31. Emilia

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Shanice m'attend à la sortie du bus, adossée contre le panneau affichant en gros le nom de la station.

Je descends la dernière marche en balayant les environs du regard, à la recherche des deux autres membres de notre groupe.

— Tom et Nass ne sont pas encore arrivés, me dit Shanice, répondant à ma question sans que j'aie besoin de la formuler tout haut. Ils font un arrêt pour nous prendre des cafés à emporter.

Elle glisse son bras sous le mien et m'entraîne jusqu'au banc le plus proche.

— On va les attendre ici, m'annonce-t-elle en s'asseyant et en m'emportant dans son mouvement.

Tandis que mon postérieur rentre en contact avec le métal vert glacial, je jette un œil vers la route. J'espère qu'ils ne vont pas tarder, car il fait un froid de canard.

Les températures s'étaient radoucies ces derniers jours et d'un coup, on a perdu dix degrés. Un vrai bonheur.

Je plonge les mains au fond de mes poches et mon menton dans mon col fourré.

— Ils ne vont pas tarder, m'assure mon amie.

— On va croiser les doigts pour ne pas congeler sur place en les attendant.

Mon amie se met à rire.

— Pense à quelque chose qui te donnerait chaud, comme... Nalo, par exemple.

Elle accompagne ses mots d'un clin d'œil appuyé. Je ne peux m'empêcher de sourire.

— Classe.

Shanice affiche un petit sourire en coin.

— Bah quoi, il ne te donne pas chaud, le petit Nalo ?

Je sens mes joues rosir.

— C'est vrai que comme tu joues ta cachottière maintenant, on ne sait plus rien. On ne peut faire que des suppositions !

— On continue à s'envoyer des messages, je lui dis.

— Mais encore ?...

— On discute de tout, on se raconte nos vies, on rigole. C'est comme un confident, quoi.

— Un confident ? Hum... C'est pas un peu plus que ça ?

Bien plus que ça. Mais avouer tout ce que je ressens pour lui, ça me paraît impossible. Même à mes meilleurs amis. C'est arrivé tellement vite, mes sentiments sont déjà tellement présents que ça me paraît fou à raconter et encore plus fou à comprendre de l'extérieur. Du coup, je réponds à mon amie :

— Si, enfin, je ne sais pas trop. Je n'arrive pas vraiment à mettre de nom sur ce que je vis.

— Et sa voix est aussi sexy que dans ses vidéos ?

Je souris. Je pense à nos appels tardifs, lorsque Nalo sort de réunions qui se sont éternisées. Je suis obligée de parler à voix basse vu que tout le monde dort chez moi et Nalo se retrouve souvent, instinctivement, à parler tout bas comme moi.

— Oh oui, il a une belle voix grave.

— Et sa tête est aussi craquante qu'en vidéo ?

Je n'ai pas le temps de répondre qu'on n'a pas encore fait d'appels vidéos, qu'on entend les voix de nos amis nous appeler un peu plus loin.

Nassima brandit des gobelets en l'air en s'exclamant :

— On a de quoi vous réchauffer, les loulous !

Tom lève d'autres gobelets en imitant les mouvements de notre amie. En se marrant, Shanice et moi, on se lève pour les rejoindre.

— Bénis sois-tu ! s'exclame Shanice en tendant les bras vers Nassima.

— C'est un câlin que tu veux, c'est ça ? plaisante notre amie en la prenant dans ses bras.

— Tant que j'ai mon café juste après, ça me va.

Shanice récupère son gobelet et s'empresse d'en avaler une gorgée avant de proposer :

— Une matinée à patiner, ça vous dit ? La patinoire ferme dans deux jours, il faut clôturer cette saison en beauté !

La ville met en place une immense patinoire gratuite tous les ans, pendant la période hivernale, et si les après-midi, il y a foule, les matinées sont plutôt calmes, c'est là qu'il faut en profiter. Surtout qu'aucun de nous n'ayant la moindre compétence en patinage, plus on a de place, mieux c'est pour tout le monde !

La proposition nous ravit donc tous les quatre. On sait qu'on va rire.

— En route messieurs-dames ! s'exclame alors Shanice en se mettant à trottiner.

Les catastrophes commencent avant même de poser le pied sur la patinoire : je me renverse tout mon chocolat sur mon pull au moment où je veux poser mon gobelet pour enfiler mes patins. On rit si fort que je crains de me faire pipi dessus. Tom se dévoue pour m'éviter de mourir de froid : il me prête son pull (il faut dire qu'il a un manteau si fourré qu'on dirait qu'on y a mis la fourrure de toute une famille d'ours !)

Une fois sur la glace, je ne compte pas les gamelles qu'on cumule à nous quatre. Je crois même que ça en effraie certains, car au moment où on décide qu'on en a eu assez, il y a bien moins de monde sur la glace que quand on y est arrivés !

On se réfugie au chaud pour manger un burger avant de se faire un ciné. Le grand frère de Shanice travaille à l'accueil du cinéma et nous fait payer le tarif réduit, discrètement. On en profite ensuite pour se prendre, chacun, le pot de pop-corn le plus grand. Salé pour Nassima et moi, sucré pour Tom et Shanice.

Le film est un véritable navet, mais ça n'a pas d'importance. On rit tellement que Tom en renverse la fin de son pot de pop-corn. Shanice l'engueule si fort que des spectateurs se retournent et réclament le silence. Je crois que je vais me faire pipi dessus tant je me bidonne.

J'adore cette journée.

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