Laura, partie 01

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On s'était rencontré sur internet, comme on dit, mais à une époque où on savait prendre notre temps. C'était bien avant les applications, ou l'arrivée de Blaze. Elle me paraissait trop belle pour être vraie. Une jolie jeune femme au regard de biche et à la bouche pulpeuse. Tantôt souriante comme une adolescente heureuse, tantôt le regard félin d'une jeune femme en pleine possession de sa sensualité. Et quelle sensualité, bordel...

J'étais tombé sur sa page totalement par hasard, happé par le regard intense qu'elle avait sur sa photo de profil. J'avais cliqué pour consulter le reste de ses photos, et j'ai tout de suite été très méfiant. Cette fille ne pouvait pas être réelle. Je ne voulais pas y croire. Elle disait avoir mon âge, n'habitait pas si loin de chez moi, avait un album photo assez conséquent, mais je n'y croyais pas une seconde. Les faux comptes qui récupéraient des photos de modèles ou d'actrices porno inconnues étaient légion à cette époque, alors quand c'était trop beau pour être vrai, c'est souvent que c'était trop beau pour être vrai. Mais si le profil de Laura était un faux, il était drôlement bien fait, parce qu'en général je me casse très vite quand ça sent l'arnaque, et là j'ai hésité. J'ai hésité, et j'étais même à deux doigts de signaler le profil, mais quelque chose en moi m'a arrêté. Une petite voix qui m'a murmuré « et si ? ». Et si c'était vraiment un vrai profil, et que la raison pour laquelle j'en doutais, c'était parce qu'elle cochait toutes les cases de ma femme idéale ?

Sa peau ne souffrait d'aucune sorte d'altérité, comme si elle avait été préservée dans une bulle de verre durant toute son enfance. Et qu'on soit clair : je vous parle du temps d'avant photoshop et autre application de retouche facile. C'était beaucoup plus compliqué de tricher à cette époque où on se prenait bien souvent en photo avec un petit appareil numérique, flash allumé, face au grand miroir qui ornait l'armoire de notre chambre d'ado. On est tous passé par là. Laura semblait irréelle, de la pulpe de ses lèvres roses aux lignes de son incroyable poitrine. Une poitrine surréaliste de perfection, dont on ne trouve d'équivalent que dans les meilleurs hentaï. Vous savez, ceux qui nous font dire que les artistes exagèrent de doter leurs étudiantes de proportions aussi géométriquement délirantes.

Je suis resté dix minutes à admirer ses photos sans oser la contacter, cherchant la faille dans son jeu pour essayer de me convaincre que j'excitais pour rien. J'étais persuadé qu'il s'agissait d'un fake, au point où mon approche fut l'une des plus lamentables à laquelle le net ait assisté depuis sa création.

— T'es pas un peu trop jeune pour avoir déjà refait tes seins ?

Qu'on soit clair, cette phrase ne marche pas. Ne reproduisez jamais ça à la maison.

J'étais tellement convaincu d'avoir affaire à un certain Gérard, 42 ans, facteur dans la Drôme, que j'ai joué la carte du gros con impudique. Aujourd'hui encore je me demande pourquoi elle ne m'a pas bloqué à ce moment-là. Avait-elle ignoré cette approche d'une lourdeur abyssale parce qu'elle avait l'habitude qu'on se méprenne sur ses mensurations ? Ou avait-elle trouvé ma question tellement maladroite qu'elle en était devenue drôle ? Je repense souvent à ce moment où j'aurais pu me faire bloquer d'un coup – ce qui aurait été mérité - et qui nous aurait privés de cette histoire. Notre histoire, avec ce qu'elle comporte de bons et de mauvais souvenirs.

Mais à cette époque on était encore loin de tout ça Laura et moi. Elle sortait du BAC et se lançait dans un CAP coiffure alors que moi j'étais débordé par ma nouvelle vie à la Fac. On était tous les deux très occupés par cette nouvelle étape dans nos vies, et trop fatigués pour sortir autant qu'avant, qu'on s'était retrouvé sur le même réseau social le même soir, sans vraiment s'attendre à y trouver quoi que ce soit. Mais on s'était trouvé.

La gêne de mon approche passée, nous avions commencé à en plaisanter. Je m'étais confondu en excuses tout aussi maladroites, et lui avais expliqué très sincèrement que je pensais avoir affaire à un faux compte, et que ma question n'était absolument pas une tentative lourde de la complimenter sur son corps. Encore une fois elle ria de ma franchise maladroite, la glace était brisée. Je passais pour un gentil con un peu obsédé par ses seins, mais sans être trop creepy non plus.

LE JOURNAL DE MAXOù les histoires vivent. Découvrez maintenant