1 [version finale]

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ALYA

   J'ai été contrainte de déménager à Bordeaux sous l'ordre de ma mère à cause de sa soi-disant promotion professionnelle ce qui équivaut en réalité à une fuite de notre part. Si je m'abstenais de mentir pour une fois, je dirais que c'est de ma faute si nous nous retrouvons dans cette nouvelle ville.

   Nous avons quitté Tours sans grands regrets. Sauf peut-être par rapport à ma meilleure amie – pour ne pas dire ma seule amie –, Rose, pour ma part. Elle est restée dans notre ancienne ville, qui m'est synonyme de souffrance, à Tours, tout comme mon petit ami. Lorsqu'il a appris mon départ, il était furieux. Il prétendait que s'il n'était pas à mes côtés, j'allais finir dans le lit d'autres hommes. Comme si je n'avais que ça à faire de ma pauvre vie. Je soupire à la pensée de mon « petit ami », je me demande toujours pourquoi je reste à son bras, mais la réponse m'est flagrante ; je veux avoir une échappatoire, c'est la seule chose que je demande, même si elle est médiocre.

   Aujourd'hui, ma mère m'a proposé de faire un tour en ville pour nous familiariser avec notre nouvel environnement, ce que j'ai accepté gaiement. Avant de partir, je jette un dernier regard dans le miroir. J'ai laissé mes longs cheveux libres, ils sont, de toute manière pratiquement impossible à dompter. Je m'observe quelques secondes, puis, lassée par la couleur de mes yeux bleu lagon, je fronce les sourcils à mon reflet et j'entreprends de rejoindre ma mère.

   Je la trouve debout dans le salon à m'attendre. Elle est magnifique, avec ses yeux bleu-gris et ses cheveux noir de jais dont j'ai hérité. C'est d'ailleurs la seule véritable similitude physique que j'ai avec elle, et je suis déçue de ne pas ressembler davantage à ma mère. J'aurais tellement aimé avoir ses traits plutôt que ceux de mon géniteur. Quand j'aperçois mon visage, je vois celui de mon paternel, et cela, me dégoûte du plus haut point. Les cheveux de ma mère sont lisses et retombent gracieusement sur ses épaules frêles. Cela fait bientôt deux mois que nous nous sommes installées à Bordeaux, pourtant elle a beaucoup de mal à retrouver sa forme physique d'antan dont je n'ai pratiquement aucun souvenir tant que cela fait de temps. Elle mange à peine ce qu'elle cuisine. Je la comprends et je ne perds pas espoir en elle, je sais qu'elle finira par y arriver, par se libérer des chaînes qu'il a créées autour d'elle pour l'emprisonner.

   — Alya, enfin ! Tu as mis du temps, j'ai bien cru que j'allais devoir... s'exclame-t-elle en m'apercevant.

   Je lui coupe gentiment la parole pour terminer sa phrase :

   — ... appeler les pompiers, je sais. On y va ou pas ?

   — Oui.

   Avant de partir, j'attrape un cookie géant sur le plan de travail, mon péché mignon, et je file à l'extérieur, suivie de ma Maman. Elle cuisine toujours cette pâtisserie car c'était la seule chose qui nous rapprocher quand j'étais enfant, elle n'était pas capable de s'occuper de moi correctement à cause de lui.

   Après un court trajet en voiture, ma mère se gare et nous sortons pour commencer notre visite du centre-ville. Nous ne sommes pas très loin de l'océan ce qui nous permet d'entendre le bruit des vagues qui s'échouent contre les rochers avec violence. L'air frais que je reçois sur mon visage est piquant, des grains de sable le composent sûrement. Elle essaie de faire la conversation avec moi :

   — D'ailleurs, tu sais que tu intègres ton nouvel établissement scolaire dans trois jours.

   — Hum, je grommelle.

   Je déteste penser à ça, car je ne pourrais pas être à ses côtés, je ne serais pas en mesure de la protéger.

   — Alya, tu pourrais faire un effort quand je te parle !

   — Quoi ?

   — L'école dans laquelle tu entreras lundi est un internat. Tu reviendras à la maison le week-end.

   Je manque de m'étouffer avec ma salive. Un internat ? Le fait qu'elle m'ait inscrite dans un internat sans même m'en parler me fait l'effet d'un véritable coup de poing. Veut-elle à ce point prendre ses distances avec moi ? Je sais que ce n'est pas une situation simple, mais je pensais, non, je ne pensais rien. Je ne peux pas lui en vouloir de souhaiter s'éloigner de moi, pas après ce que j'ai fait. Chaque nuit, mes actes me hantent, je ne peux pas m'en débarrasser et je sais que pour elle c'est pareil. Elle me regarde avec un air innocent :

   — Je ne t'en avais pas parlé ?

   — Non ! Mais ça ne va pas ! Un internat ? Je n'irai pas ! Si tu cherchais à plomber l'ambiance, c'est réussi ! Bravo à toi ! dis-je en haussant le ton malgré moi.

   — Mais je rêve, Alya, je suis ta mère, donc tu t'adresses à moi autrement, sinon ça va mal aller pour toi. Et on verra si tu rentres à la fin de la semaine, je n'en ai plus très envie maintenant, dit-elle d'une voix tremblante.

   Je reste muette le reste de la journée, même si je sais qu'elle s'en veut, ses propos m'ont vexé. Mais je sais au fond de moi que je ne suis pas légitime, même si tout ce que j'ai fait dernièrement, c'était pour elle.

   Une fois rentrée chez moi, j'appelle Max. Il ne répond pas, mais il m'envoie un message quelques minutes plus tard. Une échappatoire, tu parles.


Max : Qu'est-ce que tu veux ?

Moi : J'avais envie de te parler Max, je peux t'appeler ?

Max : Je suis occupé plus tard si j'ai envie

Moi : OK. Tu fais quoi ?

Max : Je suis avec quelqu'un

Moi : OK. Qui ?

Max : T'a pas à savoir mêle toi de ton cul

Moi : Ah, d'accord.


   Frustrée, par l'attitude de mon copain médiocre que je devrais quitter,j'attrape un deuxième cookie que je mange en quelques secondes. Max ne devraitpas faire partie de ma vie, seulement une présence masculine me fait du bien.Même après tout ce que j'ai vécu, je n'arrive toujours pas à me défaire du sexemasculin.

Secrets bien gardés [Edité sur Amazon]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant