Chapitre 63

Depuis le début
                                    

Dans un autre coin de la ville, sur la place d'un quartier comportant une fontaine Hyunjin était dans le même tourment que son ami. Il s'était assis sur le rebord de ladite fontaine dont les éclaboussures lui rafraichissaient le dos. Lui était un tant soit peu intelligent et avait piqué le sac de Chan pour y ranger ses documents importants ainsi qu'une bouteille d'eau. Il portait aussi le bob de Jimin dont il avait replié l'extrémité pour voir devant lui.

Il caressait le pansement à son index du bout du pouce pour se tranquilliser. Le panneau publicitaire sur la devanture de sa banque avait été lu et relu bon nombre de fois mais il était toujours incapable de dire les informations qu'il contenait.

Il fallait appuyer sur un bouton, attendre l'autorisation donnée par une loupiotte verte avant de pousser la porte, entrer dans le sas, attendre le déverrouillage de la porte puis entrer dans l'accueil. Là impossible de voir ce qu'il se passait, seulement quelques mouvements flous aperçu entre les bandes de discrétions qui parcouraient les vitres.

Il regardait les clients entrer et sortir depuis assez longtemps pour avoir retenu. Pourtant ce n'était pas le procédé qui le stressait mais l'acte en lui-même. Déjà, rien que pour commencer, se rendre à la banque pour des formalités faisait très adultes. Or il ne voulait jamais devenir un adulte. Jamais.

Il voulait être quelqu'un de cool et mature comme Chan. Son hyung aurait su faire cela sans que ça fasse adulte, lui montrant que c'était un simple acte de maturité qui ne changeait rien à la personnalité profonde. Il aurait au moins aimé qu'il soit là pour lui retirer son pouce d'entre ses dents et lui faire pleins de bisous-papillons. Parce que là il avait déjà dit « nerveux » un bon nombre de fois mais personne n'était là pour l'entendre.

Non, il ne devait pas s'en prendre à Chan, c'était lui qui avait voulu qu'ils agissent en même temps. S'il l'avait eu à côté de lui, Chan aurait fini par faire à sa place et s'était impossible. Hyunjin devait le faire seul pour lui prouver qu'il en était capable. Sinon comment Chan pourrait-il être tranquille pendant qu'il se chargerait d'organiser leur week-end à la plage ? Il devait prouver à son hyung qu'il pouvait lui faire confiance.

Seulement ce n'était si simple. Sinon il ne resterait pas à se cramer au soleil en fixant anxieusement cette banque de malheur. Le plus compliqué... Le plus compliqué c'étaient ses géniteurs. Rien que d'y penser il avait envie de se prendre la tête entre les mains et de s'arracher les cheveux.

Il détestait ces gens qui l'avaient conçu. Il détestait toute cette emprise qu'ils avaient encore sur sa vie. Et il était terrifié par la conséquence de ses actions.

Ses géniteurs n'avaient pas encore sanctionné mais cela ne voulait pas dire qu'ils ne pouvaient pas encore le faire à tout moment. A quoi pensaient-ils ? A un petit acte de rébellion qu'ils auraient vite fait de réprimer pour la rentrée de septembre ? Mais alors que penseraient-ils de ça ? Qu'il fasse les démarches nécessaires pour qu'ils n'aient plus accès à ses comptes ? S'était du sérieux, ils le comprendraient indéniablement et alors... et alors...

La chair de poule recouvrit son épiderme. Il regarda autour de lui de plus en plus désespéré. Personne ne voyait sa détresse ? Personne ne pouvait lui venir en aide ? Son pouce se porta à sa bouche pour que la douleur physique palie à celle psychologique. De sa main libre il sortit son portable qui s'ouvrit immédiatement sur sa dernière conversation.

D'une main il inscrivit « nerveux ». Son pouce s'immobilisa juste au-dessus de la touche envoyer. Il regarda le mot, ces quelques lettres tapées et se mordit un peu plus fort. Non ça n'allait pas. Il effaça tout et écrivit plutôt « mal ». Son cœur se sentit plus en accord avec ce ressentit. Mal. Oui c'était ça. Le mot englobait tous ce qui traversait son corps et dont il ne parvenait pas à étiqueter de mots plus précis. Cette peur sourde qui vrillait ses entrailles à l'idée que ses géniteurs lisent en lui comme dans un livre ouvert et vienne le trouver ici pour le ramener de force dans sa cage dorée, cette paranoïa récente selon laquelle il était traqué, qu'on allait le retrouver, son instabilité émotionnelle et tout ce bric-à-brac de ressentit qui lui laissait la sensation confuse d'être dans un corps qui ne lui appartenait pas.

Beau-Parleur ~ HyunchanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant