Pomfresh lui donna aussitôt un peu d'ambroisie à grignoter. Aymee reconnut rapidement le goût des biscuits-sandwiches-chocolat-guimauve qu'elle se faisait avec son père.Pour autant, Aymee ne se laissa pas déconcentrer.
- Qu'est-ce que vous avez dit?
- Étendez-vous donc, lui dit doucement Pomfresh.
- Non! Je veux savoir ce qu'il a dit.
Aymee repoussa Pomfresh du mieux qu'elle put et tenta de sortir du lit. Elle amorça à peine le mouvement qu'une douleur aiguë lui perça la cheville droite. Aymee serra les dents et se laissa tomber sur l'oreiller.
- Vous voyez? lui dit Pomfresh en remontant sa couverture. Il ne faut pas bouger. C'est douloureux de faire repousser des os à partir de la moelle.
Aymee jeta un regard à sa cheville, qui était aussi bien emballée qu'un cadeau de Noël. Elle grogna malgré elle.
- Je veux au moins m'assoir.
Pomfresh soupira, mais plia tout de même à la demande de sa patiente. Une fois bien installée, Aymee accepta de grignoter un autre morceau d'ambroisie.
- J'étais évanouie longtemps?
- Deux ou trois heures, l'informa McMahon en s'approchant de son lit.
- Vous avez dit que vous lui avez effacé la mémoire?
Pomfresh lança également un regard inquisiteur à l'enseignant. Ce dernier ne broncha pas.
- Tu le sais aussi bien que moi, Parker. La vérité est trop lourde pour les mortels. Mieux vaut qu'ils oublient.
- Mais ça ne la guérira pas! intervint Pomfresh. La pauvre ne saura même pas pourquoi elle a perdu la tête!
Le directeur tenta d'intervenir.
- Du calme, Pompom.
- Non Albus! Je suis désolée, mais il aurait dû me l'emmener directement! Elle est fichue, maintenant! Que va-t-on dire à ses parents, mmh?
- Que c'était une jeune sorcière trop curieuse qui fut victime de son propre sort, dit McMahon sans battre d'un cil. De confusion ou d'oubli, vous avez le choix. De toute façon, nous ne devrions pas parler de ça maintenant.
- Pardon? s'offusqua l'infirmière. Miss Chevalier-
- N'ira pas plus mal, la coupa McMahon. Et tout ce chinchouin administratif pourra se faire plus tard. Moi ce qui m'intéresse, c'est de savoir ce qui a bien pu te passer par la tête?
Les petits yeux noirs de McMahon s'arrêtèrent sur Aymee. Elle cligna des yeux.
- Quoi?
- Par les Dieux! s'exclama l'enseignant. Comment as-tu pu garder ça secret? Une élève te colle aux basques pendant presque deux ans et toi tu ne dis rien? Nous en avons déjà discuté, Aymee!
La respiration d'Aymee se coupa nette. Elle pouvait sentir les regards des adultes la disséquer. Aymee serra ses draps entre ses doigts.
- Elle... Je...
- Quoi? insista l'enseignant. Je t'ai déjà dit de venir me voir si tu avais ce genre de problème, et que tu ne pouvais pas tout faire seule! Je lui aurait effacé la mémoire avant qu'elle ne se brise entièrement l'esprit et nous n'en serions pas là. Regarde dans quel état elle est, maintenant!
Il couronna le tout d'un geste quasi-théâtrale pour désigner Annelise, qui était étendue dans un lit d'en face. Aymee sentit une boule lui brûler la gorge et ses yeux la démangeaient.
- Mais elle n'avait aucune preuve ni rien, tenta de se défendre Aymee. Elle aurait juste fini ses études et on ne se serait plus jamais croisé...
- Di Immortales! rugit presque McMahon en se prenant la tête. (Il la pointa ensuite d'un doigt accusateur) Franchement, Aymee! Je te pensais plus réfléchie que ça! C'était bien trop risqué comme manœuvre!
Aymee sentit les larmes dévaler ses joues. C'était vraiment injuste. Elle voulait juste épargner tout le monde, alors comment les choses avaient-elles pu dégénérer de la sorte? L'enseignant qu'elle admirait le plus la rabaissait plus bas que Terre, Pomfresh avait pitié d'elle et le directeur était témoins de tout ça, alors Kingsley et Chiron allaient forcément être mis au courant. Son parrain allait l'avoir, la preuve qu'il fallait vraiment lui attitrer une espionne. Le regard d'Aymee finit par accrocher celui d'Hepzibah, qui était assise sur le lit d'en face. La Poufsouffle semblait aussi désemparée qu'elle, mais Aymee s'en fichait. Elle lui jeta un regard noir.
- Pourquoi es-tu allée la voir! cracha presque Aymee. Je t'avais dit de tout garder secret, mais toi tu... Tu! Argh!
Aymee arracha son oreiller de derrière elle pour le balancer sur Hepzibah, qui le reçu en pleine tête. Pomfresh s'interposa aussitôt.
- Oh que non! Pas de violence ici!
Hepzibah jeta l'oreiller par terre. Elle était aussi frustrée qu'Aymee.
- Fallait régler le problème! siffla Hepzibah. En plus c'est même pas ma faute, c'est celle du prof!
La Poufsouffle pointa McMahon du doigt. Aymee fronça les sourcils. Elle regarda l'enseignant, pour tenter de savoir s'il savait ce qu'Hepzibah voulait dire, mais il semblait tout aussi confus que les autres personnes présentes.
- Quoi? dit Aymee. Mais de quoi tu parles?
- La psychopathe portait la Marque! expliqua rageusement Hepzibah. C'est de sa faute si tout a dérapé!
McMahon pâlit de deux ou trois teintes. Dumbledore s'avança.
- Dans ce cas je suis tout aussi responsable, Hepzibah. Je n'ai pas trouvé de moyen de l'annuler non plus.
- Mais non! râla la Géante. C'est lui qui a lancé la malédiction! C'est de sa faute!
Il y eut un hoquet de stupeur général. Aymee ricana. Ses yeux alternaient entre Hepzibah et McMahon.
- Mais bien sûr. C'est sa faute maintenant. Toujours celle de l'adulte, c'est ça?
- Non! ragea presque Hepzibah en s'arrachant des cheveux. C'est lui qui a créé la Marque! T'as pas dit que c'était un fils de Némésis? Le karma, la balance, tout ça... Tu pensais vraiment qu'un élève aurait pu créer une malédiction comme ça!?
Hepzibah désigna la Marque sur la main d'Annelise. Aymee perdit son sourire pour de bon. Un frisson la parcourut et elle se revit à différents moments de l'année : quand elle discutait du potentiel coupable avec Duncan, quand McMahon l'avait interrogé, l'avertissement d'Annelise...
Aymee secoua la tête en clignant des yeux.
- Mais... Mais Annelise a dit qu'elle avait entendu des élèves en parler à l'avance...
- Ah bon? Elle a dû entendre des Poufsouffle alors.
- De quoi parles-tu, Hepzibah? intervint soudain Dumbledore.
McMahon s'avança, le dos droit, mais les poings serrés. Il avait l'air d'un homme venant plaider coupable à la barre.
- Les élèves de Poufsouffles sont venus me voir au début de l'année, il expliqua. Pas tous, mais une bonne partie d'entre eux. Ils en avaient marre d'être les souffres-douleurs des autres maisons et m'ont demandé s'il existait un moyen de punir tout le monde de façon équitable et juste. S'il y avait un sort contre les intimidateurs.