CHAPITRE 83. Feeling alive

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Gabriel voulut crier sur sa subordonnée, jusqu'à s'époumoner, pour sa bêtise, son côté suicidaire, son incapacité à suivre des ordres et à raisonner logiquement, le fait qu'il l'avait inquiété bien plus que de raison, et bien d'autres choses. Mais il s'était figé, en sautant à sa suite, et en se réceptionnant parfaitement grâce à la même tactique que celle qu'il avait utilisé pour atterrir dans la ruelle en bas de l'immeuble - la fumée noire qui l'engloba tout le long de sa chute se dissipa automatiquement une fois le sol atteint.

Ce qui l'avait stupéfait, c'est qu'Abigail, elle aussi, avait réitéré sa technique de réception, le miracle qui avait eu lieu lors de sa première chute.

Bien moins longtemps que la première fois, mais Gabriel l'avait vu. Elle aussi. Une milliseconde avant de tomber sur le sol rocheux qui se tenait sous elle, elle avait ouvert les yeux, et avait pu contempler le fait qu'elle se tenait en position couchée, à quelques centimètres au-dessus du sol, sans le toucher. Elle flottait.

En se posant délicatement sur la terre ferme, elle releva la tête d'un coup sans se remettre debout et fixa Gabriel. En constatant son excitation, il savait quelle était la question qu'elle allait lui poser, alors il répondit avant même de l'entendre, d'une voix sourde de colère.

- Oui, j'ai vu Abigail. Et si tu n'étais pas sortie d'un cabinet par la fenêtre pour faire ton saut de l'ange, je t'aurais massacré, qu'on soit bien clairs.

La jeune femme se remit debout, face à lui, et soupira bruyamment, de façon à bien se faire entendre par son supérieur.

- Ok Gabriel, ça suffit.

Il se retint de répondre.

- Affronte-moi. Je ne vais pas souffrir de ton regard infériorisant pendant dix minutes de plus. Alors autant que je fasse mes preuves directement.

- C'est hors de question, répliqua son supérieur en la fusillant du regard et en faisant un pas sur le côté.

- Je n'attendais pas de réponse Gabriel, dit-elle sans attendre, en faisant elle aussi un pas dans le sens opposé.

Et sans annoncer quoi que ce soit d'autre, elle lui sauta dessus, prête à en découdre.

Angela, penchée sur le rebord de la baie vitrée brisée en mille morceaux, regardait la scène en secouant négativement la tête et en soupirant.

- Si leur objectif est de se tuer le plus rapidement, ils vont vraiment finir par y arriver.

Moira sembla beaucoup moins attristée par ce qu'il se passait. Elle toisait avec attention le Commandant de Blackwatch et sa subordonnée s'affronter.

Ce dernier ne se battait pas vraiment d'ailleurs : il esquivait et parait juste les coups qu'on lui distribuait. Abigail elle, ne s'arrêtait pas. Coup de poing après coup de pied, elle tentait de toucher son supérieur. Son objectif initial, celui de lui montrer qu'elle était encore parfaitement en état de mener des missions à bien, était largement atteint. Mais pourtant, elle continuait sans relâche.

Gabriel avait l'avantage, c'était évident : ses nouvelles capacités l'avaient encore amélioré, mais il ne souhaitait pas surpasser sa subordonnée. Il ne voulait pas gagner. Car il ne savait pas vraiment ce qu'il devait faire pour remporter cette joute infernale.

Heureusement, un arbitre vint finalement les interrompre.

Un coup de feu retentit dans les airs, et par réflexe, ils se séparèrent tous les deux de quelques mètres, essoufflés. Dans l'encadrure de la porte de hangar la plus proche, Jesse McCree fit son entrée - ou plutôt, sa sortie du QG - et laissa lentement retomber son bras, au bout duquel il tenait son revolver au canon encore fumant.

- Le prochain qui se jette sur l'autre, je lui mets une balle. Est-ce que c'est clair ?

Tous deux, toujours en train de reprendre leur souffle, toisèrent Jesse, puis se regardèrent.

- C'est elle qui a commencé, finit par dire Gabriel le plus sérieusement du monde en reposant ses yeux sur McCree.

- Tu as quel âge ? 5 ans ? répliqua Jesse avec une grimace. J'me fous de savoir qui a commencé.

Il pointa son canon sur Abigail.

- L'un d'entre vous vient de sortir d'un cabinet par la fenêtre, et l'autre, continua t-il en changeant la direction du pistolet vers son supérieur, y était il y a encore quelques jours.

Ils ne répondirent rien, baissant un peu les yeux, comme deux enfants qu'on venait de réprimander sévèrement pour une grosse bêtise. Jesse laissa retomber son bras le long de son corps.

Abigail voulut répliquer quelque chose, mais elle n'était pas certaine que qui que ce soit ici comprendrait ce qu'elle voulait dire.

- J'ai tout entendu Abby, conclut Jesse en se tournant vers cette dernière - évidemment que Jesse McCree avait écouté à la porte du cabinet du docteur Ziegler. Je suis sûre que tu as plus important à combattre que cet abruti. Même si on sait tous qu'il mérite amplement une raclée de temps en temps.

L'interpellée prit une grande inspiration. Mais demeura silencieuse.

Ce n'est pas un combat sur lequel j'ai la main Jesse. Que je frappe ou que j'encaisse, que j'en sorte indemne ou que je me blesse... Cela pourrait tout aussi bien ne rien changer. Alors qu'avec ça, même si c'est stupide...

Elle posa un regard sur Gabriel, qui n'avait rien dit jusque-là et regardait Jesse. Elle se concentra à peine quelques secondes sur sa situation et les alentours. Son corps qui retrouvait doucement un pouls normal et régulier, ses membres un peu tirés par leur joute physique, le bout de ses doigts qui la démangeait à cause du froid, ses pieds nus sur la roche et la verdure. L'adrénaline encore présente du combat. Elle poussa un long soupir. Non, ils ne la comprendraient pas.

Je me sens vivante.

Le silence est d'or, le silence de la mortOù les histoires vivent. Découvrez maintenant