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Le nez de Louca effleura le mien, il me passa la main dans le dos et me porta. Je me sentais légère et sereine. Il me fit doucement glisser sur sa nuque et ses épaules, avant de me faire virevolter. Puis, mon patin retrouva la solidité de la glace. Louca et moi partîmes, ensemble, en cross roll. Le porté tant attendu approchait. Je pris une grande inspiration. Cela ne dura qu'une dizaine de secondes à peine mais c'était un soulagement : nous l'avions réussi. Pour la toute première fois, sur la glace.
Enfin, ce fut le moment de la dernière figure. Je positionnai mon pied droit sur sa cuisse, il me tint le genou et la main pendant que je passai ma jambe gauche au-dessus de sa tête, et la posai sur son autre cuisse. Louca, les genoux fléchis, continuait à glisser alors que je me tenais en équilibre sur ses jambes, les paumes de mes mains et les yeux rivés sur le plafond de la patinoire. Ce mouvement magnifique me sembla suspendu dans le temps. Louca me fit tomber dans ses bras, et je me blottis contre lui. Peu à peu, tourbillonnant sur lui-même, il s'accroupit. Voilà. C'était la position finale. L'une de ses mains était posée sur mon genou droit, tandis que l'autre était dans le bas de mon dos. Je sentais son souffle chaud sur mon front. Je souriais. Nous nous relevâmes. Il me serra contre lui.

- Iris...

Il avait murmuré mon prénom à mon oreille, puis il relâcha son étreinte. Je me tournai : ma mère était à la rembarde. Elle nous avait vus patiner. Nous sortîmes de la piste. Elle avait pris sa décision, j'en étais persuadée, mais laquelle ?

- Maman...commençai-je. Qu'est-ce que tu fais ici ?

Elle ouvrit la bouche, la referma, elle voulait parler, mais les mots étaient comme bloqués dans sa gorge. Elle finit par éclater en sanglots.

- C'est moi qui lui ai demandé de passer, Iris, m'expliqua Louca. Elle ne t'a jamais vu réellement patiner, elle me l'a dit elle-même. J'ai réussi à la convaincre hier, alors que tu te réconciliais avec Samuel.

Je n'en revenais pas.

- Iris...réponds-moi, c'est vraiment ce que tu veux faire ? Tu en es sûre ? Tu veux te lancer dans cette folie ? me demanda ma mère, en essuyant de sa manche, ses larmes.

- Oui. J'en suis certaine.

- Alors, fonce. Bats-toi pour ton rêve. Moi, je n'ai pas su le faire. J'ai eu trop peur. Ne commets pas les mêmes erreurs que ta mère. Trace ton chemin, c'est ta vie, pas la mienne. Tes choix, pas les miens.

Même si je ne gagnais pas les championnats, ma plus belle victoire aura été d'avoir réussi à faire accepter ma passion à ma mère. Je l'embrassai tendrement sur la joue. Samuel, alors, qui nous avait sans aucun doute observées depuis l'accueil, s'approcha. Ma mère se tourna vers lui.

- Excusez-moi, Samuel. J'ai été tout à fait odieuse avec vous. Je vous demande pardon.

- Ne vous en faîtes pas. Je comprends, votre chute a été terrible, vous vouliez juste protéger votre fille, l'important c'est qu'au final, vous ayez fait le bon choix.

Maxence, Christelle sur ses talons, pénétrèrent dans la patinoire. Ils portaient quelque chose dans leurs bras, mais je n'arrivais pas à voir ce que c'était. Ils avaient dû mal à reprendre leur souffle.

- Christelle, murmura soudainement ma mère.

Elle se tourna vers ma mère, lui sourit, s'approcha.

- Ça fait longtemps, n'est-ce-pas, Laurie ? dit-elle.

- Oh que oui, ça remonte à quand ? Il y a vingt ans ?

- Oui, à peu près, il me semble, lança Christelle en serrant ma mère dans ses bras.

Un vent glacialWhere stories live. Discover now