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Je fais les cent pas, je n'ai pas enlevé ma veste ou mes chaussures.
Qu'est-ce que je dois faire ?
Il était juste là, a quelques pas, j'aurai pu l'atteindre et je me maudis. Je voudrais être foudroyée sur place pour ne pas avoir daigné bouger.

Je me ronge les ongles tellement fort en tournant en rond dans mon appartement que je m'en fais saigner le pouce.
Je m'écroule finalement sur le canapé et laisse les larmes dévaler mes joues.
Je me sens mal. La sensation est telle que j'ai l'impression que l'on m'arrache les membres un par un.

L'envie de le retrouver est plus forte que tout mais je ne cesse de me faire violence pour rester allongée là, à souffrir. Je me répète comme une litanie que ça ira vite mieux alors qu'au fond de moi, je ne suis vraiment sûre de rien.
Je pleure longtemps, couchée en position fœtale sur le canapé.

Est-ce qu'il vient souvent en bas de chez moi ? Peut-être que ça fait des soirs qu'il vient en taxi pour observer mes volets fermés. Cette idée me rassure un peu, puis la colère et la tristesse me gagnent à nouveau. Dans un élan de désespoir, je saisis de mon téléphone.

- Charlie ?
- Maman..., dis-je en éclatant une nouvelle fois en sanglots.
- Ma chérie, qu'est-ce qu'il se passe ?, s'inquiète-t-elle.

Je me redresse sur le canapé. Il y avait bien longtemps qu'elle ne m'avait pas donné ce surnom, ça fait battre mon cœur d'une douce façon, lui donnant un peu de répit.

- Est-ce que je peux dormir chez toi ce soir ?

Mes larmes ont cessé de couler lorsque je sonne à la porte d'entrée de la maison de ma mère. Il est tard mais elle a accepté de me recevoir et m'a attendu.

Elle m'ouvre vêtue d'une robe de chambre surmontée d'un peignoir et me prend immédiatement dans ses bras.
Je la sens trembler légèrement tout contre moi, cette étreinte a des airs de retrouvailles. Elle m'adresse un doux sourire et m'invite à monter à l'étage.
Le rythme de mon cœur dégringole quand je me remémore Eunwoo me suivant dans le couloir, découvrant la maison où j'ai grandi.

Ma mère me laisse me dévêtir dans la salle de bain pendant qu'elle m'attend dans ma chambre d'adolescente.
Nous ne nous sommes adressés presque aucun mot depuis que j'ai franchi le seuil de la porte d'entrée, et je suis un peu surprise que les choses se fassent si naturellement entre nous, surtout après s'être perdues au milieu de la catastrophe qu'est notre famille.

J'entre dans mon ancienne chambre non sans avoir jeté un coup d'œil à la porte de la chambre de mon frère.
Je m'installe dans mon lit et ma mère s'installe sur le bord de celui-ci.

Elle caresse doucement mes cheveux en souriant. Je me sens toute petite, je retombe en enfance et ressens la portée du lien qui m'unit à ma mère. J'avais oublié ce que c'était que de sentir cette aura maternelle tout autour de soi.

- Je fais tout de travers maman, je murmure.

Une larme s'échoue sur l'oreiller. Je suis fatiguée de pleurer. Je me sens bête et esseulée, mais le dos de la main droite de ma mère efface le chemin mouillé qui s'est tracé sur ma pommette.

- Je me souviens qu'à ton entrée au CP, tu étais la seule enfant de ta classe à ne pas pleurer quand je t'ai laissé a l'école. Tu sais ce que je me suis dit ce jour-là ?, je secoue doucement la tête en reniflant, que tu allais être un petit bout de femme forte, et j'ai ressenti une immense fierté. Je n'ai jamais douté de ta force depuis.

Évidemment, j'ai déjà plusieurs fois entendu cette anecdote de la bouche de ma mère, elle ressortait souvent pendant les repas de famille et pour rabattre les oreilles de nos proches amis.

Ce que ma mère ne sait pas et que l'anecdote ne dit pas, c'est que la veille de mon entrée en CP, je m'étais faufilée dans la chambre de mon frère et avais rejoins son lit. J'étais pétrifiée à l'idée d'aller à l'école et d'affronter une nouvelle classe. Je me souviens que trouver le sommeil était impossible.
Mon grand frère m'avait longuement rassurée et m'avait fait promettre de penser à lui, juste avant de quitter maman devant la classe. Il disait qu'il le sentirait et qu'il empêcherait mes larmes de couler.

What's left of us - Cha EunwooOù les histoires vivent. Découvrez maintenant