Nous nous hissions a travers la neige et les roches du Mont Écarlate a l'aide de nos cordes d'artères, les flocons de la tempête triplaient de taille, nous fouettant les quelques parties de peau a découvert en nous les écorchant. Reculer n'étais pas une solution. Mourir étais encore moins permis. Julien était juste derrière moi, s'agrippant -comme le pauvre jeunot le pouvait- a l'artère que nous utilisions comme corde de rappel en plantant nos piolets dans la roche. Cinq mètre plus loin Markus se tenait a la même corde que nous, se démenant comme il pouvais. Je sentais l'artère se raidir sous notre poids. La corde émettait des bruits inquiétants de craquements, je sus que l'on était foutus lorsque le sang de la corde jaillit sur mes doigts gelés et presque nécrosés. Julien sentait lui aussi la corde devenir plus tendue et entendait a son tour les petits bruits des tissus organiques se déchirant petit a petit. Je senti encore un lambeau de ma peau se faire arracher par la grêle. Je saignais plus abondamment que la dernière fois. Bien plus. Je réfléchis un instant et me rendis compte qu'un grêlon ordinaire n'aurais jamais arraché une si grande surface. Un frisson parcouru mon dos, en levant la tète, je ne pu que crier. Les autres gars ne pouvaient pas m'entendre a cause du blizzard, je bondissais sur la coté gauche, m'agrippant a la corde comme a un amour de jeunesse. Julien manqua sûrement le rocher de peu lors de sa chute, pas Markus. Mes lunettes étaient fissurées a cause d'un autre morceau de pierre gelée. Markus restait accroché a la corde a cause de son harnais, assommé ou mort, je ne le saurai jamais, et je préférerai rester ignorant ace sujet. Je voyais l'artère se déchirer. La corde allais céder, j'entendais a peine le beuglement de Julien, la voix si cassée qu'elle se brisait a peine sortie de sa gorge, mais je devinais assez aisément ce qu'il me hurlait. La neige étouffait nos paroles, mais pas notre raison.
Alors que mes pieds-que je ne sentais même plus- s'enfonçait dans la neige, je passai rapidement mon sac sur l'épaule droite, le déséquilibre manqua de me faire tomber dans le précipice, alors je balançai mon pied droit pour l'enfoncer dans ce que je devinais être une fente dans la roche. Moi -et tout ceux parmi nous qui respiraient encore- avions du sectionner 3 fois la corde pour laisser tomber les cadavre -ou du moins ce que nous pensions en être- dans l'abîme blanc. Je m'arrêtais dans l'escalade pour ouvrir la seconde poche du sac de 32kilogrammes, plantant mon piolet dans la roche la plus solide que je trouvais et y accrochant ce qui restait de la corde, priant un dieu inconnu pour qu'elle tienne. Mes muscles hurlaient, tandis que je faisait des efforts surhumains pour rester agrippé aux rochers. Je me sentais comme une souche face au vent violent, prête a tomber a tout instant, si violent que je sentais les roches dans lesquelles je plantais mes doigts -la chair a vif- lentement se craqueler pour nous laisser tomber. Même si je ne le sentais pas je vis mon canif tomber dans ma main -sûrement a cause de la nécrose. Sans aucun remord, je le laissai tomber un mètre plus bas, sans jamais tourner la tète, je pense qu'il atterrit dans la main de Julien. Il avait encore un peu d'humanité, il hésita trois secondes environ avant que nous ne sentions la corde se détendre brusquement et nous permettre de continuer l'escalade.
Mon piolet était presque brisé, l'autre perdu dans les limbes blanches, alors j'utilisais juste le manche qu'il me restait. Je voyais l'artère s'élargir au fur et a mesure que l'on grimpait avec. L'artère commençait a se diviser en deux, puis en quatre, puis en huit, jusqu'à avoir une centaine de veines et d'artères auxquelles s'accrocher pour grimper dans la neige devenant écarlate au fur et a mesure que nous arrivions au sommet. Autour de nous la neige devenais rouge, les vaisseaux sanguins se trouvant a peine quelques millimètres sous la neige, chaque pas sectionnait des vaisseaux ce qui entraînait une coulée de sang. Au point où nous ne savions plus a qui appartenait le sang qui tachait toute notre tenue. Le terrain devenait autre chose qu'un coteau vertical de roches et de glace, nous étions dans une pente.
Un grêlon de quelques grammes brisa définitivement mes lunettes. La neige dans les yeux je me décidais a en finir vite, je ne devais pas tomber. A l'aveugle je traînais ma carcasse, attrapant des rochers tranchants comme des lames, continuait, encore et encore; Glissai. Mon corps ne tenait plus, j'arrivais a peine a faire un mouvement pour m'empêcher de tomber moi et Julien dans le gouffre blanc. Ma descente fut stoppée par un rocher, la douleur ne faisait qu'un avec le fait de bouger, respirer, vivre. Le blizzard englobait tout, absolument tout. Je ne voyais plus Julien et priait encore un dieu quelconque pour que ma chute n'ai pas mené a sa perte. Je trouvais un passage moins abrupt en tâtant autour de moi et décidai de m'y aventurer. Ce serait sûrement notre dernière chance d'atteindre la Corruption théorisée au sommet du Mont Écarlate. La pente était moins abrupte, avant de ne devenir qu'une plaine entourée par le blizzard, du blanc, du blanc du blanc. Je n'aurai jamais imaginé que la pire vision d'horreur que j'aurais un jour soit un précipice blanc tout autour de moi, une neige a l'odeur métallique.
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C0rrüpţïon
ParanormalUne montagne sanguinolente, des cubes noirs volants, une appartement aux dimensions non-euclidiennes.. Au fur et a mesure que le monde évolue et devient plus immaculé, ses failles deviennent de plus en plus visibles, la réalité se corromps petit a p...