Le jeune homme est prostré devant son miroir.
Comme si ce simple objet détenait toutes les réponses à ses questions, et peut-être la lumière nécessaire pour éclairer son chemin. Parce que l'antre qui remplace son cœur engouffre toute sa raison et ces brins de pureté qui tentent de s'immiscer dans son existence.
Izuku n'est pas particulièrement vaniteux ni même prétentieux, bien que son attitude tend à prouver le contraire. Son physique plaît, et il en a amplement conscience. Cependant, c'est uniquement devenu une arme supplémentaire dans l'arsenal qui est à sa disposition, dont les moindres parcelles lui sont connues, tout comme leur portée.
Cela n'a rien d'un problème pour lui de se servir de ce que la nature peut lui offrir, si vraiment cette perspective peut lui être bénéfique, et assurer une victoire à son équipage.
Seulement, un léger détail lui appartient considérablement, et se révèle par moment n'être qu'un poids complémentaire à traîner sur ses épaules, lui confirmant bien une chose. Si son corps est une arme redoutable, son cœur, lui, reste une cage dorée qu'il maintient précieusement fermée, et dont personne n'aura plus jamais l'accès. Et tout ceci lui remémore cette douleur sourde, qui vrille sa carcasse tout entière, allant jusqu'à faire craquer son ossature ainsi que tous ses muscles sans exception. Tout simplement ce qui lui rappelle sa destruction.
Le vert de ses yeux, cette couleur unique au monde. Partout où il passe, les âmes s'arrêtent et ne s'égarent que dans ses prunelles, qui semblent les envoûter. Comme si elles étaient porteuses d'un charme à la puissance indéniable, capable de séduire n'importe quel esprit perdu sur sa route, afin d'en tirer ce qu'il souhaite.
Mais c'est quelque chose qu'il déteste profondément, parce que ses yeux valent bien plus que tout cela. Ils ne se rapportent pas à tous ces stratagèmes alambiqués et pourvus d'un objectif particulier, visant à servir une cause.
Non, au même titre que son alliance, ses iris sont avant tout témoignage de souvenirs.
Appartenant à l'homme qu'il a longuement aimé, et qui continue de planer encore quelque part. Shoto appréciait lui conter des histoires autrefois, dans l'intimité de leur couple, et les faire tous deux rêver. C'est d'ailleurs bien là que réside le seul et unique lien de Deku avec le Jade Shard. La teinte si singulière de son regard, Todoroki adorait la comparer à ce trésor inestimable, après lequel le monde entier semblait courir. C'était leur petit jeu, à eux deux. Rejoignant sans doute l'une des multitudes de raisons pour lesquelles il déteste profondément entendre quoi que ce soit au sujet de cette légende. Parce qu'elle représente bien plus qu'un simple joyau.
Tout en soupirant, Izuku réagit avec beaucoup de nostalgie. Quelque part, il souhaite secrètement que son esprit ne soit pas encore totalement parti, et qu'il veille sur lui. Que lors des moments où il se sent désespérément seul et abandonné, son fiancé se préoccupe de lui apporter cette chaleur, celle-là même que plus personne ne lui accorde et qui est unique. Qui n'appartenait qu'à leur instant d'intimité et d'amour.
C'est toute sa peine et son amertume, que s'amuse à lui renvoyer ce fichu miroir. Deku est tiraillé de toute part entre ses objectifs, et ce qui existe dans cette réalité, qui semble prendre un malin plaisir à le torturer avec des souvenirs abjects, d'une portée tout bonnement dévastatrice. Le délice de jouer de la patience de son adversaire est bien moindre, comparé à ce besoin de lever le voile sur le mystère qui règne encore autour de la disparition bien cruelle de son compagnon. Et, malgré sa force et à quel point ses sens sont aiguisés, tout se désagrège devant lui.
Il a rarement eu autant l'impression de perdre le contrôle.
Et c'est une perception bien trop désagréable, qui le débecte terriblement, tout en lui offrant une sacrée claque qu'il n'est pas près d'oublier. C'est toujours quelque chose d'assez peu appréciable, de reconnaître qu'il a peut-être sous-estimé son ennemi, ou du moins qu'il n'a pas forcément fait le choix le plus judicieux pour en venir à bout, alors qu'en face celui-ci paraît s'amuser de ses attitudes, comme une hyène jouerait avec une carcasse fraîche et juteuse avant de la déguster.
Ou alors de savoir que la perspective de sa vengeance l'obsède tellement, que Deku n'est plus capable d'attendre le bon vouloir de cet idiot satisfait, qui lui envoie son sourire narquois en plein visage sans même s'en cacher, à chaque fois qu'il peut le croiser.
Ah ce qu'Izuku peut détester Katsuki !
C'est gravé au plus profond de lui, résonnant désagréablement dans la totalité de son esprit, accompagnant ainsi cette condition sans jamais s'en détacher. Il abhorre sa présence, et rêve de lui faire ravaler son expression de complaisance, transpirant légèrement trop de fierté à son goût.
Ces pulsions de colère qu'il peut ressentir à l'encontre de ce rival ne cessent de s'imposer à lui, le faisant grogner au possible, accentuant un peu plus sa rage.
Il est plutôt rare de le voir dans un tel état, lui qui est bien plus régulièrement en plein contrôle du contexte, tirant absolument toutes les ficelles d'une scène jusqu'à obtenir une réussite plus que certaine.
Et pourtant, dans une ironie qui pourrait être presque déroutante, Deku exulte également de quelques aspects qui résultent de leur situation. Bien qu'il déteste de toute son âme la défaite, et que l'éventualité d'octroyer sur un plateau une victoire à son adversaire lui apporte une amertume évidente, le capitaine affectionne tout particulièrement la perspective de pouvoir inverser la tendance. Même si cela paraît compliqué, et que Katsuki n'est pas autant frêle que n'importe quel autre misérable à piéger, c'est une possibilité qui s'offre encore à ses yeux, notamment pour cette ridicule quête obsessionnelle pour le Jade Shard qui ne le mènera absolument nulle part.
Deku a été témoin de la portée de son pouvoir sur lui, et ce fut une passade tout à fait alléchante qu'il adorerait de toute évidence reproduire, afin de lui démontrer l'étendue de sa force, mais aussi pour reprendre le dessus. Et puis, c'est quelque chose de totalement appréciable d'avoir ce grand gaillard à sa merci en train de chercher comment se soustraire à sa domination, tout en alimentant la conversation de banalités affligeantes juste dans l'optique de prouver sa valeur.
Dynamight est finalement peut-être digne de sa réputation, même si cela coûte au jeune homme de l'admettre. Pour autant, ça ne l'empêchera pas de récupérer l'ascendant sur tout ceci, et d'assouvir cette vengeance qui l'aiguille et s'assure de pulser dans tout son système nerveux.
Malgré tout, alors qu'il vient de quitter sa chambre, pour parcourir furieusement les couloirs d'un pas décidé et ponctué de cette montagne de ressentis, Izuku sent à quel point il s'est laissé submerger. Il n'y a plus que son impatience pour guider ses gestes, et l'obliger à se rendre à la rencontre de cet homme qui le met hors de lui. Gardant à l'esprit les recommandations de son second qui a de nouveau entretenu une conversation avec lui la veille, Deku s'efforce de ne pas céder à l'appel sourd et bien sombre de la colère qui l'envahit un peu trop. Hitoshi a eu beau entreprendre d'étouffer sa rage, ce fut une manœuvre bien vaine et prêcher dans le vide aurait sans doute été bien plus efficace. Et même si Izuku tente de rester maître de lui-même et de ses émotions, il semblerait que ce ne soit pas une chose très aisée à réaliser.
Il n'oublie cependant pas l'objectif bien précis qu'il s'est fixé : il tirera le fin mot de toute cette histoire, quoi qu'il advienne.
Et c'est avec cet état d'esprit qu'il entre bruyamment dans la chambre de son adversaire, sans même toquer au bois de la porte. Katsuki, qui est debout devant son lit, ne sourcille pas une seule seconde en l'apercevant pénétrer son espace, ou encore parce qu'il n'a pas pris la peine de demander une quelconque autorisation avant de s'inviter dans cette pièce. Après tout, ce n'est pas comme s'il n'avait pas fait la même chose quelques jours plus tôt.