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Lorsque David ouvre les yeux, son regard se porte immédiatement sur l'œil. Il ne peut pas vraiment faire autrement, il l'a placé sur le bureau qui est en face de son lit. Il a la désagréable impression d'être observé, un sentiment qu'il tente de chasser de son esprit, parce que cela n'a aucun sens. Ce sont les autres qui lui ont mis cette idée en tête. Il passe par la salle de bains et, lorsqu'il en ressort, il prend bien soin de nouer la serviette autour de sa taille. Instinctivement, il n'a pas envie de se montrer nu devant l'œil. Il s'habille comme il le ferait dans le vestiaire d'une salle de sport, sans montrer quoi que ce soit pouvant contrevenir à la vertu. Une fois en tenue, il s'approche de l'œil : « Tu préfères quand je suis en Quentin ou en moi ? ». Puis il sourit, face à sa propre folie. Il est en train de parler à une pierre, comme si elle pouvait lui répondre.

Arrivé au café Cat's Eye, il n'y a pas une minute à perdre. De nombreux clients sont déjà attablés, pour prendre leur café et, parfois, une pâtisserie. Pendant une heure Maryline et lui s'affairent, avant que l'affluence ne retombe et les laisse un peu souffler.

– Tu penses que madame Ducreux a dit quoi à son mari ?

– Je ne sais pas. Peut-être qu'elle l'a transporté jusqu'au lit, pour qu'il se réveille sans se douter de rien, imaginant qu'il a trop bu au point de ne pas se souvenir de la veille.

– Il pèse cent tonnes.

– Madame Ducreux n'est pas à court d'idées. Et elle a un certain don pour la manipulation, je suis sûr qu'elle sait parfaitement comment y faire pour que son mari ne pose pas de questions.

Pascal entre dans le café, ordinateur portable sous le bras, comme toujours.

– Alors, bien dormi sous la surveillance de l'œil ?

– Arrête avec ça, il ne nous regarde que quand il s'ouvre.

– Tu me rassures, tu n'es qu'à moitié fou. Il est où ?

– Dans mon appartement, pourquoi ?

– Et si quelqu'un venait le voler ?

– N'importe quoi. Il faudrait savoir qu'il se trouve là. Si un voleur entre dans mon appartement il va prendre le MacBook, peut-être les quelques euros que j'ai dans le tiroir. Mais dans l'œil il ne verra qu'un bibelot sans valeur.

– On ne sait pas si d'autres personnes ne seraient pas à la recherche de l'œil.

– Ah oui, il y a peut-être un complot mondial.

– Je ne rigole pas, David.

– Tu ne veux pas de cette mission. Si l'œil était volé, il n'y aurait plus rien à faire, donc sois content.

Il s'assoit à la table habituelle, inutile de répondre, ce débat pourrait être sans fin. Maryline apporte trois tasses de café.

– Bon, je n'ai pas réussi à dormir de la nuit.

– Moi non plus.

David ne dit rien, apparemment il a pu dormir.

– J'ai eu le temps de faire des recherches.

– Sur l'œil ?

– Non, Maryline, sur le temple qui se trouve sous la cour Napoléon. Merci, David, de m'avoir laissé fouiner dans ton disque dur.

– J'aurais pu t'en empêcher ?

– Non, tu n'as aucune sécurité sur ton ordinateur, mais je préfère demander quand je connais la personne que je vais hacker. Bref, tu as les relevés topographiques qui ont fait hésiter monsieur Pei. Ce n'est pas super clair.

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– Ils ont été réalisés il y a longtemps.

– Ils nous aident juste un peu. J'ai préparé une modélisation en trois dimensions.

Il tourne l'ordinateur vers les deux autres complices. À l'image, la cour Napoléon et surtout ce qu'il y a en dessous.

– Comment tu connais les dimensions du temple de Lheureux ?

– Tu l'as écrit dans tes dossiers, l'arc du Carrousel devait servir de porte d'entrée. J'ai donc demandé à l'intelligence artificielle de me sortir les mesures exactes à partir de ces données.

– Tu es pour l'intelligence artificielle ?

– C'est un gain de temps. Et c'est comme tout, si on l'utilise bien et intelligemment, ça ne peut pas faire de mal.

– Le trait jaune, c'est le tracé de la ligne une du métro ?

– Tout à fait Maryline.

– Elle contourne bien le temple. Donc les architectes de ce métro, eux aussi, connaissaient sa présence.

– J'ai les relevés faits à l'époque, ils mentionnent juste « obstacle », sans en dire plus. Peut-être qu'ils ont simplement vu un gros rocher difficile à percer et qu'ils ont donc dévié la trajectoire, légèrement. Bon, il nous manque quand même l'essentiel.

– Qui est ?

– Est-ce qu'il existe une porte d'entrée pour ce temple et où se trouve-t-elle ?


David n'écoute pas. Il regarde la modélisation en trois dimensions.

– Tu es allé dans les détails. Surtout pour le tunnel du métro.

– Pour le coup, l'ensemble est parfaitement répertorié. Les ingénieurs ne laissent rien au hasard. Je t'ai autorisé à pianoter sur mon clavier ?

– Pardon, monsieur le psychopathe.

Pascal reprend le contrôle.

– Qu'est-ce que tu veux ?

– Est-ce qu'on peut retrouver les normes en vigueur, à l'époque de la construction, pour le percement d'une ligne de métro ?

– Qu'est-ce que tu cherches à savoir exactement ?

– À quoi peux-tu accéder ?

– À tout.

– En hackant encore des serveurs.

– Bon, tu veux savoir quoi ?

– Quand je prends le métro, je vois régulièrement, sur le parcours, des sortes de renfoncements, creusés dans la roche. Pour se mettre en sécurité, certainement en cas d'incendie. Ou alors ce sont les évacuations pour l'air, je ne sais pas, mais c'est placé sur l'ensemble de la ligne.

– Super précise ta recherche.

Malgré cela, il ne faut à Pascal que quelques secondes pour trouver des informations.

– Voilà les normes pour les postes électriques. Ils doivent être placés à plusieurs endroits sur le parcours, le métrage est précis.

– Et les évacuations de l'air ?

– On dirait que ça dépend du terrain et évidemment de ce qu'il y a au-dessus.

– Tu peux les identifier sur ton modèle 3D ?

– On va gagner du temps, voilà les dessins de la ligne une du métro, pour servir à sa construction.

David s'approche de l'écran.

Près de minuitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant