Chapitre 20 : Le soleil de la nuit

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— AUKAI — 


Quand je frappe à la porte de Neven pour le retrouver dans sa chambre, il s'affaire à accrocher des posters aux murs. Il a dû commander ça pour oublier la morosité de l'endroit. Parce qu'il manque cruellement de couleur pour un type qui a toujours de la peinture plein les doigts et le cœur.

Je pousse sa porte et entre dans la pièce les bras chargés d'un cadeau que je trépigne de lui offrir. Il braque sur moi ses grands yeux verts, injectés de rouge pas la fatigue et l'anxiété. Je le vois à son tic de se gratter les peaux mortes de son pouce. Il a des pansements à motifs sur six doigts. Son sourire est tristoune, mais il est quand même revenu d'entre les morts.

— C'est Maguy qui me les a donnés, se justifie-t-il en désignant les posters. Pour... éviter que les cauchemars viennent dessus.

Cette fois, il parle du mur.

— Ils viennent sur les murs ?

— O-Ouais.

Je lui offre un sourire à mon tour et ça le déroute. Il agite ses cheveux d'une main. Elle est tachée de rose saumon.

— On a fait un atelier peinture, j'avais la flemme de me laver les mains. Tu vas bien ? T'as l'air crevé.

Je crois que ma fatigue est inscrite sur ma tête de sale con. Parce que je me suis engueulé avec ma sœur, que j'abandonne mon père avec son agonie, et que je ne suis pas foutu de voir les signes d'un type dépressif. Peut-être que si j'avais mieux pris ses paroles au sérieux, Neven serait pas dans cet endroit. Peut-être qu'il serait avec moi.

Je déraille.

— Euh... ouais, ça va, finis-je par répondre. C'est plutôt à toi qu'il faut demander ça.

— Ça va.

— Quoi, c'est tout ? Attends, t'as sûrement plein de trucs à raconter, nan ?

— Ouais, mais c'est pas inté...

— C'est intéressant pour moi, le coupé-je. Mais avant que tu me racontes tout, j'ai un truc pour toi.

— Une stabilité mentale ?

— T'es con, plaisanté-je.

Une ébauche de rire naît sur son visage. Je retire le paquet cadeau de mon sac pour lui tendre. Il me regarde en fronçant les sourcils et sans oser l'ouvrir.

— Pourquoi ?

Il a presque murmuré ce mot. Les cadeaux ne devaient pas faire partie de son quotidien.

— Parce que j'avais envie de te faire plaisir.

Neven se mord la lèvre, où il a déjà planté ses dents la veille. Foutu tic qui le prend sans arrêt. Sans un mot, il déchire le papier avec une drôle de douceur, comme s'il ne voulait pas trop abîmer l'emballage. Un emballage fait en deux minutes, avec un vieux rouleau doré parcouru par des sapins verts. Il est hideux, maintenant que j'y pense.

— Aukai ?

— Hein ?

— Là, c'est toi qui étais parti, me taquine-t-il.

Il y a de l'humour dans sa voix, sauf que ses yeux sont mouillés. Son sourire lui dévore les joues, pendant qu'il reluque les tubes de peinture acrylique que je lui ai dénichés.

— C'est pour que... le séjour ici te paraisse moins long. J'ai apporté des toiles aussi pour...

J'émets une espèce de couinement quand Neven fond sur moi et me serre contre lui.

L'océan du ciel [MxM Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant