Chapitre 20

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Le temps avait filé à une allure folle et ils ne l'avaient pas vu passer. Collés l'un à l'autre, comme si c'était désormais leur unique option, ils prenaient le temps d'enfin parler. Pas de parler du quotidien ou d'autre inepties, non. Parler d'eux, extérioriser leurs émotions, se confier, s'écouter. La glace avait été brisée par le simple fait que Mathieu s'était manifesté, ils étaient libérés, un peu décomplexés et prêts à avancer. De toutes manières, ils n'avaient pas le choix. L'un sans l'autre, leurs vies n'avaient plus aucune saveur, ils l'avaient suffisamment expérimenté pour comprendre qu'il fallait vraiment que ça cesse. Ils avaient bien compris que quoi qu'il arrive, quoi qu'ils fassent, ils ne pourrait regoûter au bonheur et à la légèreté qu'à l'unique condition d'être réunis.

Léo lui racontait son arrivée en Argentine, détaillant presque jour après jour son séjour jusqu'à son retour dans la capitale. Elle mettait l'accent sur cette période d'errance, durant laquelle son esprit avait été trop torturé pour pouvoir faire preuve d'un raisonnement normal. Elle lui parlait de Milo, des progrés qu'il avait malgré les circonstances, des mots qui avaient été les siens lorsqu'il avait parlé de Mathieu, et d'à quel point il avait été le centre de leurs pensées. En revanche, jamais elle n'essayait de se dédouaner ni d'alléger ses responsabilités.

Mathieu, de son côté, lui expliquait toutes ces fois où il avait rêvés qu'ils soient à ses côtés. Il se confiait sur le manque, sur les cauchemars qu'il avait fait, sur sa descente aux enfers. Il exposait ses sentiments, parfois contradictoires, oscillant entre la haine et la peine, avec la volonté de faire comprendre que, peu importe la manière, il n'avait jamais réussi à la sortir de sa tête. Il lui parlait des erreurs qu'il avait faites, personnelles et professionnelles, trop pertubé pour rester lucide. En revanche, jamais il n'essayait de la pousser à la culpabilité.

Chacun à leur tour, ils exposaient leurs anecdotes, leurs ressentis, et même s'ils n'abordaient que des points douloureux, c'était un soulagement extrême. Les barrières avaient sauté, et si ça n'effaçait rien, ils étaient capables de laisser de côté toute animosité et toute fierté, pour rendre la discussion constructive. Il leur semblait primordiale de détailler à l'autre les évènements qu'il avait raté, comme pour combler encore un peu plus le vide qui les avait séparés. Chacun prenait conscience de ses propres failles, de ses responsabilités, et de la douleur de l'autre.

Le ventre de Léo se tordait quasiment systématiquement lorsque Mathieu prenait la parole, rongée par les remords, mais parvenait à garder le cap.

Le pouce de Mathieu qui caressait tendrement son épaule y était pour beaucoup, tout comme son odeur qui s'infiltrait dans ses narines, et les battements de son cœur qui rythmaient les siens. La conversation était grave, presque dramatique, mais c'était beau. Parce que pour la première fois depuis des mois, ils étaient enfin réunis, avec la ferme volonté de continuer ensemble.

- C'était long, sans toi, avouait Léo en relevant les yeux vers son visage.

- J'aurais du comprendre avant... Il expliquait en haussant les épaules nonchalamment.

- Comprendre quoi ?

- Bah que j'arrive pas à vivre sans toi... Il avouait sans rougir. Je peux pas oublier ce qui s'est passé t'as vu, c'était tellement dur que j'oublierai jamais. Mais rester loin de toi, c'est double sanction.

- Tu crois qu'on pourra un jour retrouver notre vie d'avant ? Demandait Léo, d'une voix presque enfantine.

- Je sais pas. J'aimerais... En tout cas, je suis archi mieux maintenant que t'es là. Et j'espère que ça va continuer comme ça.

La réponse convenait plutôt bien à Léo. Elle n'était pas suffisamment naïve pour imaginer tirer un trait définitif sur le passé en un claquement de doigt, mais elle comprenait pour autant la volonté de Mathieu de tout mettre en œuvre pour que leurs vies puissent encore se mener côte à côte. C'était ce qu'il y avait de bon, dans leur conversation et dans le moment qu'ils étaient en train de vivre. Ils étaient honnêtes, francs, osaient se dire les choses telles qu'elles étaient. Ils avaient tous les deux pris le parti de se dire la vérité, sans se promettre monts et merveilles, sans se jurer l'impossible. Quand Mathieu lui expliquait qu'il ne pouvait pas oublier, il insinuait en parallèle qu'il était prêt à essayer de reconstruire leur relation malgré tout, sans jamais nier leur passé et leur vécu. Et pour Léo, c'était limpide. Mieux encore, ça la rassurait. Leur couple avait été une extraordinaire bulle de tranquillité, et il lui laissait la possibilité, en faisant preuve d'autant de maturité et d'affection, d'entrevoir un avenir aussi apaisé.

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- Je voudrais rester là encore des heures et des heures... Murmurait Léo, qui avait bien du mal à s'imaginer se coucher seule dans ses draps.

- Tu pourrais...

- Il vaut mieux y aller doucement non ?

- Ouais... Mais j'ai pas envie que tu bouges non plus.

- Si t'es ok, on peut essayer de se prévoir quelque chose dans la semaine ? J'veux dire, sans que tu débarques par surprise pour m'enlever ?

Léo terminait sa phrase le visage relevé vers celui de Mathieu, accompagnant ses mots d'un rire cristallin qui lui faisait chavirer le cœur. D'un geste adroit, il relevait encore un peu plus son menton du bout de son index. Sa bouche était désormais à sa portée, ses yeux alternaient entre ses iris claire et ses lèvres, et il ressentait l'envie irrépressible de se lier à elle. Lentement, il approchait son visage, sa paume désormais posée sur sa joue, et l'embrassait tendrement. Quelques heures avant, il avait eu l'occasion de revivre cette magie, mais ça n'enlevait rien à la puissance de ce baiser. Ils revenaient à l'ère de leurs premiers émois, essayant de dompter autant qu'ils le pouvaient les crépitement incessants dans leur ventre. C'était une véritable armée de papillons qu'ils devaient apprivoiser, comme si c'était la première fois.

Le désir venait de naître en eux. Les souvenirs de leurs moments de passion se ravivaient sans mal, mais au fond, ce n'était pas de ça, dont ils avaient vraiment envie. Tous les deux avaient la volonté de prendre leur temps et il était hors de question que leurs retrouvailles charnelles aient lieu en vitesse, sur un coin de canapé. Ils savaient tous les deux qu'ils ne dormiraient pas ensemble ce soir là, et il était évident que le déchirement aurait été trop rude s'ils avaient du se résoudre à se séparer juste après avoir regoûté au plaisir de leurs corps. Alors à contre coeur, ils finissaient par se séparer, s'offrant mutuellement un sourire franc et heureux. Ils reprenaient leurs discussions, avec la ferme volonté d'aborder des sujets moins lourds et plus gais.

Les mots qui avaient été prononcés ce soir-là étaient d'une importance capitale, et ils savaient pertinemment qu'ils étaient le ciment de leur nouvelle relation. Jamais ils ne pourraient oublier cet échange, tant il était fondamental et réparateur, mais ils voulaient désormais laisser place à l'insouciance. Ils avaient procédé à des mises au point nécessaires, mais serrés l'un contre l'autre, ils prenaient le parti de profiter simplement de leur proximité. Sans tout à fait le réaliser, ils bâtissaient les nouvelles fondations de leur relation. Solides, honnêtes et fiables.

******

- Tu veux que je te ramène ? Il proposait en la voyant bailler et lutter pour que ses yeux ne se ferment pas tout seuls.

- Je veux bien...

- Sinon tu dors ici ? Il proposait, connaissant cependant sa réponse.

- Pas du tout raisonnable ça... Je suis partie pour un resto, je veux être rentrée avant que Milo se réveille. Ca sera déjà miraculeux s'ils ne se doutent de rien...

- Ok, pas de problème. Il acceptait sans rouspéter, la gratifiant d'un baiser chaste sur la tempe.

- On dit rien pour cette soirée, hein ? 

- C'est mieux, je crois. J'ai pas envie que tout le monde s'alarme...

- Et puis, je veux pas donner de faux espoirs à Milo.

- On est d'accord, alors.

Les faux espoirs, elle ne voulait pas se les faire elle-même, il était donc complètement impensable de laisser Milo tirer des plans sur la comète. Rien n'était sûr, ni acté, ni définitif. Le chemin était encore long, et venaient tout juste de l'emprunter. Et ils n'avaient pas besoin que qui que ce soit ne vienne s'immiscer dans ce processus. Aïssa, Madame Michel, Françoise, les amis de Mathieu, étaient tous des gens censés et bienveillants, mais il était évident qu'ils avaient tous leur opinion et n'allaient pas se priver de leur en faire part. La discrétion était pour l'heure la meilleure solution, pour pouvoir se concentrer uniquement sur eux-mêmes.

SOLEIL DE DÉCEMBRE [PLK]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant