Chapitre 3 : Dégel

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21 mars 2044

D'immenses et tranchants blocs de glace sortaient du sol alors que celui-ci était recouvert d'une belle herbe verte. La disposition des pics était telle qu'elle formait une forteresse imprenable, mais l'éclosion des créatures avait déclenché son dégel. Son rôle avait été de les protéger et de les cacher pendant vingt longues années. Cette mission terminée, la glace, qui avait été insensible aux changements de saisons, semblait soudainement fondre sous le soleil brûlant.

Au début de la libération, la vieille femme s'était faufilée en dehors de la structure, laissant ses robustes créations à l'intérieur. Si son esprit était resté vif, son corps maigre était en train de la lâcher et elle savait que ce spectacle serait son dernier.

Alors que la fonte de la forteresse semblait se faire dans le plus grand des silences, des grognements se firent brusquement entendre. Les créatures prisonnières à l'intérieur s'agitaient et frappaient avec force les blocs de glace qui commencèrent à se fissurer. Les chocs faisaient non seulement trembler la structure mais aussi le sol. Les jambes tremblantes, la vieille femme s'accrocha à un arbre et continua d'observer avec émerveillement ce spectacle.

Les coups et les hurlements redoublèrent d'intensité. Des pics se détachèrent pour tomber lourdement sur l'herbe. Il ne fallut que quelques minutes de plus pour que la structure tout entière s'effondre sur elle-même dans un vacarme assourdissant. De la brume blanche s'éleva dans le ciel et un souffle froid atteignit la vieille femme qui ne put s'empêcher de frissonner.

Des décombres sortirent, sans aucune égratignure, trois ombres. Elles se postèrent devant leur créatrice, attendant patiemment ses ordres. Elle s'avança fébrilement pour poser sa main sur la tête de l'une d'elle. Elle inspira longuement, ferma les yeux puis, rassemblant ses dernières forces, lui transféra tout son savoir.

Épuisée, ses jambes se dérobèrent sous son poids et elle s'effondra. Les longs bras de la créature la rattrapèrent avec une étrange délicatesse pour la poser sur le sol.

— Les premiers seront les derniers, articula-t-elle difficilement.

Ses créations s'agenouillèrent autour d'elle de façon à former un cercle. Leurs mains aux longues griffes se celèrent et elles émirent à l'unisson une succession de grognements semblable à une plainte. Peu à peu les yeux de la vieille femme se fermèrent et les battements de son cœur ralentirent. Entourée par le soutien de ses enfants elle s'endormit paisiblement, pour l'éternité.

Les maux bleus - VERSION CHALLENGEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant