-Numéro et provenance.
-1648 et 1649, provenance inconnue, répondit Hans.
-À droite pour l'instant, indiqua le lieutenant Böortner.
-Les deux?
-Pour l'instant les deux. Le gamin, on verra plus tard et nos hommes seront contents avec la fille.
-Bien, acquiesça Hans.
Hans attrapa Alice brutalement par le bras, Charlie toujours dans ses bras, et l'envoya vers le couloir de droite. Il referma la grille à clé et repartit.
Alice avança dans le couloir sombre.
Pas un bruit ne provenait du bout du couloir , si bien qu'elle se demanda si ce couloir ne menait pas directement vers les chambres à gaz. Pourtant, sa conscience lui disait qu'il fallait qu'elle continue.
Elle continua donc tout droit, dans la froideur humide du couloir, tâtant les murs pour se repérer dans la noirceur, jusqu'à une porte fermée.
Elle poussa le battant et arriva dans une salle miteuse, éclairée par une simple ampoule, où des femmes et des enfants étaient allongés à même le sol.
Personne ne tourna les yeux pour regarder les nouveaux arrivés.
Alice s'assit contre un mur, entre une vieille femme qui respirait à peine et une femme qui berçait un tout petit enfant.
Elle regarda Charlie dans les yeux.
-On va s'en sortir, lui dit-elle.
Une voix retentit du fond de la pièce sombre.
-S'en sortir! Tout le monde dit ça au début!
Alice localisa la personne qui avait parlé.
-Qu'est-ce qu'on va faire de nous? demanda-elle en réponse.
-Les plus faibles vont aux cheminées, certaines sont offertes aux SS et les plus chanceuses travaillent pour finalement mourir de fatigue et de faim.
-Et les enfants? demanda Alice.
Personne ne répondit. Alice réitéra sa question un peu plus fort.
-Chambres à gaz au bout de deux semaines.
Charlie était encore petit mais il avait compris. Mes parents avaient appris aux plus petits que "camps", "chambres à gaz" et "SS" étaient des mauvais mots dont il fallait se méfier.
Il commença à pleurer et elle lui chuchota qu'elle resterait avec lui.
Alors dans l'humidité de son cachot, Alice se fit la promesse qu'elle ne laisserait personne la séparer de son petit frère.
Alice et Charlie passèrent leur premier jour -ou première nuit? À vrai dire elle n'en savait rien- dans cette pièce faiblement éclairée.
Charlie avait fini par s'endormir, alors qu'Alice examinait chaque personne qui l'entourait.
Certaines aussi maigres et pâles que des cadavres, sûrement les plus anciennes, et d'autres ayant encore les joues légèrement rosées.Le bébé près d'elle se mit à pleurer.
-Je n'ai plus rien à manger, murmurait la femme à son enfant.
Alice se souvint du sac de vivre qu'elle avait préparé.
D'un geste tout naturel, elle tendit un morceau de pain à la mère, qui ouvrit de grands yeux étonnés avant de prendre le morceau et de remercier Alice.
Le petit suçota calmement le morceau et Alice s'endormit peu après.
* * *
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Une simple journée d'hiver
Teen Fiction1943, France. Artur, 16 ans, allemand, fils du lieutenant Böortner, prédestiné à être soldat du Fürher. Alice, 16 ans, française juive, désormais seule famille de son petit frère, prédestinée à la mort.