Deserve Your Seat [66]

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- Qu'est-ce qui vous différencie de vos collègues selon vous ?m'interroge l'intervieweur.

Je trace un nouveau trait sur la feuille à côté de moi. On est à onze. Onze différentes manières de me poser la même question ; « Tu penses vraiment mériter ta place ? »

- Deux chromosomes X.

Point pour moi. Je devrais marquer les réponses toujours plus créatives.

- Aller ! Plus sérieusement Joceline !

- Tout d'abord, c'est Jos. Ensuite, je pense que la seule différence entre eux et moi est que moi, on me pose justement ce genre de question.

A peine ai-je fini ma phrase que ma community manager, Carmen, bondit de son siège à l'avant pour me lancer un regard meurtrier.

- Nan, plus sérieusement, je sais que j'ai bien plus de chose à prouver qu'eux si je souhaite rester en formule un. Et c'est quelque chose de tout à fait normal, si j'ai eu tant de mal pour arriver jusqu'ici c'est pour une raison. Je dois redoubler d'effort.

Carmen redescend doucement sur son siège, me gardant toujours au coin de l'œil. Beau rattrapage.

- Lorsque vous dites cela, vous insinuez que les femmes sont inférieures aux hommes sur le plan performance ?

- Pas forcément. Je parle aussi du plan économique, beaucoup moins de sponsors sont près à s'engager avec des femmes. Les jeunes filles sont bien moins poussées dans cette direction. Beaucoup arrêtent en cours de route à cause des critiques de la société.

- Vous devez donc être forte mentalement ?

- Rien ne me permet d'affirmer que j'arriverai à supporter toutes ces critiques. Vous pouvez savoir que si je quitte un jour la formule un de mon plein gré, ce ne sera jamais un besoin physique mais mental.

- Je ne suis pas sûr que dire que vous n'êtes pas sûre de tenir le coup lors de votre début en formule un est très avisé.

- Monsieur, je ne suis pas en essai. Je serai là jusqu'à la fin de mon contrat quoi qu'il arrive. Je ne suis pas menacée par un départ. Je suis déjà là. Une grande partie est déjà derrière moi.

En me retournant, j'aperçois Charles me tendre une pancarte avec un pouce en l'air : « Confidence ».

- Excusez-moi, pouvez-vous répétez la question ?demande-je n'ayant pas écouter.

Et un nouveau bâtonnet.

Je compte le score à l'issu de la confrontation ; treize à six pour lui. Je dois améliorer ça.

- C'est quoi ?demande Carmen en se penchant sur la feuille des comptes.

- Ça, c'est les différentes manières de me dire que j'ai rien à foutre là, ça, c'est le nombre de réponses créatives de ma part pour éviter la violence. Et encore, c'était au téléphone.

Elle lève les yeux au ciel et retourne au travail. Bah quoi, c'est elle qui a posé la question.

Je passe le reste du trajet à dormir dans diverse position, ma musique me détruisant les tympans.

-... qu'est-ce qui s'est passé encore ?

- Quatrième c'est bien ! C'est même génial... Tu te rends pas compte.

- Bien sur que si j'me rends compte. J'me rends bien compte que tu vas pas plus loin. T'es dans une Ferrari et t'es pas foutu d'atteindre le podium !

- T'y comprends rien...