Le royaume d'Atoerrhi : Nina

Chapitre 36 : convalescence

Les jours passèrent sans que la reine ne pose plus le moindre problème à Nina. Cependant Deyeva n'avait pas découvert la clémence. Comme toujours, elle y voyait plutôt son intérêt.

La façon dont elle avait traité Nina durant le diner puis le guet-apens avait fait le tour du château avant de se répandre dans la ville. Cela n'avait pas tardé à courir de villages en villages et de grande métropoles en grandes métropoles. Pour beaucoup, la terrienne ne serait probablement pas partie se promener si Deyeva ne l'avait pas humilié. La souveraine devenait, pour l'opinion publique, complice de tentative de meurtre par négligence.

Khalil partait tôt le matin pour s'entrainer et ne revenait que tard le soir. Il avait trouvé à son amie un carnet et des crayons pour qu'elle puisse s'occuper. Nina y passait des heures, immortalisant le château, les dragons, la bahild, les daphaines,... Puis elle avait décidé de croquer les personnes : Yhana en premier, puis Ezéo et aussi Priam. Elle se créait des souvenirs dans l'espoir qu'un jour elle en aurait besoin sur Terre.

Yhana lui tenait compagnie presque toute la journée. La sergente se remettait difficilement d'avoir failli la perdre.

Lorsque Khalil rentrait enfin le soir, la chambre s'animait. Priam, Ezéo et Yhana partageaient le diner avec eux. Les deux Soigneurs se chamaillaient sans cesse ne se supportant pas. Mais ils s'efforçaient de ne pas être trop méchants par respect pour les autres.

Les rires et les conversations emplissaient la chambre pendant environ une heure. Même Nina supportait ces interactions sociales. Elle n'avait jamais vraiment eu d'amis, alors un groupe lui paraissait complètement irréel.

Souvent elle restait en retrait à la fois présente mais complètement ailleurs. Tous ses sens se brouillaient et elle n'était plus capable d'être réellement dans l'instant. Généralement ces moments la protégeaient des surcharges. Mais parfois des doutes surgissaient dans ce calme intérieur qu'elle réussissait à se créer.

Elle avait parfaitement conscience que sans ses pouvoirs, qu'elle ne maitrisait pas, elle n'aurait probablement pas le droit à ces belles amitiés qui s'offraient à elle. Elle représentait juste une intrigante anomalie à protéger. La simple Nina, celle d' avant, celle qu'elle aimerait redevenir, n'aurait jamais attiré autant d'attention. Elle serait restée celle qu'on oublie, qu'on rejette ou encore qu'on méprise. Elle posait alors ses yeux sur ces personnes qui paraissaient tenir à elle avec un pincement au cœur.

Les cauchemars s'invitaient chaque nuit sans aucune exceptions. L'agonie de ses parents, puis sa fuite dans le couloir fleuri. A chaque fois elle en voyait un peu plus. Le sang sur ses mains venait de son épaule, une blessure par balle. La douleur bien qu'atroce lui permettait de rester consciente.

Mais elle perdait trop de sang. Elle savait qu'elle ne quitterait jamais ce château vivante. Par la fenêtre, en plus des incendies, elle apercevait des centaines de daphaines.

La dernière fois, elle s'était réveillée avant de s'engager dans l'escalier de service.

Cette nuit ne fit pas exception et, comme d'habitude, son rêve dura un peu plus longtemps. Elle mit ses mains pleines de sang sur la rambarde et descendit quelques marches.

Mais soudainement des bras puissants l'attrapèrent. Un sur le ventre pour la trainer en arrière et une main sur la bouche pour l'empêcher de crier.

Elle se réveilla en hurlant et en tordant les draps. Khalil l'étreignit immédiatement. Les autres fois, l'enlacement la calmait. Cependant à cet instant, elle se sentait toujours dans son cauchemar, entravée par l'inconnu qui l'avait agrippé, et elle repoussa Khalil.

— Encore un mauvais rêve ? interrogea-t-il.

— Oui, toujours le même. Je suis désolée de t'avoir réveillé.