minutes, il se contente de répondre.

- Excusez-moi monsieur.

Je déteste cette pièce. Je n'y suis venue que deux fois, la première je ne préfère même pas y penser, et la seconde pour annoncer le début de ma grossesse. C'est un passage obligatoire, même si je n'en ai toujours pas compris le sens. Je suppose qu'il veut voir de ses propres yeux que c'est bien le cas. Ils ont un contrôle total sur nous, quoi que l'on fasse.

- Assied-toi, nous devons parler.

Je m'exécute en tentant, certainement vainement, de cacher ma nervosité grandissante.

- Je ne vais pas y aller par quatre chemin 319, je me pose des questions sur ta santé. J'ai entendu dire que tu t'étais évanouie il y a peu. Je n'ai pas besoin de t'expliquer que nous avons eu du mal avec ce client par la suite.

- Oui monsieur je comprends. C'était un léger moment de faiblesse qui ne se reproduira plus, je vous le promets.

Je fixe le bureau devant moi, je n'ai pas le droit de croiser son regard sauf indication contraire. Encore une règle à laquelle nous devons toutes obéir.

- Effectivement. Tu dois certainement avoir beaucoup de travail. Savais-tu que tu es l'une des plus demandée du service ? Ce n'est pas rien. Et il serait dommage que cela change. Une si jolie poupée qui se retrouve cassée serait une grande perte.

- Oui bien sûr monsieur. Ce ne sera pas le cas.

- Dis-moi, tu t'occupes bien d'un enfant n'est-ce pas ? Quel âge a-t-elle maintenant ?

- Elle aura bientôt quatre mois.

Il croise ses mains avant de s'appuyer dessus. Son regard me donne froid dans le dos.

- Un bébé est une lourde charge 319. Tu ne t'en rends certainement pas compte mais elle aspire toute ton énergie. Energie que tu devrais utiliser afin de satisfaire nos clients.

- Je...

- Cependant, je ne suis pas un monstre. C'est pourquoi je te laisse une chance de garder ta fille.

- Oui je... Merci...

- Je veux un avis médical. Tu iras voir 46M après ton travail. Si elle trouve une bonne raison, alors je ne ferai rien. Dans le cas contraire, elle sera placée avec d'autres enfants.

Il m'offre un sourire condescendant que je sais être faux. Il ne se préoccupe que de ses affaires et de comment il peut améliorer les chiffres.

- Je me rends compte qu'il s'agit d'une situation difficile mais tu dois comprendre que j'agis pour ton bien et celui de ton enfant.

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