Chapitre 9

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OSCAR

Lorsque Olivia prononça cette phrase assassine qui raisonnait encore et encore dans ma tête me renfermant dans mon passé sombre, je ne pus l'accepter sans rien faire.

– Qui t'a dit ça ?

Mais elle ne daigna pas répondre, préférant s'éloigner sans doute le plus loin possible de moi. Mais je savais très bien qui le lui avait dit. Il ne fallait pas être devin pour le comprendre. Alors dans un geste machinal, une fois de plus, je l'emprisonnai pour l'empêcher de s'en aller.

– Où est-ce que tu vas ?

– Quelque part où tu n'es pas. Lâche-moi.

Elle se défit de ma prise et s'enfuit sur le parking. Si elle pensait que j'allais la laisser faire, elle se trompait.

– Ne crois pas pouvoir fuir aussi facilement.

– Lâche-moi, Oscar.

La vérité, c'est que peut-être que je ne pouvais pas. Mais je voulais la forcer à me répondre. Pour qu'elle comprenne un jour qu'elle m'avait accusé à tort et s'en veuille. Et peut-être revienne vers moi. Car je savais que ce qu'il se passait là, marquerait la fin de la quelconque relation que l'on entretenait.

– Qui t'a dit ça ?

– Ça ne te regarde pas.

– C'est faux.

Comment pouvait-elle croire une chose pareille, sérieusement ? Certes, j'étais un connard, mais je n'étais tout de même pas un monstre !

– Non, ça ne l'est pas.

– Je veux dire, je n'ai jamais drogué personne, c'est faux.

– Ça, je n'en sais rien. Tu es tellement bizarre, lunatique, presque bipolaire. Tu as pensé à consulter ?

Elle avait le don de me mettre hors de moi, alors oui, là, à l'instant T je pétais les plombs, mais c'était de sa faute à elle ! Mes mains parlèrent pour moi, la poussant violemment contre la voiture d'un des inconnus de la fête.

– Je ne suis pas bipolaire !

– Tu vois ? Tu ne fais que me donner raison.

– C'est à cause de toi.

– C'est toujours de ma faute, avec toi. Qu'est-ce que tu veux ?

– Que tu me foutes la paix pour de bon.

Véritablement, ce n'est pas ce que je voulais, mais il n'y avait que ça qui marcherait pour nous. Je ne supporterais pas sa présence plus longtemps.

– Mais c'est toi qui me poursuis, Oscar.

Et elle avait raison. Je me ridiculisais plus qu'autre chose depuis tout à l'heure, mais ça m'était égal. Elle était comme du poison, qui s'était approprié mon être à la seconde où j'avais posé les yeux sur elle, et qui ne cessait de s'immiscer plus profondément dans mes veines chaque fois qu'elle posait ses yeux sur moi.

– Tu es une véritable plaie, Olivia.

– Dis-moi pourquoi tu t'énerves dès qu'il s'agit de Zed ?

Parce qu'il est un putain de prédateur Olivia, que je ne lui pardonnerai jamais ce qu'il a fait à Delphine, et que je ne veux pas qu'il t'arrive la même chose, bon sang !

– Je te l'ai déjà dit, ce type est tout sauf une bonne fréquentation pour toi.

– C'est marrant, il m'a dit la même chose à ton sujet.

          

Son air provocateur attendait des explications sans en demander. Je ne lui raconterais pas cette histoire. Elle n'avait pas besoin de savoir. Parce que cela impliquait que je devrais lui dire que j'y étais pour quelque chose moi aussi, et je ne voulais pas qu'elle ait une réelle bonne raison de me fuir. Je ne remarquais même pas à quel point ma colère avait pris le dessus sur ma raison et que mes ongles s'enfonçaient et déchiraient sa peau. Je me contentais de l'observer en silence, en tentant de me canaliser pour ne pas me jeter sur elle. Je voulais la blesser avec mes lèvres plus que mes mains en étaient capables, mais je me forçais à refouler cette idée déplacée et intrusive.

– Laisse-moi tranquille, Oscar. Vraiment. Oublie-moi. Et ne viens plus me parler en cours. Reste le connard arrogant que tu as toujours été. Tu ne sais pas à quel point je méprise ton attitude.

Non, pas ça. Ne pars pas, et ne me laisse pas.

– Désolé.

– Comment ?

– Ce n'est pas ce que je veux, être un connard arrogant.

– Alors, quoi ? Elle cria presque en se dégageant de mes bras sur elle.

– Je ne sais pas moi-même...

Et c'était vrai, elle me possédait complètement, mais je devais me persuader du contraire.

– ...je ne me comprends pas.

– Ça, tu n'es pas le seul. Je n'ai pas de temps à gaspiller dans notre amitié née-morte. Je te le répète : Oublie-moi.

