Partie 13 - Chapitre 3 : L'adolescence (6/7)

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L'ATTIRANCE, LA LUXURE, L'AFFECTION, LA COMPLICITÉ ET LA LOYAUTÉ DE L'HOMME


« L'amour ? » reprit Alegria en ouvrant de grands yeux brillants. « L'amour des hommes et des femmes qui veulent vendre ou acheter l'amour est toujours sous conditions, » continua-t-elle sérieusement en levant son index au plafond. 

« Ce n'est pas l'amour qu'il faut chercher Borys, tu l'as déjà. On l'a tous en soi. Il scintille comme une lumière à l'intérieur de nous et c'est ce qu'on peut voir de beau parfois chez les autres, comme notre propre reflet dans un miroir, » commença-t-elle avant de poursuivre : 

« Par contre ce qui manquera toujours dans la vie d'un homme ou d'une femme ce sont l'attirance, la luxure, l'affection, la complicité et la loyauté d'un autre. Quand on est seul l'expression et l'expérience corporelles humaines ne sont pas les mêmes. »

« C'est quoi la différence ? » demandai-je intéressé.

« Quelle différence ? » fit-elle en fronçant les sourcils.

« La différence entre l'attirance, la luxure et je n'sais plus quoi ? » demandai-je avec impatience.

« Ah oui... ce ne sont pas des choses qu'on explique, on en a juste plutôt l'expérience, » commença-t-elle avant de reprendre immédiatement :

« Mais, pour répondre très simplement à ta question : l'attraction, c'est quand on trouve quelqu'un beau par l'apparence ou par le caractère et qu'on veut s'en approcher ; la luxure c'est quand on veut assouvir nos propres besoins sexuels avec le corps de quelqu'un d'autre ; l'affection c'est un peu comme la compassion ; la complicité c'est comme l'amitié mais en beaucoup plus fort ; et la loyauté c'est de rester fidèle à ses promesses envers soi-même et les autres. »

Elle s'arrêta net et resta silencieuse longtemps à me dévisager tandis que ses paroles pénétraient tout mon être. Pourquoi les films ne l'expliquaient-ils pas comme ça ?

« Est-ce que tu les as ressentis tous dans ta vie, Alegria ? » demandai-je le cœur haletant.

« Oui, Borys, » commença-t-elle en souriant avant d'ajouter : « Mais jamais en même temps et encore plus rarement avec la même personne. » 

Elle ajouta en me souriant tendrement : 

« Contrairement aux histoires qu'on raconte, les couples qui 'marchent' ou 'restent ensemble' ne sont pas nécessairement ceux qui soi-disant s'aiment vraiment. Subvenir aux besoins émotionnels de quelqu'un et subvenir aux besoins sexuels ou financiers de quelqu'un n'ont rien à voir ensemble. Encore moins dans un monde où ce sont les autres, la société, qui décident avec qui on est mieux. »

Elle s'arrêta un instant avant de poursuivre le sourire aux lèvres :

« Mais, ça peut arriver une ou deux fois dans une vie qu'on puisse éprouver les cinq à la fois avec une seule personne, mais comme j'ai déjà dit jamais au même moment. S'il t'arrive d'avoir cette chance ne serait-ce qu'une fois dans ta vie, prépare-toi à être consumé comme un papillon de nuit, irrésistiblement attiré par la chaleur d'une lumière qui peut te détruire. »

Elle s'arrêta à nouveau un court instant pour me regarder intensément.

« L'attraction n'est pas toujours fiable, car elle vient trop souvent de notre conditionnement à la petite enfance et les images dont la société nous abreuve tout le long de notre vie ; la luxure est facile, mais toujours éphémère ; la complicité peut venir vite, mais elle demande du courage ; la loyauté requiert la confiance ; et pas tout le monde sait apprécier ni donner de l'affection aux autres. »

Elle me sourit longuement comme pour m'encourager à aller chercher mon expression et expérience corporelles par moi-même au lieu de me contenter de l'écouter sagement. Puis, elle se leva lentement de sa chaise pour s'en retourner à ses sacs de courses en chantonnant me laissant à la table avec mes intrigues et mes réflexions.




Mémoires d'un enfant du milieuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant