Chapitre 90 : Confiance

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(KEI)

A grandes enjambés, il revint sur ses pas. Passant la porte qu'Hozukin avait défoncé et transpercé, le conservateur était revenu à lui, l'air hagard, il parlait avec Charlie qui essayait de lui expliquer ce qui s'était passé. Ce dernier hochait la tête comme un enfant sans repère. Van était en nage mais debout. Un poids écrasant s'envola de sa poitrine.

Désorienté, Van l'interrogea du regard, essayant de donner un sens à tout ce qui venait de se produire.

Sa voix contrariée lui lança, accusatrice :

— C'était quoi ce truc, Van ? Tu nous avais pas dit que t'avais des attaques.

— Ça ne m'est arrivé que deux fois.

— Deux fois ? c'est déjà une de trop.

— J'espérais que ça ne se reproduirait pas aussi rapidement. Désolé.

Sa mâchoire contractée par la colère, ses lèvres restèrent closes. Van comprit ses sentiments, et le fixa sans ciller, attendant son verdict ou ses reproches, acceptant de subir sans tenter de se justifier plus. La tendance de Van à la cachoterie était vraiment insupportable.

Pourquoi cet abruti gardait-il tout pour lui ?

Ils étaient là pour l'aider mais en même temps, Charlie avait marqué un point la dernière fois. C'était un mécanisme de défense par peur d'être vu différemment, ou de ne pas vouloir devenir un poids pour ceux qui l'entouraient. Quand il lui avait demandé pourquoi il avait rompu sa Promesse avec Tess, cela avait été sa réponse. Il ne voulait pas devenir un fardeau pour elle. Malgré ses questions, Van ne s'était pas plus étalé là-dessus, disant simplement que ses priorités avait changé. Il n'avait pas insisté, considérant qu'étant donné son rapport au Sang Ancien, quelque chose l'avait fait douté de sa capacité à pouvoir pleinement s'intégrer au sein du Sang de Harlec.

A ce moment, il n'aurait jamais imaginé qu'il se voyait déjà un pied dans la tombe mais étant donné son pessimisme et son tempérament mélancolique, imaginer le pire était ce qu'il faisait de mieux. Rompre une Promesse était un suicide social. Si Van lui avait clairement dit ses intentions, il aurait essayé de l'en dissuader mais il s'était contenté de lui dire qu'il avait une affaire importante à régler à Remorum, après être venu dormir chez lui la veille. Après lui avoir proposé de l'accompagner, Van avait accepté mais sans en dire plus sur cette fameuse affaire. Tout le long du trajet en première classe dans l'IronGalaxy, dans leur cabine, Van était resté silencieux et pensif fixant les images de nuage diffusés sur les vitre-écrans de l'aéronef souterrain. Ce n'était que lorsque le Porte-Sceptre l'avait escorté en personne jusqu'à l'extérieur du Palais Fleuri avant de se détourner sans un mots après avoir craché au pied de Van avec mépris qu'il avait compris ce qu'il venait de faire.

La majorité des Familles Anciennes abhorrait Van de toute leur force à cause de cela. Même son arrière-grand-père, Kenji Endo, l'Aurarque de la Fédération d'Edo, avait accueilli la nouvelle avec un froncement de sourcil désapprobateur mais n'avait pas fait de commentaire par considération pour lui, comme Van était son A'shua Meno.

Peut-être bien que Van n'y pouvait rien. Incapable de réagir différemment. Et subir autant de rejet ne pouvait que laisser des marques profondes.

Ses peintures hideuses parlaient pour lui.

Par les cendres...

Une grande inspiration gonfla ses poumons alors que toute irritation s'étaient envolées. En même temps que cette impression d'avoir été trahi par manque de confiance. Comment lui en vouloir dans le fond ? Ils n'avaient pas vécu ces dix dernières années de la même façon. Il n'avait pas assisté à la mort de sa sœur dans la Niera avant d'être envoyé à Ulzayan pour subir l'Ultime Souffrance, tout en ayant risqué de se faire déchiqueté par le féroce Nemashaylan et poignardé à la sortie par les Expiateurs.

Après tout, il y avait une chose dont il ne pourrait jamais douté : la sincérité de ses sentiments. Mais les démons contre lesquelles ils combattaient étaient légion. Et sa capacité à gérer l'ensemble était admirable toute proportion gardée.

A lui de prouver à Van que cette relation d'A'shua Meno était encore plus profonde et réel que toute l'adversité de ce monde. Van lui confierait sa vie sans hésiter. Il l'avait déjà fait, c'était ainsi qu'ils avaient pu devenir des A'shua Meno. Et il avait fait de même.

Se rapprochant de lui, voyant une réelle appréhension dans ses yeux onyx, une tristesse le remplit. Être le Yen'doshushimu Tanakim était un fardeau. Et ne cesserait jamais de l'être. Comme une éclipse permanente malgré la présence d'un soleil radieux.

Ses doigts se refermèrent sur son épaule et sa voix lui dit avec sollicitude :

— Je comprends. Tu pourras toujours compter sur moi, A'shua Meno.

La mâchoire de Van se serra alors que ses yeux s'humectaient. Il hocha simplement la tête en inspirant profondément et posa à son tour une main ferme et pleine de reconnaissance sur son épaule qu'il pressa affectueusement.

Esquissant un sourire, dans un soupir de soulagement, Van lui demanda :

— Il a réussi à décamper, je suppose.

— Ouais malheureusement. Ce type n'était pas un eretsin.

— Un eretsin n'aurait pas pu t'échapper.

— Ça craint. J'ai perdu notre seule piste.

Ce sentiment d'échec était intolérable. Comment avait-il pu être plus lent que ce type ? Il avait l'effet de surprise pour lui et le fait qu'il sous-estimait ses aptitudes, les ignorant même, mais tout de même.

Il aurait dû faire mieux.

— Ne te bile pas, Kei. Tu as fait de ton mieux. On en trouvera une autre.

Si seulement... S'il continuait, ils allait empiéter sur l'enquête en cours et le Magister Magnus risquait de leur dire d'arrêter. Se mettre à dos le dirigeant de Kiona Paine n'était pas la meilleure stratégie pour un résultat optimal.

Ce genre d'opération devait se faire avec le moins de restriction et le plus de discrétion possible. Si cet homme avait été un simple dissident ou un ignemshir, le condamner à mort ou l'arrêter lui-même aurait été dans ses droits, car il était du Sang Ancien.

Sa mère aurait géré les aspects administratifs et légales et les Soleil-Loups l'interrogatoire. Ce n'aurait été qu'après cela qu'ils auraient dû le livrer aux Enquêteurs si son choix s'était porter vers une arrestation et interrogation plutôt qu'une peine capitale.

Etant donné qu'on ignorait qui était cet homme et qui le supportait. Car, il avait forcément un complice au sein de la schola qui lui avait permis d'accéder au deuxième sous-sol de la Fourmilière et un complice haut placé au sein du Noguem qui lui avait permis d'obtenir des informations sur l'existence même de ce second sous-sol. Une information dont même le Magister Magnus ignorait l'existence. Cela nécessitait d'avoir d'excellente connexion et un accès à des informations qui était sûrement classifiée ou enfuis quelque part dans les serveurs du Noguem Pourpre.

La Magister Magnus n'était arrivé à temps que parce que de son locus, ils avait perçu des fluctuations suspectes dans l'Ark qu'il connaissait bien, vu qu'il avait déjà combattu un ilqiari.

Charlie aida le conservateur au teint livide à se relever en leur déclarant :

— Ne vous en faites pas les garçons. On a eu exactement ce qu'il nous fallait.

Van et lui la dévisagèrent sans comprendre. Elle se contenta de leur sourire, ses yeux verts chatoyant de malice.

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Ignemshirs, La Saga des Sangs d'Airain, Tome 1 : Le Réveil du GémeauOù les histoires vivent. Découvrez maintenant