Je la sentis trembler contre moi et laisser s'échapper des larmes. C'était vraiment ça, l'effet que je lui procurais ? De la tristesse et de la peur ? Alors que j'ai tenté de faire des efforts pour elle ? Alors que je lui ai explicitement dit que non, elle ne devait pas traîner avec Zed pour son propre bien ? J'ai été correct, putain. Et elle me fuit comme la peste ?

– C'est déjà fait, je lançai alors qu'elle était déjà loin.

Cette fois-ci, je le ferais vraiment. Après-tout, elle était bien trop compliquée à satisfaire. Elle ne voyait même pas les efforts que je fournissais et se montrait toujours cassante. Eh bien, soit.

Je retournai m'asseoir en l'observant assise sur le sable aux côtés de Barbie. Elles pouvaient bien parler de moi comme j'en étais persuadé, ça m'était complètement égal. Je lui donnerais même encore plus raison de me haïr. Je ne lui adresserais plus jamais un regard. Il n'y avait pas que notre amitié qui était morte. Qu'elle se casse loin. Mais si elle devait partir loin de moi, elle devait aussi partir loin de Zed. Car au-delà d'Olivia, l'une de mes préoccupations désormais était que Zed ne devait plus faire de mal à personne.

Alors quand je tournai une dernière fois la tête, et que je la vis partir au loin main dans la main avec Zed, mon sang ne fit qu'un tour. Le plus difficile à avaler était que je ne pouvais rien faire. À cause de mon comportement, elle m'avait catégorisé comme le connard de service, et quand bien même j'avais essayé d'intervenir, elle ne m'avait pas écouté. Mais je refusais qu'une nouvelle fille, quelle qu'elle soit, tombe dans les filets de Zed. Il fallait que je tente le tout pour le tout – pour moi et non pour elle –, et tant pis si elle m'ignorait : au moins j'aurais essayé. Mais lorsque Barbara se planta devant moi, ils avaient déjà disparu.

– Oscar ! s'écria-t-elle, les bras sur les hanches et la mine sévère. Il faut qu'on parle.

– Pas maintenant, lui répondis-je, en jetant mon livre sur le canapé et en me levant précipitamment, parti pour les suivre.

Ce connard n'était pas celui qu'il prétendait être, et par n'importe quel moyen, je devais le lui montrer. La seule chose décente qu'il avait accomplie dans sa vie était de cesser de dealer de la drogue. C'était le joker qui lui avait permis de sortir la tête hors de l'eau, et je le savais, car à l'époque, Zed était la personne qui comptait le plus pour moi. Je l'avais accompagné de bout en bout dans son processus de guérison, acceptant uniquement ce long parcours à ses côtés parce qu'il m'avait promis d'être meilleur. Jusqu'à ce que sa dépendance ne le rattrape et qu'il sombre trop profondément dans ses propres vices, jusqu'à détruire tout ce qu'il possédait. Dont moi. Car comme tout ceux qui tenaient à lui, il m'avait détruit. Zed avait merveilleusement bien apprivoisé l'expression « combattre le feu par le feu ». Il avait perdu son empire – sa popularité, sa richesse – son héritage, ainsi que le respect de ses proches. Alors il avait bâti un tout autre royaume à dominer, encore plus grand, plus imposant, et bien, bien plus destructeur, qu'il régissait par la peur, et qui se faisait un plaisir de dévorer quiconque commettait l'erreur de s'y engouffrer. Et Olivia était tombée dans le piège la tête la première. Zed savait comme personne construire une prison aux dimensions adaptées à celles de ses victimes au millimètre près, usant de son éloquence, son charme, d'un peu de chance et des opportunités autour de lui dont il réussissait toujours à tirer profit. Il savait parfaitement comment se comporter et avec qui, et j'avais bien failli en faire les frais de façon irréversible. J'avais été sauvé par mon père – ce fut bien là la seule fois où je lui en fus reconnaissant. C'est à ce moment-là qu'il m'avait forcé à m'inscrire à mon premier cours d'échecs, réduisant de fait le temps que je passais avec Zed. J'avais haï de toutes mes forces les échecs mais au moins, à présent, je pouvais voir le destin tragique auquel j'avais échappé : celui de Zed. Un destin empli de sang, de corruption, de manipulation et de vice. Mais derrière ça se cachaient une tristesse immense, et un besoin d'amour incommensurable. Il avait eu une vie difficile, tout autant que la mienne, et plutôt que de se soucier du consentement, il choisissait et prenait ceux qu'il voulait à ses côtés. Il ne leur laissait pas le choix. Il était voué à un destin tordu et malfaiteur. Je n'étais pas blanc comme une oie, je le savais : je préférais détester dès le début que risquer de succomber, et cela me valait souvent d'être perçu comme le méchant de l'histoire, mais je m'étais fait à cette image que les gens m'attribuaient. Mieux valait ça que d'être comme Zed, apprécié de tous, mais une bête à sang froid.

INÉBRANLABLE - T.1 : Nouveau Départ [TERMINE]Dove le storie prendono vita. Scoprilo ora