J'ai toujours cru que les Ombres n'avaient pas de sentiments, de personnalités propres. Et j'en étais toujours convaincu.
Cependant Léonelle était différente.
A l'instant où elle avait vu cette fille, son visage s'était illuminé. Un sourire à couper le souffle étirait ses jolies lèvres.
Depuis l'entrepôt j'avais continué à la chercher. Elle avait foutu le feu à ce putain de bâtiment pour nous couvrir Sawyer et moi, j'imaginais qu'elle avait du faire une croix sur ses plans pour nous sortir de là. Où alors c'était ce qui était prévu depuis le début ?
Je n'en savais rien.
Parce que Léonelle Tate était insondable. Rien de transperçait ce masque d'impassibilité qui, fissurait de temps en temps sans réellement tomber.
J'avais pu voir son inquiétude envers Sawyer quand elle s'était occupé d'elle, qui au passage pestait comme une folle de ne pas avoir pu fêter Noël. Nous avions dû lui faire la promesse de remettre ça.
Ma sauvageonne était en pleine forme même si la descente avait été compliqué, elle avait été malade pendant deux jours. Mais Evan nous avait assuré que tout était sorti de son organisme. Il espérait que cette unique dose ne déclencherait pas une addiction.
Parfois il suffit d'une fois.
Oui, Léonelle était un mystère, mais à une autre reprise j'avais pu apercevoir un semblant d'émotion.
Le désir.
La première fois dans le sauna, son visage n'avait jamais été aussi beau que cette fois-là. Ses yeux pétillaient et son sourire m'avait fait complètement chavirer. J'avais pu revoir ce sourire et cette lueur dans son regard hier soir.
Elle était d'une beauté époustouflante avec son fouet lumineux qui brillait autour d'elle, s'enroulant sur son corps menu et bandant.
L'Ombre avait le don de me rendre dingue en quelques secondes. Quand elle s'était approchée de moi avec sa démarche féline et silencieuse, mon corps avait réagi instinctivement.
Le désir.
J'avais déjà désiré une femme, et même plus d'une. Mais pas comme ça. Jamais de cette manière primitive, brutale et obsessionnelle.
Elle éveillait, sans même le savoir, une partie de moi que je pensais morte à tout jamais.
Léonelle pouvait soit me sortir de mon enfer, soit m'y enfoncer plus profondément, et dans les deux cas, ça me faisait flipper.
Quel pouvoir ça lui donnait sur moi ? Et surtout, pourquoi elle ? J'ai toujours cru que Max était l'amour de ma vie même si elle ne m'appartiendrait jamais. Mais Léo venait foutre le bordel dans mes certitudes, je ne savais pas comment réagir à ça, alors je me comportais comme un connard.
Au lieu de lui faire un compliment sur sa tenue, j'avais joué avec les mots. Passant un compliment pour de la moquerie.
Elle était sublime, peu importait ce qu'elle pouvait mettre. Que ce soit dans une robe, dans une combinaison, en débardeur short ou même affublée d'un baggy taille basse, un pull en laine blanc, une veste de baseball verte et blanche et son bonnet blanc et ses éternels gants de cuir noir, elle était ... Lumineuse.
Et ressemblait à une meuf des quartiers sud.
Bien évidemment, cette fille savait se fondre dans la masse sans problème.
Puis, il y avait ce moment précis. Son masque se fissurait laissant apparaître l'affection qu'elle portait pour cette Elvira Petrova.
A travers le pare brise, j'observais cette jeune femme qui devait avoir à peine la vingtaine.
Cheveux bicolore, un côté noir, un côté blanc. Petite, menue mais au visage expressif. Cette fille était l'archétype de la fille des bas quartiers, basket, jean large, un tee shirt laissant apparaître la peau tatouée de son ventre, c'est pas comme s'il faisait moins dix dans cette région en plein mois de décembre ... Et une veste en cuir sur laquelle était brodée en fils blanc "THE SOUTHGIRL".
J'ouvris la portière en même temps que Léo, nous sortions dans le froid de décembre à la frontière des quartiers sud.
Léo s'avança vers la jeune Elvira qui tourna la tête vers nous, son regard passa un quart de seconde sur moi, comme si je ne méritais absolument pas son attention, avant de se fixer sur l'Ombre.
Son regard s'ancra dans celui de Leo, elle la fixa quelques secondes avant qu'une lueur illumine ses yeux suivit d'un faible sourire.
Du coin de l'œil, j'observais la réaction de Léo, qui s'arrêta une seconde, ses sourcils se froncèrent légèrement et je vis son corps se tendre, comme si elle avait lu quelque chose sur le visage de la jeune femme qui l'avait contrarié, avant de foncer rapidement pour prendre la jeune Petrova dans ses bras.
Fourrant les mains dans mes poches, je laissais les deux jeunes femmes se retrouver.
Tendrement Léonelle passa une main dans les cheveux d'Elvira avant de la glisser sous son menton pour l'obliger à la regarder dans les yeux.
Elvira obtempéra en maintenant son regard dans celui de Léo un léger sourire sur les lèvres.
- Salut Southgirl. Souffla Léonelle d'une voix chaude et cassée.
Elvira leva les yeux au ciel avant de rire doucement.
- Tu me fliques sur les réseaux sociaux Snow ?
La voix de la jeune Elvira était rocailleuse et brisée, mais pas de la même façon que celle de Léonelle. Chez Léo c'était naturel. Mais pour Elvira j'étais persuadé que ce ton rocailleux était dû à un mauvais traitement de sa trachée, j'avais déjà vu ça dans l'Arène.
Certains combattants qui avaient eu la trachée compressée lors de combat avaient le même timbre de voix.
Comment une gamine de vingt ans pouvait souffrir de telles blessures ?
- J'aime savoir ce qu'il se passe dans ta vie Elvie, une vraie stalkeuse !
Léonelle lui fit un sourire taquin avant de reculer et de se tourner vers moi. Elvira suivit son regard et me détailla de la tête aux pieds, l'œil mauvais, comme si elle allait me bouffer d'un instant à l'autre.
Comme si ce petit bout de femme pouvait m'impressionner. Un sourire narquois se fixa sur mon visage pendant que je la détaillais de la même façon.
C'était une jolie fille, des traits fins, un petit nez recourbé, des lèvres pleines qui ne devaient pas beaucoup sourire. Des yeux gris et légèrement bleutés froids, cassants et intenses, laissaient apercevoir les flammes de l'enfer dans lequel son âme semblait brûler.
C'était rassurant de voir que je savais toujours lire et comprendre l'âme des autres, la seule dont je n'arrivais pas à sonder était l'Ombre, et pourtant c'était celle que j'aurais aimé le plus comprendre.
Petite et menue, elle et Léo faisaient la même taille et avaient pratiquement le même gabarit.
- Elvie, je te présente Arès Turner, le chef des Sons of Anarchy. Arès, voici Elvira Petrova, la Princesse des quartiers sud et la sœur d' Amon Petrova. C'est lui qui a le pouvoir ici. Expliqua l'Ombre en me regardant dans les yeux.