Au volant de sa Ford Focus, Stéphanie n'en pouvait plus d'attendre. Sa journée à l'hôpital avait été une vraie épreuve pour les nerfs avec les deux nouveaux cas de la nouvelle maladie contagieuse qui toucha l'Amérique du Nord. Elle eut le temps de prendre la moitié de son premier café et deux pommes en guise de repas pour son quart de travail de 8 heures. Dieu merci, elle réussit à éviter son chef de service avant que ce dernier ne lui demande – pour ne pas dire l'obliger – à prendre le quart du soir. Elle n'avait pas pris le temps de se changer; elle avait couru jusqu'à sa voiture, encore habillée de son uniforme tâché du sang de la journée. Une fois sortie du stationnement intérieur, elle souffla de soulagement. Hélas, ce soulagement fut de courte durée.
La PU-TAIN de circulation! Un trajet de 5 kilomètres ne devait jamais prendre plus de 10 minutes à faire à bord d'un véhicule de promenade roulant normalement à une vitesse de 100 kilomètres par heure en moyenne. Mais avec l'heure de pointe du début de soirée, la petite course pouvait prendre jusqu'à 4x plus de temps, dans le pire des cas, et le double dans le meilleur. D'après l'animateur trop enjoué à la radio, un accident juste à la sortie du pont ralentissait le flot de véhicules normalement déjà lent en temps normal. Mixé avec son compagnon de vie, depuis 5 ans, qui avait plié bagage il y a deux jours et sa hâte de partir du travail lui faisant oublier d'acheter des cigarettes, ce ralentissement lui fit l'effet de la pire des tortures.
Elle ferma l'autoradio de façon violente lorsque ce même animateur parla de la nouvelle épidémie frappant les jeunes enfants. Des informations et statistiques mal distribuer, se dit-elle. Trop de panique pour rien. Elle baissa la vitre et éteignit l'air conditionné. Un peu de monoxyde de carbone pouvait, peut-être, calmer son envie de nicotine. Elle prit le temps devant elle pour se rappeler le pourquoi du comment que sa vie passa du mode plaisant à un guidage en pilote automatique. Elle était tellement fière et pleine de bonnes intentions lorsqu'elle sortit de la faculté des sciences infirmières. Maintenant, elle eut l'impression d'être dans une prison dorée à ne jamais avoir de temps pour elle et n'étant plus capable de voir le positif dans sa vocation. Elle aurait dû dire oui à la demande de son ex-copain pour enfanter. Elle aurait eu un an de congé. Mais un enfant ne doit pas servir qu'à ça. Pourquoi personne ne pouvait se contenter de la raison qu'elle ne se sentait pas la fibre maternelle en elle? « Pourquoi t'es infirmière, tu devrais sentir l'horloge biologique en toi. » C'est après cette phrase qu'elle avait décidé de raccrocher au nez de sa mère et de ne plus lui parler. Ça va faire cinq mois. Elle perdit patience et joua du klaxon par frustration et impatience. Non, ça ne changeait rien à la vitesse de pointe et non, ça ne la soulagea pas le moins du monde.
Elle arriva chez elle, la nuit était déjà tombée. Le manque de nicotine la fit trembler des mains au moment de déverrouiller sa porte. Enfin à l'intérieur, elle lâcha le plus long des soupirs de soulagement qu'elle ait entendu de sa vie. Après quelques courtes secondes, elle marcha rapidement jusque dans la salle à manger, là où son paquet de cigarettes l'attendait.
Les premiers souffles de fumée toxique lui firent l'effet d'un orgasme. Elle commença seulement à prendre conscience de ce qui l'entourait. Debout dans la noirceur, la maison n'était éclairée que par la lumière de la hotte de cuisine et la veilleuse du petit vestibule. Se tenant dans la salle à manger communiquant avec le salon en pièces ouvertes fessant la moitié de la surface du rez-de-chaussée, le souvenir de sa première visite avec Jonathan dans cette maison de deux étages avec trois lucarnes lui revint en tête. Le sous-sol sera une salle de jeu. Le bureau sera au rez-de-chaussée. La chambre principale sera en haut, avec celle des invités. Ces mots avaient été prononcés par l'ex. Pour lui le futur était beau et plein de promesses.
Elle ne pleura pas. Elle était beaucoup trop épuisée pour se laisser aller avec un élan d'émotion quelconque. Elle décida de rester dans le noir. Voir la couleur des murs, les meubles, le décor ne lui servirait à rien. Maintenant seule et ne pouvant assumer les couts de ce logis, elle déménagera d'ici la fin du mois et elle préféra faire comme si plus rien n'était là. C'était plus facile. La seule pièce dont elle s'ennuierait une fois chez son frère est SA salle de bain. Cette pièce, elle l'avait faite à son goût du plancher au plafond, allant jusqu'à peinturer seule les murs. Cette pièce était la seule à lui ''appartenir'' de tout le sous-sol. Avant de descendre l'escalier, elle alluma une autre cigarette. Elle arrêta sa descente à mi-chemin. Elle voyait le petit vestibule d'où elle était. Elle fixa la porte d'entrée. Elle eut l'impression de l'avoir vue s'ouvrir. Rien ne bougea. Sûrement la fatigue se dit-elle. Elle se rendit directement dans la salle de bain, laissant ses fausses inquiétudes derrière elle.
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La Fin du Quart
HorrorStéphanie est une infirmière récemment divorcée et près du burn out. Un soir, après avoir dit non à du temps supplémentaire, elle décide de prendre un dernier bon moment avant son déménagement forcé. Mais un curieux bruit vient briser sa quiétude.