1 - Colis en perdition

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La sonnerie insistante le tira d'un sommeil lourd. L'esprit embrumé, la bouche pâteuse, Terrence Harper grogna. Sa main glissa hors de la tiédeur des draps pour heurter la bouteille de bière irlandaise, vide, qui traînait là et roula sur le parquet.

Avec difficulté, le museau dans l'oreiller, il parvint à ouvrir un œil fatigué et identifia l'origine du bruit intempestif. Son portable personnel qui vrombissait sur le chevet et le professionnel, dans le salon, dont la sonnerie stridente lui arracha une grimace. Il attrapa son téléphone avec un regard meurtrier vers la porte, pour l'autre appareil, qui continuait de hurler. Gonfler de se mettre à deux pour le harceler ! Quel était donc ce super héros qui projetait des rayons lasers à travers les murs ? Aucune idée... Ses neurones s'étaient planqués quelque part, au plus profond de sa cervelle, et lui refusait tout service. Bande de feignasses !

Puis soudain, ce fut le silence. Un vrai bonheur. Appel manqué d'un numéro masqué indiqua le portable. Quand Terrence lut l'heure sur l'écran, après avoir plissé les paupières dans l'espoir de dissiper le brouillard qui troublait sa vue, il soupira. Presque 15h00. Couché vers 4h00 du matin, après une première partie de soirée entre potes, à picoler devant la rediffusion d'un match de foot mythique « machin contre truc », deux grands clubs anglais dont il avait noyé le nom dans la bière, le tout, sur accompagnement de pizzas. Les affrontements autour du ballon rond ne le passionnaient pas outre mesure, cependant, ils représentaient une bonne occasion de se retrouver. La seconde partie de soirée, plus intimiste, il avait passé les heures suivantes à discuter de sa situation et à déverser des plaintes de moins en moins argumentées et cohérentes dans l'oreille compatissante d'Andy, le seul pote rescapé du groupe qui avait choisi de rester sur place.

Sur un grognement d'ours acariâtre, Terry se laissa retomber le nez dans l'oreiller, lorgna sur sa gauche et réalisa que, la place désertée, Andy n'avait pas fini la nuit-là. Pourtant, il gardait le vague souvenir d'une étreinte amicale... À sa grande honte, Terry réalisa qu'il ne se souvenait pas de grand-chose, pourtant il devinait avoir été l'objet de l'attention d'Andy, toujours disponible pour un câlin affectueux, mais jamais sensuel.

Se connaître depuis le bac à sable, après un premier « contact » homérique, « à coup de pelle vs râteau », en plastique, sous les yeux éberlués de leurs mamans respectives qui, suite à cette « bagarre », étaient devenues les meilleurs amis du monde... Il ricana, car à l'âge adulte l'association « pelle vs râteau » n'avaient plus vraiment la même signification. Terry nota dans un coin de sa tête : appeler Andy et s'inquiéter de sa totale correction, même s'il n'avait pas grand doute sur le sujet. Il s'exposerait à l'humour mordant qui adorait le prendre pour cible et son plongeon dans les bras de Morphée serait taxé « d'amorphitude » ! Andy adorait inventer des qualificatifs destinés à tacler les « exactions » de son compère... Plus tard ! Là, le besoin de redevenir un homme neuf, et surtout de se débarrasser de cette sensation de torpeur poisseuse qui lui procurait un inconfort grandissant, le poussa à se bouger. Il tenta de bondir de son lit, mais réalisa son erreur quand il repartit en arrière et s'effondra les bras en croix, non sans avoir posé le pied sur un autre cadavre de bière vide, lequel très offusqué, fila se planquer sous le lit. Que faisait donc là ce vestige de sa soirée ? L'idée d'avoir à les récupérer l'alarma : il aurait bien du mal à se mettre à quatre pattes sans se vautrer et sans gerber sur la descente de lit... D'ailleurs, un soubresaut de son estomac lui confirma cette dernière crainte.

Sous son crâne, une douleur sourde lui vrillait les méninges. Juste punition pour les excès de la veille ! Décider des actions à venir lui réclama un prodigieux effort. Le mot « paracétamol » pulsa soudain tel un pop-up et il le qualifia sans hésitation de Saint-Graal des lendemains de beuveries. Une nouvelle tentative de concentration et Terry localisa la « chose », sur l'un des rayonnages de la pharmacie de la salle de bain. Si la boîte n'avait pas déjà été vidée de son contenu lors de la précédente soirée, une semaine plus tôt, voilà qui arrangerait ses affaires : d'abord le médoc et ensuite les grandes eaux ! Non d'abord un café noir, très, très noir !

S.E.C.R.E.T.SOù les histoires vivent. Découvrez maintenant