Lewy
-Alors cette soirée ? me demande Maria alors que je me serre un bol de céréale.
-A chier.
Elle arque un sourcil, tout en battant des œufs. Elle va faire des crêpes, j'en suis sûr.
-Ta mère m'a pourtant dit que tu t'étais bien amusé.
Je hausse les épaules, préférant ne pas relever, et attrape mon téléphone. J'ai dix messages, que j'ouvre automatiquement. Si j'avais vu de qui il s'agissait, je ne l'aurais pas fait. Alyah qui m'envoie les photos de la soirée. Je n'avais même pas remarqué qu'elle avait pris des photos.
Elle en prend tout le temps, c'était sûr.
J'hésite, mais je les ouvre. Ce sont des photos de nous. Quelques-unes sur le vélo, et d'autre allongés sur la plage. Il y'en a une du ciel aussi, je n'avais même pas remarqué à quel point les étoiles brillaient ce soir-là. J'étais trop concentré par quelqu'un d'autre.
Mon cerveau s'emballe rien qu'à l'évocation de cette soirée. Rien que de repenser à ma main sur sa peau douce et chaude, mon cœur bat sans le vouloir. Je pourrais foncer chez elle juste pour recommencer. Si je dois me contenter d'une main, je ne le ferais rien que pour ressentir encore une fois ce qu'il s'est passé hier.
J'ai craqué, comme un con. Comme un idiot, un homme incapable de se gérer. L'entendre parler des extraterrestres et de vies extérieures de notre galaxie, malgré le bizarre de la chose, m'a fait perdre tous mes moyens. J'ai toujours été passionné par ce sujet. Petit, j'étais persuadé qu'un jour, ils viendraient pour nous chercher, ou nous envahir. J'avais même inventé ma propre langue pour leur parler. Longtemps, je me suis intéressé à la vie ailleurs que sur la terre, et entendre cette fille se poser des questions aussi idiotes que moi, ça m'a rendu con. Je n'ai pas réfléchi quand j'ai posé cette main, je savais seulement que j'avais cette envie de me rapprocher encore plus d'elle. J'avais envie de sentir sa peau sous mes doigts.
J'avais envie d'elle, encore plus.
Puis je me souviens que c'est juste Alyah, et que la plupart du temps, je ne la supporte quasiment pas. Tout m'énerve chez elle, il y'a tant de chose nous oppose, et pourtant, je me suis vraiment bien amusé hier soir. Ca faisait longtemps que je n'avais pas autant rigolé, sur ce foutu guidon de vélo.
Depuis que Alyah Perez est rentrée dans ma vie, j'ai enfin retrouvé l'envie de rire.
J'essaie de la chasser de mes pensées, en vain. C'est mon gros souci, je m'obsède pour tout ce que j'entreprends. Je n'ai aucune demi-mesure, je fais une fixette sur tout ce que je vis, et là, ce qu'il s'est passé hier ne risque pas de sortir de mes pensées tout de suite.
Mais mon père qui fait son apparition dans la cuisine est un très bon remède, d'un coup, je ne pense qu'à lui foutre mon poing dans la gueule, ou à m'enfuir tout de suite.
Il s'assoit juste en face de moi pendant que Maria lui sert son café. Elle aurait pu me prévenir qu'il était là. D'habitude, je ne le vois jamais.
-Tu n'as pas ramené ta latine dans ton lit ? me demande-t-il sans même lever les yeux vers moi.
-Ne parle pas d'elle.
Il rigole face à son café bouillant et me jette un coup d'œil. Mais je suis très sérieux, et il le voit.
-Ne me regarde pas comme ça, ne me dit pas que cette sauvage est ton amie ? Elle m'a dit d'aller me faire foutre, aucune politesse. Même pour coucher tu pourrais trouver mieux.
-Certains ont le cran de te tenir tête alors ce sont directement des sauvages ? Christian, elle est juste honnête.
