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J'enfilai une longue robe noire démodée qui trainait dans le fond de mon armoire. Non sans mal, je parvins à attacher mes cheveux en une haute queue de cheval. J'avais l'impression que toute ma force s'était retirée de mon corps. Je n'étais qu'une coquille vidée de toute joie. Seules, la tristesse, l'incompréhension et la rage étaient encore présente en moi.

Comment vais-je faire sans toi ? Toi qui étais mon point de repère dans ce monde cruel. Toi qui étais la dernière personne qui me restait. Pourquoi es-tu parti si rapidement ? Pourquoi m'as-tu laissé toi aussi ? Pourquoi t'es-tu interposée face à cette balle ? Qu'est-ce qu'il t'a pris de faire ça ? Tout ça pour tenter de sauver un inconnu et au final tu t'es sacrifiée pour rien. Tu pensais que l'enflure qui t'a tirée dessus allais s'arrêter là ? Bah non, il a continué et le gosse est mort lui aussi.

Sous le coup d'une impulsion, je frappai le miroir qui se brisa en mille morceaux. Le sang commença à couler le long de mes phalanges. Je restai figée, la main collée au miroir brisé. Les images de son corps couvert de sang et figé défilaient en boucle dans mon esprit. Le son du coup de feu résonnait en boucle dans ma tête. Un nouveau sentiment commença à faire son apparition : la vengeance.

Je voulais que ce soldat paye pour le crime qu'il avait commis. J'aurais voulu qu'il puisse ressentir la même souffrance que celle qui m'accablait actuellement. J'avais envie que ces maudits bourges qui nous gouvernaient subissent la conséquence de leurs actes. C'était à cause de leur maudite guerre interminable que des innocents mouraient chaque jour. C'était de leur faute si nous vivions dans la misère depuis des années.

Comme toujours, c'était le bas peuple, dont nous faisions partie, qui payait la stupidité de leurs conflits de notre sang. C'était toujours nous qui étions sacrifiés pour des causes qui n'en valaient pas la peine et ce depuis des générations. Tout ça pour quoi ? Pour le pouvoir ? Pour satisfaire les pulsions de personnes nées avec des cuillères en argents dans la bouche ?

Je détestais ce pays. Je ne supportais plus le pouvoir tyrannique qui nous exploitait depuis des siècles. Je haïssais notre roi qui ne pensait qu'à assouvir sa soif de pouvoir peu importe la conséquence que cela pouvait avoir sur nos vies.

Lorsque mon regard se posa sur le reflet que le miroir brisé m'offrait, un mélange de pitié et de dégout m'envahis. J'étais encore plus pathétique que je ne l'imaginais. Malgré que je me fusse appliquée à me coiffer, mes mèches blondes polaires se rebellaient ce qui me donnait un air négligé. Mon attention se posa sur ces yeux qui fascinait tant ma mère de par leurs couleurs uniques. J'avais les yeux vairons. Mon œil gauche était bleu tandis que le droit était marron.

Contrairement aux autres qui voyaient mes yeux comme l'incarnation du mal, ma mère et mon frère avaient toujours pris ça pour un don de la nature. Seulement aujourd'hui je doutais que ce regard fut un cadeau. À cause de cette particularité, personne n'osait m'approcher par pur superstition. D'autant plus que je venais de perdre le dernier être qui m'était cher. Pour nos semblables cela était la preuve que je portais malheur.

Un raclement de gorge me sortis de mes pensées. Je me retournai et me retrouva face à vieil homme. À la vue de ses vêtements, je déduisis qu'il s'agissait du prêtre chargé de présider la cérémonie. Son visage se décomposa lorsqu'il remarqua l'état de ma main. Cependant il ne fit pas de remarque là-dessus.

— Nous sommes prêts mademoiselle, m'informa-t-il, un sourire compatissant au visage.

J'acquiesça d'un mouvement de tête, pris une grande inspiration et le suivis vers la sortie de notre petite maison. Nous marchâmes ensemble en silence jusqu'au cimetière du quartier. Je n'aimais pas cet endroit. Le cimetière était entouré d'un muret surplombé d'une grille noire. Comme nous vivions dans un quartier pauvre, les tombes étaient simplistes et impersonnelles. Seul le nom gravé sur les pierres permettait de différencier les sépultures.

Ayla, Le pouvoir d'une vieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant