Mon regard, sans cesse, se perdait dans le vide. J'avais des affaires pressantes dont je devais me charger avant ce soir, à commencer par les documents qui se trouvaient devant moi sur mon bureau. J'avais pourtant bien du mal à me concentrer sur mon travail; la fille s'était réveillée.
Il y avait un moment déjà, un garde était venu me prévenir qu'elle avait frappé à la porte, mais je n'avais autorisé personne à lui ouvrir ou à échanger avec elle. Je devais être celui qui le faisait. Je n'étais pas pour autant pressé. Si je pouvais repousser cette entrevue le plus tard possible, cela m'arrangerait. Elle était déjà une nuisance à ma journée alors que je ne lui avais même pas encore parlé.
Hier, lorsque je l'avais récupérée, elle avait été endormie de force. Il n'était pas prévu qu'elle se réveille aussi tôt. J'aurais pu, alors apprécier ce léger répit, de n'avoir à la voir que peu de temps avant ce soir. Même si je ne lui avais jamais parlé, j'avais l'impression de la connaître. Elle était bruyante, émotive et imprudente. Notre contact le plus rapproché était lorsque je l'avais amenée jusqu'à sa chambre ; elle était inconsciente, donc elle avait été assez docile. Avant cela, je l'avais suivie pendant quelques semaines. Elle ne me connaissait pas, du moins pas personnellement, même si, autant que chaque sujet de ce pays, elle savait qui j'étais. Je ne savais pas par où commencer pour lui expliquer la situation dans laquelle je l'avais entraînée.
Des pas lents s'approchèrent de mon bureau, mon dos se raidit, et je me redressais au moment où le garde devant la porte de mon bureau m'annonça la présence de la reine. Elle entra en m'offrant un grand sourire, que je ne pris pas la peine de lui rendre. J'inclinai toutefois respectueusement la tête.
"Il est un peu tôt pour une visite de courtoisie", commençais-je.
La reine était coiffée d'un chignon strict, et sa robe dorée brillait comme un soleil qui avait perdu son ciel. Les cernes sous ses yeux qu'elle n'avait pas réussi à masquer étaient la seule marque de fatigue visible, mais elle n'en montrait rien comme à son habitude ; son esprit était toujours en pleine forme, que son corps suive ou non.
"Il n'y a pas d'heure pour que je vienne vous voir. Vous m'avez l'air tellement occupé en cette belle matinée", répondit-elle en inclinant la tête sur le côté.
"Légèrement..." lui répondis-je à mon tour, calmement, alors que sa présence me rendait toujours nerveux.
Ce n'était pas totalement un mensonge, mais en vérité, ce dont je devais m'occuper le plus urgemment se trouvait à l'étage au-dessus, enfermé.
"La jeune fille que vous avez amenée doit terriblement manquer de compagnie... pauvre enfant", me fit-elle remarquer d'un air préoccupé sans se départir de son sourire.
"J'étais sur le point de m'en occuper, j'avais seulement certaines choses à finaliser pour ce soir, mais merci pour votre intérêt", lui informais-je en me levant de ma chaise.
"Je peux lui tenir compagnie pour vous, si vous êtes trop occupé", me proposa-t-elle tout de même.
Mais je secouai la tête. C'était moi qui devait aller la voir.
"Non, ce ne sera pas nécessaire."
Sans lui donner le temps de me répondre, je passais à côté d'elle alors qu'elle me souriait toujours et partit sans me retourner, la laissant dans mon bureau.
Devant la porte de sa chambre, les deux gardes que j'y avais postés s'inclinèrent, et l'un d'eux s'approcha pour m'apprendre à voix basse que la fille s'acharnait sur la porte depuis un moment. Je passais devant eux et ouvris la porte qui n'était plus verrouillée. Comment l'avait-elle ouverte? Et pourquoi n'était-elle pas sortie ? J'entrais dans la chambre cherchant la fille, mais je ne pus manquer le désordre qui y régnait. Tous les tiroirs étaient ouverts, des affaires étaient sorties de part et d'autre de la chambre.
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Le prince ensanglanté
ParanormalKiara, brisée par les injustices subies dans le royaume d'Amanir, nourrit une soif de vengeance. Son plan est radical : épouser le prince Ezra afin de se rapprocher du cœur même de la puissance ennemie qu'elle rêve de voir tomber. Mais jusqu'où Kiar...