Il y avait de la peinture sous ses ongles.
Elle secoua la tête et se dirigea vers le lavabo. Elle laissa couler l'eau et se frotta les mains avec des gestes précis et efficaces. Loup vint poser sa truffe sur le plan de travail.
– On en a déjà parlé.
Le husky laissa échapper un gémissement plaintif.
– Non.
Nouveau gémissement dramatique. Elle reposa la brosse, se rinça les mains et attrapa une serviette avant de se pencher vers lui. Un sourire quand elle découvrit son air éperdu. Loup reprit du poil de la bête et hulula pour l'attendrir. Elle caressa derrière ses oreilles et ajouta une grattouille dans son cou.
– Non, loupiot.
Il se recula et leva la tête, se donnant à cœur joie dans sa complainte.
– Tu sais que je serai de retour ce soir, mister.
Il se détourna, et trotta jusqu'à se laisser tomber sur le morceau du canapé qu'il avait le droit d'occuper, offrant une remarquable ressemblance à la Vénus de Cabanel. En plus poilu s'entendait.
– On ira courir.
Il toussota, faisant semblant de l'ignorer. Elle secoua la tête, mais souriait. La dernière fois qu'elle avait amené Loup à une exposition, une œuvre d'art très moderne et très coûteuse avait dû être achetée après que... well, no need to say Loup had been pretty pleased with himself. Elle allait vendre ce soir, mais son compte en banque ne s'était toujours pas remis de cet incident. Et elle tenait à continuer à leur acheter à manger à tous les deux. Elle attrapa la bandoulière de son sac, ramassa la toile enveloppée de papier kraft, et sortit de son appartement. Un suite de gémissements théâtraux l'accompagna dans les escaliers. Heureusement que ses voisins étaient durs d'oreille.
***
Un flot de lumière se déversait de la vitrine. Une lumière dorée et chaude comme celle des chevelures des madones de Botticelli.
– Habibti !
– Leïla.
Sahresh embrassa la directrice de la galerie sur les deux joues. Ça lui rappelait parfois comme la peau de Leïla était douce, le matin, quand elles se réveillaient dans la pénombre des volets croisés.
– Ah, tu ne l'as pas oublié ! s'exclama Leïla.
Sahresh haussa un sourcil en guise de réponse et un rire mélodieux de Leïla éclata.
– Allez, viens, il faut que l'on l'accroche avant que tout le monde ne soit là.
Tout était presque terminé. Les serveurs faisaient briller les flûtes de champagne, les artistes vérifiaient que leurs œuvres étaient disposées à leur convenance. Comme d'habitude avec Leïla, tout respirait l'ordre et le raffinement. Et comme d'habitude l'une des premières choses que Leïla lui demanda fut :
– Comment va ta grand-mère ?
– Toujours dans son jardin, toujours levée à l'aube.
Leïla rit à nouveau. Elle riait pour ponctuer ses phrases, elle riait quand elle était heureuse, ou triste. Elle riait aussi quand elle était en colère. Elle avait ri de toutes ces façons là quand elles s'étaient quittées, alors même que c'était son idée. Leïla continua de parler à moitié en français, à moitié en anglais, pendant qu'elle la conduisait vers le fond de la galerie. Parfois elle glissait des mots d'arabe aussi, mais jamais trop. Elle savait que Sahresh ne le parlait pas. Leïla n'avait pas qu'une grand-mère Libanais elle, toute sa famille était née là-bas, et elle aussi, mais elle avait fait ses études en Écosse. C'est là qu'elles s'étaient rencontrées. Son accent roulant des Highlands, ses voyelles arabes qui lui rappelaient son enfance, c'est ça qui avait attiré Sahresh, au début.
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Out of the blue.
Short StoryOn ne sait jamais qui l'on va rencontrer au détour d'une galerie d'art. Rendez-vous sur Pinterest si vous souhaitez visualisez les oeuvres mentionnées dans la nouvelle : https://www.pinterest.fr/matildacaprices/out-of-the-blue/