Chapitre 10

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Elle descendit au rez-de-chaussée d'un pas chancelant. Elle croisa son père qui s'apprêtait à monter l'escalier.

-Qu'est ce qui se passe ? s'inquiéta-t-il en voyant ses yeux rouges, et ses vêtements couverts de sang.

Puis il comprit.

-Oh non...Hector !

Il commença à pleurer.

Zoé resta interdite : elle n'avait jamais vu son père pleurer. Même quand les membres de sa famille avaient été décimés un par un, il avait toujours caché ses larmes et été fort pour ses enfants. Là, les larmes s'échappaient sans contrôle, et roulaient sur ses joues.

Elle voulut lui faire un câlin pour le réconforter, mais Victor la repoussa violemment.

-Qu'est-ce qu'il y a ? S'étonna-t-elle devant sa réaction furieuse

-C'est de ta faute ! S'écria-t-il

-Quoi ?

-Tout est de ta faute ! Si tu étais morte à la place de ton frère, nous aurions eu une chance de survie, mais il a fallu que ce soit lui ! Et encore, si tu n'avais pas existé, nous n'aurions pas eu de problèmes : ta mère aurait abandonné son idée stupide, et n'aurait pas convaincu Astrid et Gautier ! Nous n'aurions pas eu de problèmes avec ce foutu assassin, et...elle ne serait pas morte.

Il avait presque crié sur tout le temps de sa tirade, mais sur les derniers mots, sa voix se brisa.

Choquée par ces paroles venimeuses, Zoé retins ses larmes. Elle se rendit compte que son père faisait une erreur.

-En fait...avoua-t-elle, c'est moi qu'il visait, Hector s'est interposé.

-...

Le regard rivé sur un point derrière elle, il semblait ne pas l'écouter.

-Je suis désolée, je ne...

Victor ne lui laissa pas le temps de finir, il pivota et se mit à monter quatre à quatre les marches de l'escalier central menant à l'étage. Zoé le suivit, sans savoir ce qu'il préparait.

Il monta encore d'un étage, puis un autre, jusqu'à ce qu'ils se retrouvent au dernier étage.

Il entra dans une petite pièce au papier peint décrépit d'une couleur verdâtre, éclairée par une fenêtre donnant sur le soleil couchant, colorant le ciel d'un rouge sanglant. Elle était peu meublée, il y avait seulement une vieille table entourée de chaises.

Elle resta près du montant de la porte, tandis que son père se plaçait face à la fenêtre, sa silhouette se découpant à contre-jour dans la lumière du crépuscule.

Il se retourna vers elle, le regard vide comme si il avait accepté un réalité horrible. D'une voix morne il lui dit :

-Je t'aime Zoé.

Puis il se tourna vers la fenêtre.

Comprenant ce qu'il avait en tête, la jeune fille hurla.

-NON !

Trop tard... Il avait déjà sauté.

Elle se précipita au bord de la fenêtre et se pencha en avant, mais ne put que regarder sa chute lente. Son regard croisa le sien, et elle y perçut des remords, mais aussi une acceptation de son sort. Elle en déduit qu'il voulait depuis longtemps mettre fin à ses jours, mais que son amour pour eux l'en avait empêché. Elle essaya de se persuader qu'il était encore vivant, mais la trace rouge tâchant le bitume, en écho à la couleur du ciel, démontrait le contraire.

Abattue, elle se laissa tomber sur la moquette poussiéreuse de la pièce. Elle était désormais la dernière, la seule... oui, elle était seule. Ce constat lui donna envie de se recroqueviller et de se laisser dévorer par Lucifer, plus encore que la mort de son frère.

Allongée sur le dos, elle regretta d'avoir épuisé toutes ses larmes. Elle lut le journal que son frère lui avait confié pendant longtemps, effarée de la quantité de victimes que la scientifique avait commise.

Elle fixa la vitre et aperçut un mouvement. Son regard glissa vers le haut d'un bâtiment où se tenait une silhouette bestiale :

Lucifer.

La bête la fixait de ses yeux jaunes.

Zoé sentit son cœur s'arrêter, elle était la prochaine. Elle se souvint la promesse qu'elle avait fait à Hector... rester en vie.


Expérience LuciferOù les histoires vivent. Découvrez maintenant