-La pauvre n'est pas honnête, juste naïve. Elle te défend comme si tu le méritais. Elle est au courant ?
Je ne suis pas colérique, mais cet homme, en seulement trois phrases, a la capacité de me rendre fou comme de me briser le cœur. Je me demande encore ce qui me retient de lui en coller une. Surement le fait qu'il ait raison. Mais en tout cas, ce mec a une façon de gérer toutes mes émotions à lui seul, il fait ça comme un Dieu, et me contrôle rien qu'en ouvrant la bouche. C'est celui qui me fait le plus vriller intérieurement.
Maria passe devant moi pour débarrasser mon bol, et me fait ce sourire que je connais bien. Celui qui me dit de ne pas l'écouter, et de me retirer dans ma chambre.
C'est ce que je fais, sans un regard pour mon père qui pourtant, ne veut pas s'arrêter. Je ne l'ai pas vu depuis une semaine, donc il en profite. Si je ne peux pas le voir, ce n'est rien de son côté.
-Elle n'est donc pas au courant, dit-il sur un ton provocant, qui aimerait que je lui saute au cou.
Bien sûr que non, et à quoi ça servirait ? Pour une fois qu'on ne me ramène pas à mes erreurs, pour une fois que je peux regarder quelqu'un en face, tout en sachant que cette personne n'a aucune idée de la merde que j'ai pu provoquer. C'est l'unique personne qui ne me ramène pas à Lyviee, tout simplement. A moins qu'elle soit déjà au courant, de la bouche de quelqu'un d'autre.
Je m'assoie sur mon lit et soudain je me rends compte de quelque chose que j'aurais dû comprendre plus tôt. Elle est amie avec Taric, il lui a forcément raconté ma vie non ? C'est ce qu'on fait entre ami, on se raconte les potins des gens ? Une panique m'empare. Et si Alyah savait tout ?
Mes mains se mettent à trembler toutes seules.
J'attrape mon téléphone et envoie un message à Wade. J'ai besoin de voir un pote, et bien sûr, je n'ai que lui pour réussir à me détendre.
Trois minutes plus tard, je suis en voiture pour le rejoindre. Il vit chez Taric en ce moment, donc je le vais devoir me le coltiner encore une fois, mais au fond ce n'est pas si grave. On se connait bien lui et moi, et si quelqu'un supporte la présence de l'autre, c'est surtout lui. Moi, au fond, j'aurais aimé le retrouver avant.
Je passe par le jardin afin de rejoindre la salle de sa piscine intérieure, que je qualifierais plus de sonna vu la chaleur, et les deux sont dans l'eau, à boire des cocktails. Quand ils me voient, Wade me sourit, pour me mettre à l'aise. Taric reste plus en retrait, mais me salut tout de même.
-Un verre ? me demande-t-il.
-Tu as quoi ?
-Toute sorte de cocktail, champage, vin, ou whisky.
-Whiskey s'il te plait.
Les deux lèvent les sourcils en même temps, suivit d'un petit « oula ».
Me voilà assis sur un transat, un verre à la main avec mon meilleur ami qui sort avec mon ancien meilleur ami. La situation la plus improbable.
-Alors ? demande Taric le sourire aux lèvres. La robe qu'on a choisie pour notre petite espagnole a-t-elle plu à madame Jones ?
-Y'a plutôt intérêt vu le temps qu'on y a passé, crache Wade sur le ton d'une critique. Ce qui lui vaut une frappe de son chéri.
-Tu n'étais même pas obligé de venir, c'est toi tu t'es proposé hein.
-Il ment, dit-il en ma direction, avec un clin d'œil.
-Enfin bref, alors la robe ?
-Ma mère a adoré. Vous avez géré.
-Et toi, elle t'a plus ? me demande mon meilleur ami, un sourire mesquin aux lèvres.
Forcément, je ne réponds rien et lui fait un doigt d'honneur.