Abigail quitta sa maison en chemisier le lendemain matin. Elle avait laissé son manteau à la galerie la veille. Le vent de l'hiver s'engouffrait dans le satin sans demander de permission. Suzie ne serait pas là avant 9 heures et elle était la seule à avoir la clé du vestiaire. Il faudrait donc qu'elle passe récupérer son manteau plus tard. Les rues des Lanes étaient désertes et la pluie avait finalement cessé. L'odeur des pavés humides tapissa ses narines. Elle acheta un semblant de petit déjeuner sur le chemin. Elle passa devant la galerie peu après 8 h 30 et aperçut Stella qui sortait d'un taxi. Son amie lui fit un signe de la main, Abigail trinqua en l'air avec son immense gobelet de café.
— Merci de ton aide pour le rangement hier soir, ironisa Stella, t'étais passée où ?
Abigail leva les yeux vers les fenêtres du premier étage.
— T'as couché avec Francesco ?
— Tu devrais parler plus fort, je crois qu'il y a une dame au sixième étage qui ne t'a pas bien entendue. Et pour ta gouverne, j'aurais bien aimé, mais il s'avère que Francesco et moi, on chasse le même gibier.
— Non ?!
— Ça va, il faut t'en remettre. Je te raconterai, mais là je dois filer. On se voit plus tard ?
— Ça marche. Bonne journée !
Le rire de Stella résonna dans la rue tandis qu'elle s'accroupissait pour insérer sa clé dans la serrure de porte en verre. Elle alluma les spots et la galerie se réveilla. À l'étage, Francesco émergeait lui aussi. En se dirigeant vers les fenêtres, il aperçut les rues qui commençaient à se remplir. Il sourit et se dit qu'il avait quatre semaines devant lui pour profiter de ce que Brighton avait à offrir. Il devait d'abord faire le point avec la galeriste sur les commandes enregistrées la veille.
Une demi heure plus tard, son étiqueteuse dans une main, et un stylo dans l'autre, Stella rayait les commandes gribouillées la veille sur son bloc-notes au fur et à mesure qu'elle les enregistrait dans son ordinateur. Elle avait déjà préparé plusieurs étiquettes « vendu » à coller sur les cartels des photographies réservées. Le bureau de Stella était à son image. Coloré, chaotique aux yeux du commun des mortels, mais étonnamment organisé. On frappa doucement à la porte.
— Qui est-ce ?
— Francesco.
— Entre, entre, je t'en prie.
Le photographe entra dans le bureau et referma la porte derrière lui avant de venir s'asseoir face à la galeriste. Ses yeux furent rapidement attirés par les nombreux post-il de couleurs vives collés çà et là sur le bureau, sur le mur et sur l'écran de l'ordinateur. Un joyeux arc-en-ciel. Il aperçut, sur le meuble derrière le bureau, plusieurs chutes de tissus, des patrons, et une boîte pleine de boutons.
— Comment vas-tu ce matin ?
— Bien, merci. Tu as pris beaucoup de commandes hier soir ?
— Oui, une dizaine.
Elle montra fièrement à Francesco la pile de contrats sous son coude.
— Stella, je dois te dire merci. C'est grâce à toi.
— C'est mon travail, et tout le plaisir est pour moi. Tu es très talentueux.
— Grazie.
— Tu es sûre que ça va ?
— Oui oui, j'ai juste... bu trop de champagne hier.
Stella ne put s'empêcher de sourire. Elle fouilla dans les tiroirs de son bureau et sortit une plaquette de cachets blancs.
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Dans Une Autre Vie
RomanceAprès le divorce de ses parents lorsqu'elle était adolescente, et plusieurs chagrins d'amour douloureux, Abigail a décidé que l'amour était surfait. Indépendante, désinvolte et heureuse, elle entend bien mener sa vie librement, résolument tourn...