Chapitre 38

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Je n'ai pas besoin de tourner le visage pour comprendre qu'Alexia nous a rejoint. Encore un peu absorbée parce qu'il s'est passé quelques minutes avant, je ne réalise pas tout de suite qu'elle demande des comptes à son frère.

— Alexia, soupire son frère. On doit rentrer.

— Non, s'oppose-t-elle, toujours aussi imperturbable. Je veux que tu me répondes Alex. Je suis ta sœur, ta jumelle ! Et pourtant...pourtant tu m'as caché quelque chose.

Son regard est aussi dur qu'un morceau de pierre taillé et je déglutis, coulant un regard vers son jumeau. Après ce qu'il s'est passé, un affrontement entre les deux n'est clairement pas la meilleure option possible. Mais est-ce que je peux vraiment y changer quelque chose en intervenant ? Sauf que je ne suis pas certaine d'avoir l'esprit clair quand je continue de faire une fixette sur les lèvres d'Alex qui se retroussent. Je détourne aussitôt le regard, comme prise en flagrant le délit avec le cœur qui bat la chamade si fort. Malheureusement, mon bras me rappelle à l'ordre et je me rappelle de la morsure. La douleur afflue et gravite autour de mon membre et je serre les dents, la gorge serrée. Je le lève un peu, mais je n'ose pas regarder.

— Écoute Alexia, reprend le jeune homme en soupirant. Je t'expliquerai quand on sera rentré d'accord ?

— Mais pourquoi...

— On est pas en sécurité ! Tu ne comprends pas Ale ? On vient de se faire attaquer et j'ai dû tous les tuer. Merde ! Grandis un peu !

J'écarquille des yeux car je ne crois pas l'avoir déjà vu dans un tel état de colère pure. Il grogne puis me dépasse pour se diriger sûrement vers l'entrée de la meute tandis que la lèvre inférieure d'Alexia tremble, sur le point de fondre en larmes. Il est dans une colère noire et je ne sais pas du tout comment va se terminer cet effrontement silencieux.

— Allez viens Alexia, je lui chuchote.

Je ne sais pas quoi dire pour la réconforter mais Alex n'a, depuis le début, pas tout à fait tort. Je m'abstiens donc au risque de l'agacer ou de la faire pleurer encore plus et lui prend la main pour qu'elle avance, en ignorant la douleur qui picote toujours dans mon bras. Elle n'émet aucune réserve et me suit sans relever la tête une seule fois. Au bout de je ne sais plus combien de temps, j'en vois enfin le bout quand j'aperçois l'arrière de la maison de mes amis.

Alex nous attend déjà, le regard aussi fermé que quand nous sommes allés sur la tombe de sa mère. Alexia, elle, se rue vers l'entrée sans un mot de plus et disparaît tout simplement. Je soupire et grimace car je sais que ces disputes et ces rebondissements auront bientôt raison de moi.

Alexander me tend le sac qu'il a pris plus tôt avec un petit commentaire :

— Tes livres n'ont rien.

Comme si j'en avais quelque chose à foutre dans un moment pareil ! Je me mords la lèvre mais ne rétorque rien car ce serait simplement contre-productif. Il est en colère et si je commence à me disputer avec lui, je ne suis pas sûre de m'en sortir sans avoir le cœur en morceaux. Je hoche la tête pour lui signifier que j'ai compris et le suit quand il rentre dans la maison. Tandis qu'il monte les escaliers, je reste au rez-de-chaussée, pensive, le ventre aussi tordu qu'un nœud. Je ne sais pas où est partie Alexia mais je suis presque sûre qu'elle est allée se défouler dans la forêt, à l'intérieur du dôme évidemment.

Quel euphémisme alors qu'il y a à peine une heure, nous nous battions pour rester en vie face aux hommes de Léo. J'en ai encore des frissons quand j'y repense et je frissonne malgré l'absence évidente d'un quelconque danger. Je ne me sens pas en sécurité, ni ici ni nulle part mais dehors, ce sentiment s'est intensifié jusqu'à faire son cocon dans ma poitrine pendant de très longues minutes. Mes yeux me piquent mais je refoule les larmes qui pourraient dévaler mes joues et pose le sac contenant mes précieuses lectures.

          

J'allais me prendre un verre d'eau quand j'entends un bruit de porte. Je me penche par dessus le plan de travail pour savoir qui est rentré quand je vois Kaïn et Jam pénétrer dans la cuisine affiliée au salon.

— Ah vous êtes là ! s'exclame l'un des jumeaux que je reconnais comme Kaïn grâce à ses pupilles marrons.

— Euh...salut les garçons, je réponds non sans presque grimacer.

— On a vous cherché partout ! Papa est stressé comme pas possible et a envoyé tout le monde vous chercher.

Je déglutis difficilement tandis que la chaleur de la pièce semble augmenter d'un coup et je me retiens de m'éventer. S'ils ont eu vent de notre petite sortie clandestine, je ne me sens pas de taille à mentir ni à subir et surtout pas après ce qu'il s'est passé. Malheureusement, ici, il se passe forcément quelque chose.

Je n'ai pas le temps de répondre que Kaïn envoie son frère jumeau chercher Rodric pour le prévenir que nous sommes revenus puis il se retourne vers moi, le regard droit et bien déterminé à me faire parler.

— Alors ? Vous étiez où ?

— Euh, je, balbutié-je sans savoir quoi répondre.

Je me trahis, je les trahis en ce moment même, je le sais mais je suis incapable ne serait-ce que de le regarder yeux dans les yeux et de prononcer un mensonge qui en ferait tiquer plus d'un.

— Léa, reprend le frère d'Alex d'une voix plus douce, fais-moi confiance, je dois juste sa...

— Laisse-la tranquille, intervient une autre voix grave mais toute aussi imposante.

Je me retourne à la seconde près vers la voix tandis que le jumeau aux yeux marrons lève simplement la tête vers un Alex toujours aussi en colère au vu de ses sourcils froncés.

— T'es enfin là, fait remarquer le jumeau.

— Oui, je vous ai entendu. On était simplement se promener à trois dans la forêt, soupire Alexander.

— Ne me mens pas, Alex. Je sais très bien que c'est faux, papa a ratissé toute la forêt et aucune trace de vous trois. Je te préviens, il va arriver ici furieux et je te conseille de lui dire la vérité. Et où Alexia ?

— Dehors..., je réponds d'une toute petite voix avant de me coller contre le mur, me faisant toute petite.

Je hais les affrontements et comme ceux de cette journée n'avait pas suffi, celui nous opposant à Rodric arrive à grand pas. Déjà, des gouttes de sueurs coulent de mes tempes et j'ai de grosses bouffées de chaleur qui me mettent terriblement mal à l'aise. Tout ce que je peux faire, c'est une grimace.

Je me demande comment ça va se passer avec l'Alpha avec une grande appréhension qui me tord l'estomac mais la réponse n'attend pas quand la porte s'ouvre de nouveau en claquant furieusement contre le battant. Je sursaute au bruit bruyant, me ratatine encore plus contre le mur et rentre la tête dans les épaules. Je ne suis pas du tout courageuse quand il s'agit de m'opposer aux adultes. Je me mords ostensiblement la lèvre inférieure et coule un regard vers Alexander où son visage est aussi froid qu'un bloc de glace gisant en plein milieu de l'Antarctique.

Comment peut-il ne rien laisser paraître ? Car je suis certaine, qu'au fond, il brûle encore de colère après ce qui s'est passé. Ça ne risque pas de passer de si tôt, autant pour lui que pour moi. Je me souviendrai sûrement toute ma vie le jour où j'ai risqué de me faire enlever et mon bras entre les gueules de ce loup, qui me fait d'ailleurs, toujours aussi mal.

Mon bras !

En écarquillant des yeux, les lèvres serrées, je cache derrière moi mon bras mordue et prie pour que personne ne remarque ni l'élancement qui me touche ni ma peau sûrement lacérée. Je ne peux pas savoir puisque je n'ai toujours pas jeté un coup d'œil et je doute vouloir regarder malgré la douleur. Par chance, les jumeaux tout à l'heure ne m'ont même pas inspecté, sûrement trop concentré sur mon visage pour y déceler quelque chose.

La Malédiction de La Luna (S1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant