Son trésor le plus précieux

Chapitre 20 - Prise de conscience

Au bout de ce qui parut une délicieuse éternité, leurs lèvres se séparèrent. Leurs yeux se perdirent dans ceux de l'autre, jusqu'à ce que, entourés d'un silence confortable, ils se détournent l'un de l'autre. Main dans la main, les deux jeunes gens rebroussèrent chemin pour rejoindre l'auberge. Lucrèce avait des milliers de questions à poser mais le silence confortable qui les entourait la berçait. C'était si agréable qu'elle ne souhaitait pas le rompre. D'autant plus qu'elle aurait bien le temps d'assaillir son ancien amant de questions plus tard. Pour l'heure, elle devinait sa fatigue et sa lassitude. Depuis qu'il avait débarqué quelques heures plus tôt après un long et périlleux voyage, il n'avait pas arrêté une seconde. Il avait d'abord eu une longue discussion avec elle, puis avec son père, et pour finir, il l'avait emmenée marcher pour lui révéler ses plus gros secrets. Il n'y avait pas à dire, Radburn avait besoin de repos. 

Un coup porté par son enfant qu'elle chérissait tant lui rappela qu'elle aussi allait tomber de fatigue. Cette journée avait été riche en émotions ! L'auberge serait un véritable havre de paix. 

Quand ils entrèrent à l'intérieur, les doigts toujours entrelacés, l'agitation ambiante de fin d'après-midi correspondait bien peu au calme espéré. Pourtant, la jeune femme sentit son cœur se réchauffer. Elle était contente d'être là. Après tout, cet endroit l'avait vue grandir et lui était familier. Tout avait un parfum particulier qui ne signifiait qu'une seule chose, elle était chez elle. Comme pour se rassurer, la jeune femme releva les yeux sur son pirate et son cœur bondit de joie. 

Il était déjà trop tard.

Elle ne le laisserait plus jamais repartir.

Elle l'aimait bien trop pour cela.

Radburn dut sentir son regard puisqu'il riva ses yeux brillants d'amour dans les siens, un sourire resplendissant égayant son visage. 

Qu'est-ce qu'il était séduisant !

Décidément elle ne se reconnaissait plus. Enfin, disons plutôt qu'elle avait retrouvé une partie d'elle-même bien enfouie qui ne s'était manifestée qu'une fois dans sa vie et furtivement lors de sa rencontre avec Radburn, quelques mois auparavant. Cette facette qui l'avait poussée à oser, à se détacher de ses réticences pour accomplir ce que toutes les femmes devraient pouvoir faire sans honte. Lucrèce était contente de constater qu'au contact de Radburn cette partie d'elle-même reprenait vie. Il était agréable de se laisser aller auprès de l'homme dont elle était amoureuse. La jeune femme se mit sur la pointe des pieds pour venir poser sa main sur la joue ombrée de son pirate. Surpris, l'homme la regarda étrangement avant de fermer les yeux et d'appuyer sa joue contre la paume de sa main. Lucrèce sentit son cœur manquer un battement. Le voir baisser la garde ainsi était pour elle le signe qu'il lui accordait toute sa confiance. Elle était désormais convaincue qu'ils se devaient d'essayer, de se donner la chance de construire quelque chose ensemble. Lucrèce l'aimait, elle le savait et lui avait avoué, plus rien ne pouvait la retenir, maintenant. 

Radburn avait rouvert les paupières et observait sa bien-aimée qui avait tout l'air d'être égarée dans ses pensées. Il la trouvait magnifique. Ses traits délicats étaient détendus, ce qui lui fit supposer que ses songes étaient plutôt agréables. Ses longs cheveux bruns reposaient paresseusement sur ses épaules et le long de sa poitrine, emmêlés par l'air marin. Sa peau douce ne demandait qu'à être caressée. Radburn savait que d'un jour à l'autre il allait céder à l'envie de la faire sienne à nouveau. La seule chose qui le retenait c'était de ne pas lui avoir encore demandé sa main. Il voulait y aller en douceur. Ils venaient à peine de se retrouver. Et, même s'il estimait qu'ils avaient assez perdu de temps, un jour ou deux de calme ne leur feraient aucun mal. À son tour, Radburn enveloppa la joue de la jeune femme de sa main. Elle parut sortir de sa torpeur et lui adressa un sourire adorable. Radburn caressa sa joue de son pouce pendant quelques secondes, puis tous deux s'enfoncèrent dans l'auberge.