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Il est treize heure cinquante-cinq, et je n'ai aucune envie de quitter le bureau.

— Mais pour l'amour du ciel, Elise, ne fais pas cette tête. On pourrait croire que tu pars te faire torturer, me dit Sandra.

— Va savoir, ajoute Pauline, peut-être que Madame Nicoles va lui mettre des épines de bambou sous les ongles si elle n'est pas sage.

Elles éclatent de rire à mes dépens. La situation les amuse beaucoup. Tant mieux, il y en a au moins trois que ça réjouit.

— C'est bon. Je n'ai juste aucune envie d'aller essayer cette robe. C'est de ta faute, Camille. Je ne sais pas comment tu as fait pour me convaincre que je pouvais porter une robe fourreau. Je vais avoir l'air énorme avec ça.

— Elise, chérie, regarde-toi dans un miroir. Tu n'as plus que la peau sur les os.

— C'est ce que tu crois parce qu'il y avait beaucoup plus de peau avant, je t'assure que...

— Arrêtes ! lance Sandra. Camille a raison, tu ne te rends pas compte d'à quel point tu as maigri. Tu n'auras pas l'air énorme dans cette robe, tu vas aller faire les essayages, et tu seras la plus belle d'entre nous la semaine prochaine, à n'en pas douter.

Comme si je pouvais rivaliser avec elle trois. Elles sont superbes, dans des styles très différents, mais quand même. Camille a une coupe de lutin, les cheveux au carré d'un noir profond et naturel qui ne se laisse jamais dompter, ça représente très bien sa personnalité. Elle est mince, mais toute en courbe, elle a ce qu'il faut où il faut et aucun homme ne lui résiste. Sandra est petite, toute finotte et toute mignonne. On lui donnerait le bon dieu sans confession avec son air d'ange permanent, mais elle n'en a que l'air. Ses cheveux sont tellement blonds qu'en été, ils sont presque blancs, mais elle les coupe à la garçonne. Pourtant, personne ne pourrait la confondre avec un mec, elle est hyper féminine, toujours en talon, souvent en robe, à la pointe de la mode. Pauline elle est une grande perche. Elle est plus grande que moi, mais en même temps, elle est plus grande que la plupart des hommes, elle doit frôler le mètre nonante. Ses cheveux changent de couleur tous les mois. Ce mois-ci, on a droit à un rose bonbon. Ça peut paraitre ridicule, mais ça lui va à merveille. Elle a un style bien à elle, mais son visage est magnifique avec ses yeux d'un vert flamboyant en amande et sa bouche pleine. Une fois le choc des cheveux passés, la plupart des hommes restent subjugués par son visage.

Et moi dans tout ça ? J'ai presque toujours été grosse. Pas vraiment jolie, pas moche non plus. J'ai des yeux immenses du bleu d'un ciel d'été, la seule chose vraiment belle chez moi d'ailleurs. Ma bouche est trop petite, mon nez légèrement de travers, mes cheveux ne se sont jamais décidés entre le blond, le châtain et le roux, ce qui fait que j'ai une couleur indéfinissable qui change avec l'éclairage. Oui, j'ai perdu vingt kilos depuis la mort de Benoit, mais quand je me regarde dans la glace, je vois toujours cette fille grosse et mal dans sa peau qui ne comprend pas comment un homme a pu s'intéresser à elle un jour. Je mesure presque un mètre quatre-vingt, ce qui fait aussi que ça n'a jamais été facile avec les garçons. Autant Pauline se moque de la taille de son partenaire, autant je ne suis attirée que par les hommes grands. Je ne pourrais pas sortir avec quelqu'un de plus petit que moi. Je sais, c'est idiot, complètement idiot, mais quand j'avais quatorze ans et que je dépassais tous les garçons de ma classe, je suis sortie avec David. Bon sang, qu'est-ce qu'il me plaisait, et je me fichais qu'il mesure dix centimètres de moins que moi. Sauf qu'on s'est tellement moqué de nous que David a fini par rompre et par m'insulter de toutes les façons possibles, jouant de ma taille comme d'une tare. Depuis, je suis traumatisée.

Benoit n'était pas plus grand que moi, nous faisions la même taille. Je ne suis pas une adepte des talons, donc ça ne posait pas de problème, mais au final, je l'aimais tellement que, même pour des soirées ou des mariages où je portais des escarpins, ça ne me gênait pas qu'il semble plus petit que moi. J'étais en sécurité avec lui...

Je m'égare dans mes pensées là. Je mets un terme à cette discussion avec les filles qui me gêne plus qu'autre chose. Evidemment, elles me font promettre de leur envoyer une photo de moi dans la robe. Je soupire, mais je promets. Il est quatorze heure, je coupe mon ordinateur, embrasse mes collègues et file vers le centre commerciale et la boutique de Madame Nicoles.

Une seconde chance (Terminée)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant