Le soleil imposa une trêve au conflit. Tout le monde dehors ! On vit alors la grosse Laurence déambuler dans le parc entourée du groupe des méchantes. C'en était grotesque ! Elles qui aimaient la sophistication, l'élégance et la féminité, elles portaient aux nues une fille qui était l'antithèse de leurs critères de snobisme. C'était, à l'évidence, le but recherché par Laurence mais je trouvais que cela dénotait d'un certain manque de fierté, de la part de ces méchantes prétentieuses, que de se laisser acheter de la sorte.
Et puis, un jour, au moment de sortir en récréation, il m'apparut que mes fesses étaient à nouveau trop lourdes pour être décollées de ma chaise. Tant pis, je restai dans la classe. Murielle et Anne-Marie y restèrent aussi. Nous voici donc, une nouvelle fois, toutes trois réunies dans la classe vide.
Murielle et Anne-Marie regardèrent par la fenêtre et se dirent entre elles :
« Regarde-la passer, la tête haute, au milieu de ses courtisanes ! Comment elles lui font du gringue ! C'est pitoyable. »
Me sentant indéniablement dans leur camp, j'allai les voir et elles me firent part de leur point de vue.
Selon Murielle et Anne-Marie, l'intention de Laurence était de dominer, de régner en maître sur tout Voisenon. Elle se servait de la situation pour se mettre l'élite dans sa poche. Si elles (Murielle et Anne-Marie) ne parvenaient pas à la vaincre maintenant, tout le monde la craindrait, tout le monde lui serait soumise ; d'abord parmi les cinquièmes puis, au fur et à mesure que nous monterions les classes, sa domination deviendrait totale. Alors, elle pourrait imposer ses lois et sa mentalité à tout Voisenon ; elle serait la reine et malheur à qui ne ferait pas partie de sa cour ! Il fallait l'en empêcher, la court-circuiter, maintenant ou jamais.
« Mais tu nous fayote pas, cette fois, hein ! Tu vas pas lui rapporter c'qu'on t'a dit !
- Mais nan. Chuis dans vot'camp. »
Quand la pluie rassembla à nouveau tout le monde dans la classe, Laurence avait une nouvelle stratégie : cette fois, elle ne s'attaquait qu'à Anne-Marie. Si Murielle s'approchait, Laurence la repoussait violemment et fonçait droit sur Anne-Marie.
Anne-Marie se défendit vaillamment. Cela dura le temps de deux, trois, quatre récréations ? Et puis, un moment, pendant la bagarre, Anne-Marie se trouva dos au mur ; Laurence l'attrapa par les cheveux pour lui secouer la tête, qui heurta trois fois le mur.
Là, indéniablement, cela dépassait les limites de ce qui pouvait se concevoir dans une bagarre de cour de récréation, a fortiori dans une école de jeunes filles tenue par des religieuses - ne serait-ce que par respect envers les bonnes sœurs - et Laurence s'en prenant à plus petite qu'elle.
Anne-Marie quitta le combat, sonnée. Alors, Laurence, avec toute la grâce d'une mégère grossière, lui lança :
« Ça y est ? T'as ton compte ? »
Le lendemain, en arrivant à l'école, Murielle avait changé de coiffure : au lieu d'avoir, comme les autres jours, deux tresses, une de chaque côté, elle en avait une seule derrière le dos. En revanche, Laurence, sûre d'elle et voulant paraître coquette, avait regroupé ses cheveux courts en deux petites couettes. Une idée de ses élégantes courtisanes ? Va savoir !
À la récréation de 10h, je ne sais pas quel temps il faisait dehors ; nulle ne s'en soucia. Seule la prof sortit à la fin du cours. Les filles de devant se reculèrent pour laisser le champ libre, celles de derrière s'avancèrent pour mieux voir le combat final qui devait s'engager.
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LA PRINCESSE DANS LE DONJON
Non-FictionDeuxième partie de : SEX AND DESTROY Un nouveau son rock ?