L'ancien

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Désormais âgé de près de soixante ans, l'ancien sentait le poids des années sur ses épaules, devant mener une vie sans aide n'ayant pas de femme et d'enfants l'ancien travaillait dans ses champs, ses enclos et son atelier seul toute la journée, ces mêmes taches agricoles et d'artisanat auxquelles il s'adonnait autrefois sans le moindre souci et avec joie était désormais une corvée physique de moins en moins supportable.

Bien qu'appréciant toujours le travail de ses mains l'ancien ressentait de plus en plus de douleurs dans son travail, ses mains se rigidifiaient et devenait de plus en plus douloureuses à bouger rapidement, son dos également ne lui permettait plus de rester totalement droit en étant debout, ses jambes n'avaient plus non plus leur vigueur de la jeunesse ne pouvaient supporter son poids pourtant inchangé depuis des années que peu de temps.

L'ancien sentait que bientôt il ne serait plus capable de faire ce qu'il a toujours fait et ainsi, pour la première fois de sa vie alors qu'il apportait la nourriture journalière à ses animaux l'ancien se demanda ce qu'il allait advenir de lui après sa mort. Il ne pouvait s'empêcher de se demander qui, après lui habiterait ici et si sa maison resterait aussi belle qu'elle ne l'est pour lui à ce moment précis.

Perdus dans ses pensées l'ancien s'allongea dans l'herbe sur ses terres, observant le ciel et pensant à l'avenir...l'avenir sans lui...après lui.

Il se plaisait à penser que sa maison lui survivrait bien longtemps après lui, qu'elle serait reprise par un beau et gentil jeune homme, intelligent et travailleur puis qu'après avoir trouvé une femme cette dernière avec lui entretiennent et embellissement encore plus la maison et ses terres et ainsi de suite génération après génération. En imaginant cela l'ancien voyait un héritage qu'il laisserait se dessiner, une maison, des terres mais aussi et surtout une trace de son passage, de son existence.

En pensant à cela l'ancien eut une idée, il se releva difficilement et se dirigea vers son atelier, il se saisit d'une planche de bois qu'il coupa et ponça soigneusement pour en faire une plaque rectangulaire lisse et aux bords arrondis. Il en décora les côtés en taillant le bois pour donner une forme de rose sur chacun des quatre côtés, ensuite il grava sur cette plaque un message afin que ceux et celles qui habiteraient ici après lui sachent qu'il y a eu en tout premier un homme, une personne et qu'ils sont en quelques sorte ses descendant vivant dans son héritage :

« Je fus ici le premier qui vécut dans cette demeure depuis très longtemps, j'ai travaillé toute ma vie à sa réparation, son embellissement et son entretien. Je vous la laisse désormais car si vous lisez ceci c'est que vous profitez désormais de mon héritage. Jouissez-en le plus longtemps possible et transmettez cet héritage aux générations à venir ».

Une fois le message gravé l'ancien vernis sa plaque de bois et la fixa sur le mur à côté de la porte d'entrée, il la fixa de sorte à ce que nul ne puisse l'enlever afin que cette plaque demeure à sa place jusqu'à la fin.

Il regarda alors son travail, son œuvre, celle qui complète une vie de travail en ce lieu. La vue de cette plaque sur le mur emplit l'ancien de fierté, la fierté d'avoir mené, grâce à son ami Ajax une vie jusqu'à présent comme il le voulait, cette plaque en signifiait l'aboutissement mais alors qu'il l'observait encore il fut tiré de son observation par une odeur étrange, une odeur de...brulé.

Affolé sur l'ancien sortit à toute vitesse de sa maison pensant que c'était ses terres qui brulaient.

Une fois dehors l'ancien vit effectivement une fumée d'incendie abondante mais à sa grande surprise ce n'était pas ses terres qui brulaient, après en avoir la certitude il fit rentrer le plus vite possible ses bêtes dans son étable pour les mettre à l'abris, il en fit de même pour ses animaux de compagnie qu'il enferma chez lui.

          

Il décida ensuite d'aller voir la source de cette fumée afin de savoir si l'incendie pouvait présenter un danger pour sa demeure.

En suivant la fumée il arriva à un point situé en hauteur à quelques pas de ses terres, il s'agit là d'un endroit que l'ancien connait bien car c'est en effet ici que durant des années l'ancien venait se reposer et admirer la vue de la nature mais aussi celle du village situé plus loin en contre bas, depuis ce lieu l'ancien avait une vue parfaite sur l'intégralité du village. C'est en utilisant cette vue imprenable sur le village que l'ancien vit une vision d'horreur, les grands champs de son village étaient en feu, le brasier était en train de consumer l'intégralité des champs et se rapprochait dangereusement des silos à grain et entrepôt où était stocké les réserves alimentaires du village.

Depuis son poste d'observation l'ancien pouvait voir que les villageois qui tentaient tout ce qui était possible pour stopper sa progression mais toute tentative était vaine, le feu se propageait inexorablement et attaqua les réserves du village. Bientôt il ne leur resterait plus rien et l'ancien le savait, il savait aussi qu'il devait intervenir, il le voulait mais...il ne le pouvait pas, son corps était figé comme tétanisé par ce qu'il voyait : son village en train de brûler. Dès l'instant que la stupéfaction était passée l'ancien se précipita aussi vite que son corps âgé et marqué par le temps et l'effort répété lui permettait. Lorsqu'il arriva au niveau du village il n'y avait plus de feu, les villageois n'avaient pas réussi à l'éteindre non en réalité le feu s'était éteint de lui-même car il n'y avait plus rien à brûler...toutes les récoltes, les champs, rien il ne restait plus rien et il n'avait pu rien faire. Il savait que rester ne servirait à rien, il savait qu'a la moindre tentative d'aide les mêmes réponses fuseraient : « pas le temps », « va voir ailleurs », « tu ne vois pas qu'on est occupés », « on n'a pas le temps pour toi ». Plutôt que d'espérer un résultat différent l'ancien a préféré rentrer chez lui.

Ce que l'ancien savait c'est que la perte de ces récoltes était catastrophique, ce qu'il ne savait pas c'est que les habitants n'avaient aucun moyen rapide de restaurer leurs réserves. L'hiver approchait à ce moment-là, la récolte précédente était la dernière avant la venue de l'hiver, qu'importe comment le feu a pu prendre il fallait trouver une solution.

Physiquement l'ancien ne pouvait pas être d'une grande aide, il était âgé et son corps ne supportait que peu d'efforts désormais, ce n'est qu'en rentrant chez lui qu'il trouva une solution qui pouvait aider tout le monde, il savait qu'après une telle catastrophe les habitants du village allaient se réunir et former un conseil pour trouver des solutions, c'est là qu'il devra proposer son idée.

L'ancien possédait des champs très fertiles et son travail, dur et de plus en plus complexe avait néanmoins de bons côtés comme notamment le fait qu'il produisait plus de récoltes en tout genre que nécessaire pour lui, habituellement il les vendaient à des commerçants mais là il allait tout donner, tout ce qu'il avait en trop, blé, fruits, légumes, viandes, il n'y en avait bien sûr pas assez pour tout le village et pour tout l'hiver mais avec ses contacts commerciaux l'ancien pouvait envoyer un message et faire venir des chariots de nourritures diverses en moins de trois mois les réserves du village seraient entièrement restaurés.

Ainsi l'ancien persuadé d'avoir trouvé la solution à tous les problèmes posés par cet incendie se précipita aussi vite que possible jusqu'au centre du village, lors de son arrivé il n'y avait personne, il trouvait cela étrange ils devraient être en plein conseil, la nuit été tombée et, ironie du sort la pluie commençait à tomber également.

L'ancien fit le tour du village, il ne trouva personne, aucun homme, aucun adolescent seulement des femmes et des enfants. Quelque chose n'allait pas se disait-il, « ils n'ont quand même pas put prendre une décision aussi vite, je ne suis partit que quelques heures ! ».

L'histoire de toutes les finsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant