Chapitre 5

83 2 5
                                    


Le train s'arrêta brusquement. Une grande agitation régna à l'extérieur et les portes des wagons s'ouvrirent sous les aboiements des chiens. De nombreux SS attendirent les déportés le long de la rampe.

- Laissez vos affaires dans le train et descendez !

Sarah fut prise de panique.

- Comment va-t-on faire pour nous rechanger ? bégaya-t-elle. On aura besoin de nos valises.

- On nous les rendra plus tard, promit son père. Ils vont d'abord faire l'appel à mon avis.

Sarah fut rassurée par ses paroles et elle descendit calmement du wagon. Elle aperçut des fils de barbelés et des miradors autour d'eux. C'était un drôle d'endroit, mais le soleil était au rendez-vous. Ce qui lui faisait un peu oublié l'environnement. Les SS se mirent à séparer les familles. Les Dreyfus ignorèrent à ce moment-là le mot sélection. Les femmes furent envoyées d'un côté et les hommes de l'autre. Les enfants âgés de 0 à 15 ans durent monter dans les camions avec les vieillards. Même les personnes fatiguées y étaient invitées. Alexandre, âgé de douze ans, partit avec eux. Sarah resta dans le groupe de sa mère puisqu'elle avait triché sur son âge. Elle avait dit qu'elle avait seize ans. A un an près, les allemands ne pouvaient pas deviner que Sarah leur avait menti. Elle ignora qu'à ce moment-là, que son mensonge venait de lui sauver la vie.

Les déportés furent tous mécontents de cette sélection, alors ils décidèrent de se rebeller. Il était hors de question que les allemands les séparent de leurs familles. Ces derniers se mirent à tirer en l'air pour les effrayer, puis le calme régna de nouveau. On n'entendit plus que les pleurs. Les camions remplis d'enfants et de vieillards partirent vers les chambres à gaz. A ce moment-là, personne ne pouvait s'imaginer qu'ils se trouvaient dans un camp d'extermination. Sarah ignora alors que c'était la dernière fois qu'elle voyait son petit frère en vie. Sa mère lui en voulait un peu de l'avoir laissé seul.

Ce fut maintenant au tour des hommes de partir. David Dreyfus salua sa femme et sa fille de la main avant de suivre son groupe jusqu'au camp de travail. Sarah pensa même qu'elle allait le retrouver ce soir, une fois qu'il aura soigné quelques malades. Elle était bien naïve.

Le groupe de femmes dont Sarah faisait partie, se mit en marche. Il enta à l'intérieur du camp.

- Bienvenue à Auschwitz-Birkenau, lâcha une femme SS an nez un peu crochu avec un rire.

C'était la première fois que Sarah entendit ce nom. Le long du chemin, les déportées aperçurent des femmes assez bizarres. Elles étaient toutes maigrichonnes. Leurs yeux ressortaient des orbites. Et elles n'avaient pas un seul cheveu sur la tête. Sarah se demanda si elles appartenaient à une sorte de tribu.

Les déportées entrèrent dans un bâtiment. Au vestiaire, on leur demanda de se déshabiller. Leurs corps nus furent relookés par les SS. Certains s'amusèrent à leur pincer les seins et les fesses. Sarah se sentit terriblement sale et humiliée. Elle pleura comme la plupart des filles.

Les déportées passèrent ensuite dans un bureau. On leur demanda quelques renseignements sur leur nom, leur ville... Puis, on leur attribua à chacune un numéro. Sarah fut prise de panique lorsqu'elle se rendit compte qu'on allait lui tatouer son matricule sur le bras. Elle refusa d'obéir. Il était hors de question qu'elle porte ce numéro toute sa vie. Un SS arriva vers elle et la frappa violemment au visage. Sarah vit sa mère pleurer. Sa joue lui faisait tellement mal qu'elle regretta son acte de rébellion. Elle se fit tatouer comme toutes les autres femmes. A partir de ce jour-là, elle ne s'appellera plus Sarah Dreyfus. Elle était juste un numéro. Les détenues passèrent ensuite sous la douche. Le petit jet ne les nettoya pas complètement.

- Allez dépêcher vous, sales Juives, gronda un SS.

A la sortie de la douche, des individus leur rasèrent les cheveux et les poils. Sarah pleura à chaudes larmes. Elle se sentit une nouvelle fois humiliée et salie. Elle se trouva tellement moche sans cheveu. C'était totalement inhumain de faire ça. Mais les détenues n'avaient pas le droit de se rebeller. Elles exécutèrent les ordres sans discuter. Elles se rhabillèrent avec des vieux vêtements du camp. Combinaison, pull et jupe en tricot. Lorsqu'elles sortirent du bâtiment, elles aperçurent plusieurs rangées de baraques en bois. Au fond, il y avait même des cheminées qui crachaient de la fumée. Sarah ignora que le corps de son petit frère venait de brûler dans le four crématoire. Les kapos prirent la relève des SS. Ces fameuses femmes étaient des prisonnières de droit commun. Elles avaient commis des crimes ou des braquages dans le passé. Elles étaient chargées de surveiller et de sanctionner les détenues. Celles-ci les craignirent autant que les SS. Elles furent divisées en plusieurs groupes. Sarah eut de la chance de se retrouver dans la même baraque en bois que sa mère. Le sol était en terre battue. Les détenues découvrirent les fameux lits superposés en bois. Chaque lit avait trois couchettes sur trois étages. Il mesurait trois mètres de largeur et pouvait contenir de neuf à douze personnes par niveau. Quand une femme voulait se tourner, toutes les autres devaient le faire en même temps. Sarah s'installa à l'étage du dessus avec sa mère. Elles avaient trop peur de se prendre les excréments des autres. Le soir arriva et les détenues réclamèrent à manger. Elles avaient toutes faim. La kapo de leur baraque hurla un bon coup pour les faire taire. Les pauvres détenues déjeuneront seulement demain matin. Sarah n'était même pas sûre de pouvoir tenir. Son estomac criait famine. Avant de dormir, les détenues découvrirent les latrines du camp. Sarah eut vraiment l'impression qu'on les prenait pour des bestioles. Les femmes étaient toutes assises côte à côte, dos à dos en train de faire leurs besoins dans des trous sur des planches en bois. Certaines se nettoyèrent les fesses avec leur urine. Sarah grimaça de dégoût. Mais elle apprendra plus tard que l'urine leur avait servi à désinfecter les plaies. Sarah partit se coucher. Malheureusement, elle ne fermera pas de l'œil de toute la nuit. Leurs lits étaient vraiment inconfortables. Elle rêva juste d'un bon matelas.

Survivre après AuschwitzOù les histoires vivent. Découvrez maintenant